2 juin 1994 : Le jour où Mary Pierce n’a fait qu’une bouchée de Steffi Graf à Roland-Garros

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 2 juin 1994, Mary Pierce a fait exploser Steffi Graf, quasi-intouchable depuis plus d’un an, en demi-finale de Roland-Garros.

Mary Pierce - On This Day 2/6 Mary Pierce – On This Day 2/6

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Pierce, première finaliste française à Roland-Garros depuis 1967

Ce jour-là, le 2 juin 1994, la Française Mary Pierce atomise la numéro 1 mondiale Steffi Graf en demi-finale de Roland-Garros (6-2 6-2), en livrant un match proche de la perfection. C’est une énorme surprise, car l’Allemande avait gagné les quatre précédentes levées du Grand Chelem et était quasi invaincue en 1994, alors que Mary Pierce n’avait jamais disputé la demi-finale d’un tournoi majeur auparavant. De plus, elle devient la première Française à atteindre la finale de Roland-Garros depuis Françoise Dürr, en 1967.

Les personnages : Steffi Graf et Mary Pierce

  • Steffi Graf, la numéro 1 mondiale

Steffi Graf, née en 1969, occupe la place de numéro 1 mondiale depuis l’été 1993 sans interruption. Depuis que sa principale rivale, Monica Seles, s’est trouvée éloignée des courts après avoir été poignardée au mois d’avril. L’Allemande avait déjà siégé au sommet du classement WTA de 1987 à 1991. Elle a réalisé un incroyable « Grand Chelem doré » en 1988, ajoutant une médaille d’or olympique aux quatre titres du Grand Chelem, exploit unique dans l’histoire du tennis.

Steffi Graf, 1988 Olympics gold-medalist

Lorsqu’elle arrive à Roland-Garros en 1994, elle n’a perdu que deux matches au cours des douze derniers mois, et détient simultanément les quatre trophées du Grand Chelem, ainsi que le Masters. Elle est invaincue dans un tournoi majeur depuis la finale de l’Open d’Australie 1993, perdue contre Monica Seles. Son tennis repose sur un énorme coup droit avec lequel elle fait pratiquement tout ce qu’elle veut, un jeu de jambes phénoménal et un revers slicé pour neutraliser ses adversaires. 

  • Mary Pierce, prodige de 19 ans

Mary Pierce est née en 1975 à Montréal, au Canada. Mais elle a choisi de représenter la France, le pays de sa mère. A l’époque, elle est la plus jeune joueuse de l’histoire à faire ses débuts professionnels, à l’âge de 14 ans et deux mois. Mais c’est en 1991 qu’elle atteint le haut niveau en remportant son premier titre à Palerme avant de terminer l’année à la 26e place mondiale. Au cours des deux saisons suivantes, elle gagne s’adjuge quatre tournois supplémentaires et atteint les quarts de finale à l’Open d’Australie 1993. Mary Pierce est 12e mondiale à l’ouverture de l’édition 1994 des Internationaux de France. Le début de carrière de Pierce est fortement marqué par le comportement violent de son père, Jim. Il amène la WTA à l’interdire de stade en 1993 et la joueuse à demander une ordonnance restrictive à son encontre.

Mary Pierce, 1995 Australian Open winner

Le lieu : Roland-Garros

Cette histoire a lieu à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique. 

Philippe-Chatrier court, Roland-Garros

Steffi Graf a déjà gagné le tournoi à trois reprises, en 1987, 1988 et 1993, et également été trois finaliste (1989, 1990, 1992). Elle n’a pas perdu avant le stade des demi-finales depuis 1986. C’est la cinquième apparition de Mary Pierce à Roland-Garros. Elle atteint deux fois les huitièmes de finale, en 1992 et 1993, battue à chaque fois par Jennifer Capriati. Elle entretient alors une relation étrange avec le public parisien, qui n’arrive pas vraiment à s’identifier à cette jeune femme qui joue sous le drapeau tricolore, mais a passé la majeure partie de sa vie en Amérique du Nord et parle français avec un léger accent américain. Par conséquent, elle ne reçoit pas toujours le même soutien que les autres joueurs français.

Les faits : Mary Pierce ne laisse que quatre jeux à Steffi Graf

Ce jeudi 2 juin 1994, Mary Pierce s’apprête à relever le plus grand des défis possibles. En demi-finale de Roland-Garros, elle affronte la numéro 1 mondiale Steffi Graf, détentrice des quatre couronnes du Grand Chelem à la fois. Depuis le début 1994, l’Allemande a déjà remporté six tournois, et n’a perdu qu’un seul match, et encore, en finale de Hambourg, face à la 2e mondiale Arantxa Sanchez, et au tie-break du troisième set (4-6 7-6 7-6). C’est dire à quel point la numéro 1 mondiale semble alors imbattable. Par-dessus le marché, Mary Pierce ne lui a encore jamais pris le moindre set et leur dernière rencontre, à l’US Open 1993, s’est soldée par une lourde défaite 6-1 6-0.

