15 janvier 1981 : Le jour où l’impassible Björn Borg a craqué face à un arbitre

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 15 janvier 1981, l’impassible Björn Borg, opposé à John McEnroe au premier tour du Masters, craque, momentanément, pour l’unique fois de sa carrière.

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Björn Borg est sanctionné par l’arbitre, la seule fois de sa carrière

Ce jour-là, le 15 janvier 1981, alors qu’il affronte John McEnroe lors de la phase de poules du Masters, Björn Borg écope d’avertissements et de points de pénalité pour la seule et unique fois de sa carrière. Le Suédois, connu pour sa légendaire capacité à rester calme en toutes circonstances, conteste un « overrule » et son attitude lui coûte la deuxième manche.

Malgré tout, Borg retrouve son calme au troisième set et s’impose 6-4, 6-7, 7-6, avant de remporter le tournoi quelques jour plus tard.

Les acteurs : Björn Borg et John McEnroe

  • Björn Borg, le Suédois impassible surnommé “Ice Borg”

Björn Borg, né en 1956, est le champion qui a changé le tennis pour toujours. Sa « starisation » sans précédent et ses nombreux succès contribuent à faire du tennis un sport très populaire à la fin des années 1970. Son style de jeu, avec un usage inhabituel du lift et un revers à deux mains très curieux pour l’époque, est simplement révolutionnaire et sera copié dans le monde entier. Son surnom, « Ice Borg », reflète son attitude sur le court : il semble maîtriser ses émotions en toutes circonstances.

Ayant commencé le tennis à l’âge de 9 ans, il fait déjà partie de l’équipe suédoise de Coupe Davis à l’âge de 15 ans, et, pour sa première participation à cette compétition, il gagne son simple contre le Néo-Zélandais Onny Parun. Il passe pro l’année suivante, en 1973, avant même de fêter ses dix-sept ans, et il atteint bientôt la finale de Monte-Carlo, où il est battu par Ilie Nastase (6-4 6-1 6-2).

Sa domination commence en 1974, où, à l’âge de 18 ans, il remporte son premier titre du Grand Chelem à Roland-Garros, devenant le plus jeune vainqueur de l’histoire du tournoi. Depuis le début de sa carrière, un seul joueur a réussi à battre Borg à Paris : l’Italien Adriano Panatta, qui le domine en 1973 et en 1976. Sinon, le Suédois est invaincu à Paris où il s’est imposé à six reprises (1974, 1975, 1978, 1979, 1980, 1981).

Depuis 1976, il se montre également invincible à Wimbledon, où il remporte cinq titres consécutifs : Arthur Ashe est le dernier joueur à l’avoir battu au All England Club, en 1975. Étant donné que Björn Borg n’a participé qu’une seule fois à l’Open d’Australie, en 1974, on considère que le seul titre majeur après lequel il court encore est l’US Open, où il a déjà perdu trois finales, deux face à Jimmy Connors, en 1976 et 1978, et une face à John McEnroe, en 1980 (7-6, 6-1, 6-7, 5-7, 6-4).

Borg - McEnroe, finale Wimbledon 1980

  • John McEnroe, plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open

John McEnroe, le gaucher de New-York, né en 1959, éblouit le monde du tennis dès ses premiers pas sur le circuit, en 1977, lorsqu’à l’âge de 17 ans, il s’aligne à Wimbledon en tant qu’amateur pour s’extraire des qualifications et atteindre les demi-finales.

« Mac » est extrêmement talentueux. Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace, souvent suivi au filet. En 1979, il devient le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open en battant en finale Vitas Gerulaitis (7-5, 6-3, 6-3). Il crée également la surprise cette année-là en venant à bout de Björn Borg (7-5, 4-6, 6-2, 7-6) en finale du World Championship Tennis.

En 1980, il dispute le plus fameux match de sa carrière en finale de Wimbledon, s’inclinant en cinq sets contre Borg, après avoir gagné un incroyable tie-break au quatrième set (18-16).  En septembre, il parvient à défendre son titre à New-York en venant à bout de Borg (7-6, 6-1, 6-7, 5-7, 6-4).

McEnroe est célèbre pour son comportement, qui choque à l’époque le monde bien propre et policé du tennis. Ses querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentleman ».

Le lieu : Madison Square Garden (New York)

Créé en 1970, le Masters de fin d’année regroupe les huit meilleurs joueurs mondiaux. Le tournoi change initialement de lieu chaque année, et s’installe à New York, au Madison Square Garden, en 1977.

Dans cette salle, “la plus célèbre du monde”, le Masters devient bien plus qu’un simple tournoi de tennis, il devient un véritable spectacle. Lors de cette première édition, les billets sont tous vendus longtemps à l’avance, avec plus de 18 500 spectateurs se pressant dans les gradins.

Le directeur du tournoi, Ray Benton, a déplacé l’épreuve au mois de janvier afin d’éviter d’être en concurrence avec le football américain, et, dans l’attente du Super Bowl, le Masters de tennis est le principal événement de tennis aux États-Unis cette semaine-là.

L’histoire : Pour contester une annonce de l’arbitre, Borg, assis, refuse de reprendre le jeu

Le Masters 1980, disputé en janvier 1981, a commencé par deux grosses surprises : John McEnroe et Björn Borg, qui se sont affrontés en finale des deux derniers Grands Chelems, se sont pris les pieds dans le tapis lors de leur premier match. Tandis que l’Américain se faisait balayer par José Luis Clerc, le Suédois se faisait ratiboiser par Gene Mayer (6-0, 6-3).

