11 septembre 1988 : Le jour où Wilander a remporté la plus longue finale de l’histoire de l’US Open

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1988 pour voir comment Mats Wilander a remporté une finale de l’US Open longue de quatre heures et cinquante-quatre minutes face à Ivan Lendl, atteignant du même coup la première place mondiale

Mats Wilander, à l'US Open en 1989 Mats Wilander, à l’US Open en 1989 (PL Gould / IMAGES / Getty Images)

Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Wilander et Lendl s’offrent un record à l’US Open

Ce jour-là, le 11 septembre 1988, Mats Wilander, 24 ans, domine Ivan Lendl, le triple tenant du titre, après quatre heures et cinquante-quatre minutes de jeu (6-4, 4-6, 6-3, 5-7, 6-4), à l’issue de la plus longue finale de l’histoire de l’US Open. Le Suédois, au sommet de sa forme cette année-là, a déjà triomphé à l’Open d’Australie et à Roland-Garros, et ce troisième titre majeur fait de lui le nouveau numéro un mondial.

Les acteurs : Mats Wilander et Ivan Lendl

  • Mats Wilander, dans la meilleure année de sa carrière

Mats Wilander, né en 1964, a connu le succès à un très jeune âge. En 1982, à l’âge de dix-sept ans et neuf mois, il devient en effet le plus jeune vainqueur de Grand Chelem de l’histoire, en battant en finale Guillermo Vilas, véritable légende sur terre battue (1-6, 7-6, 6-0, 6-4). Il se rend également célèbre après avoir fait preuve d’un rare fair-play plus tôt dans le tournoi : en demi-finale, contre Jose-Luis Clerc, il inverse, sur balle de match, une annonce qui le propulsait en finale, et ce alors que l’arbitre a déjà annoncé « jeu, set et match ». En quarts de finale de la Coupe Davis 1982, il dispute également le match le plus long de l’ère open, vaincu en six heures et vingt-deux minutes par John McEnroe (9-7 6-2 15-17 3-6 8-6). Battu en finale de Roland-Garros 1983 par Yannick Noah (6-2, 7-5, 7-6), il remporte un deuxième titre du Grand Chelem quelques mois plus tard, en s’imposant face à Ivan Lendl sur le gazon australien (6-1, 6-4, 6-4) à la surprise générale, lui qui semblait être un expert de la terre battue. En 1984, il parvient à défendre son titre à Melbourne (aux dépens de Kevin Curren, 6-7, 6-4, 7-6, 6-2), et en 1985, il ajoute un deuxième Roland-Garros à son palmarès (en battant en finale Lendl, 3-6, 6-4, 6-2, 6-2). Wilander mène également la Suède à son premier succès en Coupe Davis, en 1984, un exploit réédité en 1985 et 1987. 1988 est sans aucun doute l’année de l’apogée pour Wilander : après avoir remporté l’Open d’Australie (en battant Pat Cash en finale, 6-3, 6-7, 3-6, 6-1, 8-6), il triomphe également à Roland-Garros (en battant Henri Leconte, 7-5, 6-2, 6-1), et lorsque l’US Open débute, il a la possibilité de devenir numéro 1 mondial pour la première fois.

Henri Leconte - Roland-Garros 1988
  • Ivan Lendl, le numéro un mondial

Né en 1960, Ivan Lendl a redéfini les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier, poussant ses adversaires à un rude combat physique. Il redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque.

Passé pro en 1978, il se pose dès 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Bjorn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Bien qu’il ait déjà remporté des dizaines de tournois ATP, dont le Masters 1981 en venant à bout de Vitas Gerulaitis (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4), il ne parvient pas à décrocher un titre du Grand Chelem avant 1984. A vrai dire, il a échoué à quatre reprises en finale, une fois à Roland-Garros (en 1981, battu par Bjorn Borg), deux fois à l’US Open (battu par Jimmy Connors, en 1982 et 1983) et une en Australie (battu par Mats Wilander en 1983). En 1984, Lendl triomphe finalement à Roland-Garros, venant à bout de John McEnroe à l’issue d’une finale légendaire où il surmonte un handicap de deux sets (3-6, 2-6, 6-4, 7-5, 7-5). En 1985, il atteint la finale des Internationaux de France (battu une nouvelle fois par Wilander), mais à l’US Open, quelques semaines après être redevenu numéro 1 mondial, il décroche un deuxième titre du Grand Chelem aux dépens de John McEnroe (7-6, 6-3, 6-4). Au cours des années suivantes, Lendl assoit sa domination sur le tennis mondial, s’adjugeant quatre tournois du Grand Chelem : Roland-Garros et l’US Open, en 1986 et 1987. Il ne parvient pas à triompher à Wimbledon, bien qu’il y atteigne la finale à deux reprises, en 1986 (battu par le jeune tenant du titre, Boris Becker, 6-4, 6-3, 7-5), et en 1987 (dominé par Pat Cash, 7-6, 6-2, 7-5). En 1988, Lendl a été handicapé par des blessures et ses résultats ont été décevants par rapport à ses standards habituels : n’ayant pas atteint la moindre finale de Grand Chelem avant l’US Open, il est sur le point de perdre la place de numéro 1 au profit de Wilander.

Le lieu : Flushing Meadows

L’US Open (appelé US National Championships avant 1968 et le début de l’Ere Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis, en 1915, l’épreuve s’installe à New-York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills,  jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie). De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue. En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New-York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur surface dure. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est le Stade Louis Armstrong, d’une capacité de 14 000 places.

