239e mondial et en deuxième semaine de Grand Chelem : la rarissime aventure d’Hugo Gaston

L’exploit d’Hugo Gaston et les perfs de Sebastien Korda à Roland-Garros 2020 n’avaient aucun précédent en Grand Chelem depuis Wimbledon 2000. Cette année-là, Vladimir Voltchkov était allé jusqu’en demi-finale. Voici aussi pourquoi il est rarissime que les joueurs classés au-delà de la 150e place accèdent à la deuxième semaine de Roland-Garros, le plus exigeant des Grands Chelems.

Vladimir Voltchkov, Hugo Gaston, Arnaud di Pasquale Vladimir Voltchkov, Hugo Gaston, Arnaud di Pasquale

Les conditions de jeu si spéciales de ce Roland-Garros 2020 annonçaient des surprises. Chez les hommes, elles ne prennent pas, pour l’instant, la forme de l’élimination de têtes de série – Medvedev et Wawrinka sont les principaux battus des deux premiers tours, après Berrettini ce samedi, on va justement en reparler ici.

La véritable histoire, c’est la présence inhabituelle de quatre joueurs classés au-delà de la 150e place mondiale au troisième tour, et surtout de trois en huitième de finale. Hugo Gaston, 239e, et Sebastien Korda, 213e, ont validé vendredi leur billet pour les huitièmes de finale. Daniel Altmaier, 186e, les a imités samedi. Gaston, en dominant la tête de série et n°16 ancien vainqueur, Stanislas Wawrinka, avec un 6-0 au cinquième set. Altmaier n’a laissé aucune manche à Berrettini. Hallucinant.

Hugo Gaston rejoint par Altmaier

Le Colombien Daniel Elahi Galan, 153e, n’a en revanche rien pu faire contre Novak Djokovic, à part se marrer avec lui quand le toit a mis du temps à se fermer. Quoiqu’il arrive, la présence à ce niveau de joueurs qualifiés, wild card, lucky losers, voire des joueurs au classement protégé, c’est du jamais-vu depuis vingt-huit ans à Roland-Garros et en Grand Chelem.

En 1992, comme en 2020, quatre joueurs classés en-deça de la 150e place avaient atteint le troisième tour Porte d’Auteuil et trois d’entre eux avaient poursuivi leur route. Andrei Medvedev (175e), futur finaliste en 1999, Diego Perez (239e) et Henri Leconte (200e) avaient accédé au Top 16 – et même au dernier carré en ce qui concerne Henri Leconte. David Prinosil (176e), lui, n’avait pas franchi l’obstacle.

Le souvenir de la demi-finale d’Henri Leconte mérite d’être rappelé à Gaston avant son huitième contre Thiem, à Korda avant son défi face à Nadal (dimanche) et surtout à Altmaier avant son duel face à Carreño Busta (lundi). Certes, le Français, ancien finaliste de Grand Chelem en 1988, possédait un statut aux antipodes de ceux de Gaston, Korda et Altmaier aujourd’hui.

Mais Wimbledon 2000 offre un précédent à méditer car Vladimir Voltchkov (237e) avait lui aussi poussé jusqu’au dernier carré dans une édition où Christian Vinck (160e), Olivier Rochus (179e), Neuville Godwin (203e) avaient aussi joué le troisième tour – dernier Majeur en date avec un casting si “ouvert” vers les joueurs de niveau challenger avant ce Roland-Garros 2020.

Le programme de dimanche
Le tableau hommes

Rarissime à Roland-Garros

Wimbledon est de loin le tournoi du Grand Chelem le plus apte à créer ce type de sensation puisque le tournoi anglais et son gazon si aléatoire ont aussi connu la situation – quatre qualifiés au moins pour le troisième tour – en 1992, 1996, 1997, 1999. Cette année-là, deux avaient franchi le cap. En 1997, celle du quatrième sacre de Pete Sampras, ils étaient même cinq « under 150 » au troisième tour, tous éliminés.