Ainsi, lorsque l’Américain et le Suédois se retrouvent face-à-face, c’est un match à gros enjeu : le perdant sera éliminé du tournoi.

Ce nouvel épisode de leur intense rivalité s’avère lui aussi plein de surprises. Si l’on s’attend à ce que l’un des joueurs conteste les annonces et se voit infliger avertissements et points de pénalité, c’est bien le bouillant McEnroe, et certainement pas « Ice Borg », toujours maître de lui-même. Pourtant, malgré le gain de la première manche, 6-4, le Suédois donne de la voix de façon inhabituelle, remettant en question plusieurs décisions de l’arbitre de chaise. C’est au tie-break du deuxième que l’impensable se produit : le grand Björn Borg reçoit non pas un, mais deux points de pénalité !

Comment en est-on arrivé là ? À 3-3, le Suédois frappe un coup droit qui est donné bon par le juge de ligne, mais l’arbitre de chaise, Mike Lugg, l’annonce faute. Cette décision déplaît fortement à Borg, qui s’approche de l’arbitre et proteste calmement. L’arbitre maintient sa décision, mais, à la surprise de tous, le Suédois refuse de reprendre le jeu. Il reste là, immobile, ne laissant à l’arbitre d’autre choix que de lui donner un avertissement. Mais comme le quintuple vainqueur de Wimbledon ne se replace toujours pas, l’avertissement est suivi d’un point de pénalité : 5-3 pour McEnroe.

À ce moment, le superviseur vient expliquer à Borg qu’il est inutile de contester ainsi, et que l’arbitre ne peut annuler sa propre décision mais le Suédois n’en démord pas. Nombreux sont ceux qui, à l’instar de son adversaire, commencent à se demander s’il ne va pas abandonner. Finalement, après avoir écopé d’un deuxième point de pénalité qui donne à McEnroe deux balles de set (6-3), Borg retourne vers sa ligne de fond de court. Il perd le point suivant et le set par la même occasion.

« Je ne pouvais pas croire ce qu’il était en train de se passer », dira par la suite McEnroe, selon le New York Times. « J’étais sous le choc. (…) Je ne voulais pas vraiment prendre les points. » 

Dès le deuxième point du troisième set, l’arbitre déjuge à nouveau son juge de ligne en défaveur de Borg, lui refusant un ace. Cette fois, le Suédois est furieux, mais sur son deuxième service, McEnroe expédie volontairement son retour dans les tribunes pour lui donner le point.

Le Suédois parvient malgré tout à surmonter sa frustration, remportant le dernier set 7-6, et se qualifiant ainsi pour les demi-finales.

« Je pense qu’il y avait de tout dans ce match », déclare-t-il. « Des mauvaises annonces mais aussi des points superbes. »

Près de 40 ans plus tard, l’homme aux 11 titres du Grand Chelem évoquera à nouveau cet incident.

« J’étais très énervé. Je suis allé voir l’arbitre, je suis resté plutôt courtois mais je voulais des réponses. Il ne m’a pas donné de réponse satisfaisante et j’ai reçu un avertissement, puis deux points de pénalité. C’est la seule fois de ma carrière que cela m’est arrivé. Mais j’ai quand même gagné le match. »

La postérité du moment : Borg remporte le Masters quelques jours plus tard

Quelques jours plus tard, Borg remportera le Masters, dominant Ivan Lendl en finale, 6-4, 6-2, 6-2. En 1981, Björn Borg gagnera son dernier tournoi du Grand Chelem avec un sixième sacre à Roland-Garros, aux dépens d’Ivan Lendl (6-1, 4-6, 6-2, 3-6, 6-1). Dans les derniers épisodes de leur rivalité, John McEnroe le dominera à Wimbledon (4-6, 7-6, 7-6, 6-4) et à l’US Open (4-6, 6-2, 6-4, 6-3).

Cette quatrième défaite en finale à New-York sera la dernière apparition de Björn Borg en Grand Chelem. Victime de l’attention permanente dont il est l’objet et de la pression qui en découle, il explosera en plein vol et prendra sa retraite à l’âge de 26 ans, comptant déjà 64 tournois à son palmarès, et ayant occupé la place de numéro 1 mondial pendant 109 semaines. Il tentera un come-back qui tournera court au début des années 1990, armé de sa raquette en bois.

Au cours de sa carrière, John McEnroe triomphera trois fois à Wimbledon (1981, 1983, 1984), et quatre fois à l’US Open (1979, 1980, 1981, 1984). 1984 sera sa plus grande année. Remportant à la fois Wimbledon et l’US Open, mais aussi le Masters et la Coupe Davis, il sera le champion du monde incontesté avec au compteur 82 victoires pour seulement 3 défaites. Seule ombre au tableau de cette saison grandiose, sa terrible défaite contre Ivan Lendl en finale de Roland-Garros, après avoir mené deux sets à rien.

Après 1984, McEnroe ne gagnera plus le moindre tournoi du Grand Chelem. En 1986, épuisé mentalement, il fera même une pause dans sa carrière, le temps d’épouser Tatum O’Neal. Après son retour, « Mac » n’obtiendra jamais de résultats comparables à ceux d’avant et n’atteindra plus jamais la finale d’une épreuve du Grand Chelem.

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