Les faits : Wilander dépossède Lendl de son titre et de sa place de numéro un

Lorsque Mats Wilander et Ivan Lendl s’affrontent en finale de l’US Open 1988, l’enjeu est plus important qu’un simple titre du Grand Chelem : si le Suédois venait à s’imposer, le Tchécoslovaque perdrait la place de numéro un mondial pour la première fois depuis 190 semaines. En effet, Lendl est au sommet du classement depuis son premier triomphe à Flushing Meadows, en 1985, où il est resté invaincu depuis lors, et où il est donc triple tenant du titre. 

Les deux hommes s’étaient déjà affrontés lors de la finale de 1987 qui, bien qu’ils n’aient disputé que quatre sets, était alors la finale la plus longue de l’histoire de l’US Open (remportée par Lendl en quatre heures et 47 minutes, 6-7, 6-0, 7-6, 6-4). Lendl s’est imposé lors de leurs six dernières confrontations, mais cela ne suffit pas à faire de lui le favori ce jour-là. Depuis leur dernier match, au Masters 1987, Wilander s’est nettement amélioré. Le Suédois, connu pour sa régularité en fond de court, a beaucoup travaillé son jeu au filet et il est désormais capable de mettre une nouvelle forme de pression sur ses adversaires. Il a remporté l’Open d’Australie et Roland-Garros, et il est impatient de devenir numéro 1.

Douze mois auparavant, Wilander avait été battu du fond de court, mais cette fois, il a décidé de s’appuyer sur ses progrès à la volée pour changer la physionomie du match, venant au filet à 131 reprises au cours de la finale. ”J’ai un peu changé ma façon de penser cette année”, déclarera Wilander, selon le New York Times. ”Je préfère me faire battre par quelqu’un qui tire des passings plutôt que de rester derrière, en faisant confiance à mes propres coups de fond de court. Je voulais voir ce que je pouvais faire”.

Cette stratégie s’avère payante, car Lendl, sur de nombreux points importants, se montre incapable de tirer les puissants passings de coup droit qui ont fait tant de mal à nombre de ses rivaux par le passé. Cet ajustement est l’une des clés du succès de Wilander, tout comme sa fameuse régularité – le Suédois ne commet que 36 fautes directes tout au long du match, contre 83 pour Lendl. Il lui faut néanmoins quatre heures et 54 minutes pour venir à bout du triple tenant du titre (6-4, 4-6, 6-3, 5-7, 6-4) et s’emparer de la première place mondiale.

”J’ai compris ce soir pourquoi il était si difficile pour Borg de gagner ici”, déclare Wilander. ”C’est tellement dur, mentalement et physiquement. Parce que c’est un tournoi que je n’ai jamais gagné, et qu’aucun Suédois n’a jamais gagné, et parce que je vais être numéro un, c’est le plus grand match que j’ai jamais joué. Cela signifiait tellement.”

”C’était une année difficile pour moi, mais il faut regarder la réalité en face et accepter”, déclare un Lendl déçu. “Je n’ai pas encore réalisé que j’avais perdu la première place mondiale. Mais je ne vais pas rester assis à m’en faire. Je vais penser à la récupérer.”

Postérité du moment : Wilander ne disputera plus la moindre finale en Grand Chelem

Le marathon de 1988 entre Ivan Lendl et Mats Wilander restera la plus longue finale de l’US Open de tous les temps.

La plus longue finale masculine dans chaque tournoi du Grand Chelem :

  • Open d’Australie, 2012 : Novak Djokovic bat Rafael Nadal en cinq heures et 53 minutes (5-7, 6-4, 6-2, 6-7, 7-5).
  • Roland-Garros, 1982 : Mats Wilander bat Guillermo Vilas, en quatre heures et 42 minutes (1-6, 7-6, 6-0, 6-4).
  • Wimbledon, 2019 : Novak Djokovic bat Roger Federer en quatre heures et 57 minutes (7-6, 1-6, 7-6, 4-6, 13-12).
  • US Open, 1988 : Mats Wilander bat Ivan Lendl, en quatre heures et 54 minutes (6-4, 4-6, 6-3, 5-7, 6-4).

L’US Open 1988 sera le dernier titre du Grand Chelem remporté par Wilander. Une surprenante défaite contre Steeb en finale de la Coupe Davis apparaîtra par la suite comme le premier signe du déclin de Wilander. Il ne disputera plus la moindre finale de Grand Chelem, et, à la fin 1989, il sortira du top 10 pour toujours. En 2020, il expliquera, pour atptour.com : “Je pensais être le meilleur joueur au monde pendant la saison 1988, mais lorsque j’ai vraiment atteint le sommet du classement, j’ai vraiment connu quatre mois difficiles…je suppose que j’étais juste très mauvais pour gérer cette pression.”

Ivan Lendl connaîtra une nouvelle déception en 1988, battu au tie-break du dernier set par Boris Becker en finale du Masters (5-7, 7-6, 3-6, 6-2, 7-6). Il récupèrera la première place mondiale le 30 janvier 1989, après son premier titre à l’Open d’Australie (conquis aux dépens de Miloslav Mecir, 6-2, 6-2, 6-2). Après une défaite mémorable face à Michael Chang à Roland-Garros, il échouera face à Becker en demi-finale de Wimbledon et en finale de Flushing Meadows, mais il finira néanmoins l’année au sommet du classement ATP pour la quatrième et dernière fois.

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