Quel que soit le niveau de confiance de Graf, si elle a jeté un œil à la façon dont Pierce s’est taillée un chemin jusqu’en demi-finale, elle sait qu’il vaut mieux se tenir sur ses gardes. La jeune Française n’a perdu que six jeux au cours de ses cinq premiers tours. Le public parisien y a découvert ses frappes surpuissantes du fond de court, en même temps que ses adversaires désemparées.

Pierce sait que si elle veut battre Graf, elle doit poursuivre sur cette lancée, et c’est exactement ce qu’elle fait dès le premier jeu. Sans aucune hésitation, elle frappe chaque coup le plus fort possible et prend l’Allemande de vitesse, multipliant les coups gagnants. Même les revers coupés vicieux et les amorties de Steffi Graf n’y peuvent rien. Pierce est tellement sûre de la vitesse et de la puissance de ses frappes, qu’elle se permet d’attaquer Graf sur son coup droit, que tout le monde essaie en principe d’éviter.

Mary Pierce est dans un grand jour. Le temps où le public parisien hésitait à l’encourager est désormais révolu. Devant un public surexcité, Pierce assomme Steffi Graf 6-2 6-2 en seulement une heure et 17 minutes. Le Court Central lui réserve une standing ovation amplement méritée avant qu’elle ne quitte le terrain. Elle est la première Française à se qualifier pour la finale de Roland-Garros depuis 1967, et n’a perdu que dix jeux en route.

“Je suis un peu sous le choc d’avoir gagné aussi facilement, commente Pierce. Je crois qu’elle n’a pas pu faire grand-chose, parce que je jouais tellement bien. C’est une sensation fantastique d’avoir le public derrière soi comme ça. »

Steffi Graf confirme l’analyse de Mary Pierce :

“Elle a très, très bien joué. Elle attaqué chaque balle en prenant tôt. Je n’ai pas pu faire grand-chose.

La postérité du moment : Pierce réalisera son rêve six ans plus tard

Malheureusement pour elle, en finale, Mary Pierce sera rattrapée par la pression , face à une joueuse plus expérimentée, Arantxa Sanchez. L’Espagnole, très régulière, remportera son deuxième titre à Roland-Garros, dominant 6-4 6-4 une joueuse bien différente de celle que Steffi Graf avait affrontée en demi-finale.

L’année suivante, Pierce prendra sa revanche en battant Sanchez 6-3 6-2 en finale de l’Open d’Australie 1995 pour gagner son premier tournoi du Grand Chelem. En 2000, elle réalisera le rêve de n’importe quel joueur de tennis français en triomphant à Roland-Garros, aux dépens de Conchita Martinez (6-2 7-5), remportant par la même occasion le double avec Martina Hingis.

Mary Pierce and Conchita Martinez, 2000 Roland-Garros final

Au cours de sa carrière, elle disputera trois autres finales de Grand Chelem, à l’Open d’Australie 1997 (vaincue par Martina Hingis), à Roland-Garros 2005 (battue par Justine Henin) et à l’US Open 2005 (dominée par Kim Clijsters). Fin 2006, alors qu’elle affronte Vera Zvonareva au tournoi de Linz, le ligament antérieur croisé de son genou gauche lâche. Elle ne se remettra jamais de cette blessure et, bien que Mary Pierce n’annoncera jamais officiellement sa retraite, cela restera le dernier match de sa carrière.

Juste après Roland-Garros, Graf connaîtra une autre désillusion, en s’inclinant d’entrée à Wimbledon pour la première et unique fois de sa carrière, contre Lori McNeil (7-5 7-6). Ensuite, elle sera battue par Arantxa Sanchez en finale de l’US Open, 1-6 7-6 6-4, disputant pour la première fois depuis 1990 trois majeurs d’affilée sans un titre. Elle se remettra des déceptions de 1994 et, en 1995 et 1996, remportera les six tournois du Grand Chelem auxquels elle prendra part.

En s’imposant à l’US Open 1995, elle devient la seule joueuse de l’histoire à avoir gagné tous les tournois du Grand Chelem à au moins quatre reprises. Graf battra ensuite le record de Martina Navratilova en occupant la place de numéro 1 mondiale 377 semaines au total. Lorsqu’elle prendra sa retraite en 1999, peu de temps après son dernier titre majeur conquis à Roland-Garros, elle aura gagné en tout 22 titres du Grand Chelem.

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