Roland-Garros, au contraire, défie rarement cette logique. Cela a probablement un rapport avec l’exigence sans égale de la terre battue. Depuis 1990, année de départ de nos recherches statistiques (menées avec l’aide du compte Twitter Jeu, Set et Maths), qui coïncide avec la naissance de l’ATP Tour et donc des règles de classement à peu près comparables à celles de 2020, Roland-Garros n’avait connu que deux poussées des mal classés dans son tableau final. 

Outre 1992, il faut citer l’année précédente, 1991, avec sept « under 150 » parmi les trente-deux derniers joueurs en lice. Cette année-là était née sous le signe du séisme avec l’éjection au premier tour, le même mardi, des deux premières têtes de série, Stefan Edberg et Boris Becker, contre deux futurs vainqueurs en Grand Chelem, Sergi Bruguera et Goran Ivanisevic. Deux autres joueurs mal classés avaient continué leur route jusqu’en huitièmes de finale :  Christian Miniussi (222e) et Todd Martin (243e).

Trois autres moins bien classés que Gaston dans les annales

Plus rare encore : être classé comme Hugo Gaston aujourd’hui ou en-dessous et continuer sa route en deuxième semaine. Todd Martin, futur finaliste à l’Open d’Australie 1994 et à l’US Open en 1999, fait partie des quatre joueurs moins bien classés qu’Hugo Gaston à avoir atteint le cap des huitième de finale avec ce Roland-Garros 1991. Les autres itinéraires comparables à ceux du Toulousain, depuis, sont ceux de Diego Perez (239e) huitième de finaliste en 1992 (battu par Niklas Kulti), et Arnaud di Pasquale (283e), dominé au même stade par Marat Safin en 2002.

Dans les autres Grands Chelems, les seuls parcours les plus fous que ceux de Gaston sont ceux de l’Américain Kelly Jones, 447e et huitième de finaliste à l’Open d’Australie 1993 (battu par Guy Forget), le Britannique Andrew Foster, 332e et huitième de finaliste à Wimbledon 1993 (battu par Pete Sampras), Guillermo Canas, 248e à l’Open d’Australie 2004 (battu par David Nalbandian) et les fameux Vladimir Voltchkov et Arnaud di Pasquale déjà cités.

Voltchkov, le plus incroyable des trente dernières années

A cette liste, il faut ajouter en toute rigueur d’ancien grands joueurs alors relégués dans les bas-fonds du classement ATP mais capables de se rapprocher de leur meilleur niveau dans les grandes occasions : Mats Wilander, 322e mondial et en huitième de l’Open d’Australie 1994 à 29 ans (battu par MaliVai Washington), Guy Forget, 1130e et qualifié en quart de finale à Wimbledon 1994 après avoir dominé le n°5 mondial Jim Courier au deuxième tour, mais aussi Richard Krajicek, 1093e mondial et huitième de finaliste à Wimbledon 2002 six ans après son sacre (battu par Mark Philippoussis).

Le maître-étalon du genre reste Vladimir Voltchkov, auteur de huit victoires à Wimbledon 2000, dont trois en qualifications. Demi-finaliste aux côtés de Pete Sampras, Andre Agassi et Patrick Rafter, il avait dominé tour à tour, dans le tableau final, Juan Ignacio Chela, Cédric Pioline (tête de série n°6), Youness El-Aynaoui, Wayne Ferreira et Byron Black.

Il avait alors 22 ans et connaîtrait bientôt le pic de sa carrière avec une 25e place mondiale en 2001, due entre autres à quatre demi-finales et trois quarts de finale sur le circuit ATP dans les huit mois suivants. L’obligation de confirmer son statut, pire contrainte qui puisse s’exercer sur un joueur, avait finir par avoir raison de son avenir. Pour Gaston, Korda et Altmaier, ce Roland-Garros a été le bon moment pour en profiter.

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