6 décembre 1984 : Le jour où Sukova a empêché Navratilova de réussir le Grand Chelem

Le 6 décembre 1984, battue (1-6 6-3 7-5) par Helena Sukova, 10e mondiale, Martina Navratilova, numéro 1 du classement WTA, disait adieu à son rêve de Grand Chelem calendaire.

On this day 06.12.2020 On this day 06.12.2020

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis

Le 6 décembre 1984, à la surprise générale, Helena Sukova, 19 ans, empêche Martina Navratilova de réaliser le Grand Chelem calendaire en l’éliminant en demi-finale de l’Open d’Australie (1-6, 6-3, 7-5). Navratilova, numéro 1 mondiale, avait remporté les six derniers tournois majeurs, et cette défaite met fin à un série de 74 victoires consécutives. C’est la première victoire de Sukova sur la légendaire gauchère, et elle sera battue lors de leur 13 confrontations suivantes.

Les actrices : Helena Sukova et Martina Navratilova

  • Helena Sukova, la “fille de” en pleine progression

Helena Sukova, dont la mère Vera a disputé la finale de Wimbledon en 1962, est née en 1965. Elle apparaît pour la première fois dans un tableau final de Grand Chelem à l’Open d’Australie 1981, où elle s’extrait des qualifications pour se hisser au troisième tour, étant battue par Hana Mandlikova (6-2, 6-1). Elle remporte son premier titre à Newport en 1982, aux dépens de Pat Medrado (6-2, 6-7, 6-0). En 1984, elle obtient son premier résultat marquant en Grand Chelem à l’US Open, où elle s’incline en quarts de finale face à Martina Navratilova (6-3, 6-3). Au début de l’Open d’Australie (qui, disputé alors au mois de décembre, est le dernier Grand Chelem de la saison), elle est 10e mondiale.

  • Martina Navratilova, la patronne du circuit féminin

En 1984, Martina Navratilova, née en 1956, est la n°1 mondiale incontestée. D’après sa rivale Chris Evert, elle a révolutionné la condition physique dans le tennis féminin, apportant notamment l’idée de pratiquer d’autres sports, tel le basket-ball, pour s’entraîner physiquement. Elle atteint pour la première fois le sommet du classement en 1978, après avoir remporté son premier titre du Grand Chelem à Wimbledon, en prenant le dessus sur Chris Evert (2-6, 6-4, 7-5). Elle parvient à conserver son titre en 1979, et en 1981, elle s’impose pour la première fois à l’Open d’Australie, aux dépens d’Evert.

A cette époque, elle lutte avec Evert et Tracy Austin pour la première place mondiale. Mais à partir de 1982, Navratilova exerce son emprise sur le circuit. Cette année-là, elle boucle le Grand Chelem en carrière en remportant Roland-Garros (où elle bat Andrea Jaeger en finale, 7-6, 6-1) et Wimbledon (où elle domine Evert, 6-1, 3-6, 6-2). En 1983, son emprise se change en domination absolue. Lorsqu’elle arrive à l’Open d’Australie 1984, elle a gagné les six tournois du Grand Chelem précédents (de Wimbledon 1983 à l’US Open 1984), ce qui est un record absolu hommes et femmes confondus. Toutefois, à Kooyong, en banlieue de Melbourne, elle vise un objectif encore plus élevé : ajouter un Grand Chelem calendaire à son palmarès.

Le lieu : L’Open d’Australie

Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnat d’Australasie puis Championnat d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année avant de s’installer à Melbourne en 1972, et pas moins de cinq villes australiennes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adélaïde, Brisbane et Perth. Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. Jusqu’à 1982, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement, des dates proches des fêtes de fin d’année et des prix insuffisants.

L’histoire : Sukova maîtrise ses nerfs pour renverser Navratilova

En 1984, Martina Navratilova n’est pas venue à Melbourne simplement pour participer à l’Open d’Australie. Vainqueure des six derniers tournois du Grand Chelem, invaincue en 70 matches depuis sa défaite contre Mandlikova au mois de janvier, elle est venue pour réaliser le Grand Chelem calendaire. Elle a passé ses quatre premiers tours sans encombre pour atteindre les demi-finales (il n’y a alors que 64 joueuses dans le tableau de l’Open d’Australie), portant sa série de victoires à 74. Dans le dernier carré, elle est opposée à Helena Sukova, qu’elle a facilement battue en quarts de finale de l’US Open (6-3, 6-3), et face à qui elle n’a pas perdu le moindre set en trois rencontres. Pour la plupart des experts, il ne fait aucun doute que Navratilova va rejoindre Chris Evert en finale pour le dernier round de sa course au Grand Chelem.

Au début, tout se passe comme prévu pour la N°1 mondiale. Elle parvient à gagner le premier set, 6-1, bien que 6 des 7 jeux se jouent à égalité, et qu’elle soit contrainte de sauver des balles de break dans trois jeux différents. Bien des joueuses se seraient frustrées après tant d’occasions manquées, mais pas Sukova, qui affûte ses retours pour breaker Navratilova et empocher le deuxième set, 6-3. La Tchécoslovaque se détache même 3-0 au dernier set, mais la numéro 1 mondiale n’a pas l’intention de s’incliner sans combattre. Sukova reste solide et concentrée, même lorsqu’elle voit son adversaire recoller à 4-4.

« Lorsque je perdais un point, je me disais : essaie de gagner le suivant, et oublie ça, dira-t-elle plus tard, dans des propos rapportés par Sports Illustrated. Je n’étais pas nerveuse, ou quoi que ce soit. »

Cette force mentale lui permet de tenir le coup lors du dernier jeu. Après avoir pris le service de Navratilova à 5-5, elle se procure trois balles de match consécutives, mais la N°1 mondiale les écarte grâce à trois coups droits gagnants. Conservant son calme, Sukova obtient deux nouvelles balles de match, mais Navratilova réussit deux nouveaux coups gagnants. Finalement, sur la sixième balle de match, la N°1 mondiale manque son retour. Contre toute attente, Sukova, 19 ans, vient d’empêcher la meilleure joueuse du monde de réussir le Grand Chelem calendaire.

La postérité du moment : Navratilova ne réussira jamais le Grand Chelem calendaire

En finale, malgré le gain du premier set, Sukova s’inclinera face à Chris Evert (5-7, 6-1, 6-3). Elle atteindra son meilleur classement, 4e mondiale, en 1985, et elle disputera trois autres finales de Grand Chelem : à l’US Open 1986 (battue par Navratilova, 6-3, 6-2), à l’Open d’Australie 1989 (dominée par Steffi Graf, 6-4, 6-4), et enfin à l’US Open 1993 (à nouveau surclassée par Graf, 6-3, 6-3). Elle connaîtra plus de succès en double, où, remportant pas moins de 9 tournois du Grand Chelem, elle atteindra la première place en 1990.

Martina Navratilova deviendra, selon Billie Jean King, « la plus grande joueuse de simple, de double et de double mixte ayant jamais vécu ». Au cours de l’ère Open, aucun joueur, hommes et femmes confondus, ne gagnera plus de tournois que Navratilova en simple (167) ni en doubles (177), et personne ne remportera plus de matchs qu’elle (2189). A l’issue de sa carrière, elle détiendra 18 titres du Grand Chelem en simple, 31 en double et 10 en double mixte, réalisant le Grand Chelem total, qui consiste à remporter les quatre tournois majeurs en simple, double et double mixte. Elle passera en tout 332 semaines à la tête du classement WTA, mais elle ne réussira jamais le Grand Chelem calendaire.

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