4 septembre 1993 : Le jour où Wilander et Pernfors ont combattu jusqu’à 2h26 du matin

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1993 pour voir comment Mats Wilander et Mikael Pernfors ont combattu jusqu’à 2h26 du matin, la fin de match la plus tardive de l’histoire du tournoi.

Mats Wilander, à l'US Open en 1989 Mats Wilander, à l’US Open en 1989 (PL Gould / IMAGES / Getty Images)

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Un combat terminé à 2h26 du matin en Grand Chelem

Ce jour-là, le 4 septembre 1993, au deuxième tour de l’US Open, l’ancien numéro un mondial, le Suédois Mats Wilander, vient à bout de son compatriote et ami Mikael Pernfors (7-6, 3-6, 1-6, 7-6, 6-4). Leur combat de quatre heures ne prend fin qu’à 2h26 du matin. C’est le match le plus tardif jamais terminé à l’US Open. Même si ce record sera égalé à l’avenir, il ne sera jamais dépassé.

Les acteurs : Mats Wilander et Mikael Pernfors

  • Mats Wilander, déjà des records

Mats Wilander, né en 1964, a connu le succès à un très jeune âge. En 1982, à l’âge de dix-sept ans et neuf mois, il devient le plus jeune vainqueur de Grand Chelem de l’histoire, en battant en finale Guillermo Vilas, véritable légende sur terre battue (1-6, 7-6, 6-0, 6-4). Il se rend également célèbre après avoir fait preuve d’un rare fair-play plus tôt dans le tournoi : en demi-finale, contre José Luis Clerc, il inverse, sur balle de match, une annonce qui le propulsait en finale. L’arbitre a déjà annoncé « jeu, set et match ».

En quarts de finale de la Coupe Davis 1982, il dispute également le match le plus long de l’ère open, vaincu en six heures et vingt-deux minutes par John McEnroe (9-7, 6-2, 15-17, 3-6, 8-6). Battu en finale de Roland-Garros 1983 par Yannick Noah (6-2, 7-5, 7-6), Wilander remporte un deuxième titre du Grand Chelem quelques mois plus tard, en s’imposant face à Ivan Lendl sur le gazon australien (6-1, 6-4, 6-4) à la surprise générale, lui qui semblait être un expert de la terre battue.

En 1984, il parvient à défendre son titre à Melbourne (aux dépens de Kevin Curren, 6-7, 6-4, 7-6, 6-2), et en 1985, il ajoute un deuxième Roland-Garros à son palmarès (en battant en finale Lendl, 3-6, 6-4, 6-2, 6-2). Wilander mène également la Suède à son premier succès en Coupe Davis, en 1984, un exploit réédité en 1985 et 1987.

1988 est la plus grande saison de Wilander : après avoir réussi le Petit Chelem (qui consiste à remporter trois tournois majeurs la même année), il devient numéro1 mondial le 12 septembre. Cependant, après cette grande saison, Wilander décline rapidement et, à la fin de l’année 1989, il sort définitivement du top 10, et ne dispute plus la moindre finale de Grand Chelem. En 1991, il retombe au 157e rang mondial et, après une défaite au premier tour au Queen’s, il se tient à l’écart du circuit pendant presque deux ans. Cependant, en 1993, Wilander apparaît à nouveau dans quelques tournois et, en septembre, il est numéro 558 mondial.

  • Mikael Pernfors, parmi les grands

Le Suédois Mikael Pernfors, né en 1963, est surtout connu pour son parcours à Roland-Garros en 1986. A la surprise générale, il se hisse en finale, éliminant Henri Leconte et Boris Becker avant d’être battu par Ivan Lendl (6-3, 6-2, 6-4). La même année, après avoir atteint la 10e place mondiale (son meilleur classement), il livre un combat de cinq sets face à Pat Cash en finale de la Coupe Davis, mais il finit par s’incliner (2-6, 4-6, 6-3, 6-4, 6-3). Il remporte ses deux premiers titres en 1988, en battant Andre Agassi en finale du tournoi de Los Angeles (6-2, 7-5) puis Glenn Layendecker en finale de Scottsdale (6-2, 6-4). À l’entame de l’année 1990, il est 63e mondial.

En 1990, il réalise sa deuxième meilleure performance en Grand Chelem à l’Open d’Australie, où il atteint les quarts de finale (battu par Yannick Noah, 6-3, 7-5, 6-2). Victime de blessures en 1991 et 1992, il retrouve la forme en 1993, remportant son troisième titre au Super 9 de Montréal, en battant Todd Martin en finale, 2-6, 6-2, 7-5, et, à l’entame de l’US Open, il est 37e mondial.

Le lieu : L’US Open, à Flushing Meadows

L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des années. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis, en 1915, l’épreuve s’installe à New-York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills,  jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie).

De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue. En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New-York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur surface dure. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est le Stade Louis Armstrong, d’une capacité de 14 000 places.

L’histoire : Wilander profite des crampes de Pernfors

En septembre 1993, Mats Wilander, sept fois titré en Grand Chelem, est bien loin de sa gloire passée. En manque de motivation après avoir atteint la première place mondiale en 1988, il avait presque pris sa reraite 1991. Durant l’année 1993, il fait quelques apparitions sur le circuit, sans grand succès, et, 558e mondial, il n’entre dans le tableau de l’US Open que grâce à une wild card, que l’organisation du tournoi pouvait difficilement refuser au finaliste de l’édition 1987 et vainqueur du tournoi en 1988. Wilander honore cette invitation par une victoire convaincante au premier tour contre le 77e mondial, Jaime Oncins (7-5, 7-6, 7-6). 

Son adversaire du deuxième tour, son compatriote Mikael Pernfors, est un ami de longue date, lui aussi revenu de nulle part en 1993. Des blessures l’avaient empêché de jouer à son meilleur niveau en 1991 et 1992 (il était même retombé au 1002e rang mondial en 1991), mais d’après ses récents résultats, il est à nouveau en grande forme : en juillet, il a triomphé au Super 9 de Montréal (l’équivalent des Masters 1000 d’aujourd’hui), remportant au passage une belle victoire en huitième de finale contre le numéro 2 mondial, Jim Courier (6-3, 6-2).

Bien qu’il ne soit pas le favori, Wilander remporte la bataille de fond de court au premier set, qu’il gagne 7-6, mais il semble ensuite épuisé dans les sets suivants, qu’il perd 6-3, 6-1, perdant son service quatre fois d’affilée. Il se ressaisit cependant dans un quatrième set mémorable et emmène Pernfors dans un tie-break à suspense. Wilander n’arrive pas à convertir deux balles de set à 6-4, avant de tout de même conclure la manche, 8-6, pour entamer un cinquième set à 2 heures du matin. “Quand j’ai fait le break au cinquième set, je pensais que c’était le coup de grâce”, a déclaré Wilander, selon le New York Times. “Il m’a tout de suite débreaké.”

J’espérais ne pas en arriver là.

Mats Wilander

Ce n’est pourtant plus qu’une question de temps avant que le vainqueur de l’US Open 1988 n’achève son adversaire frappé par des crampes. Wilander prend le service de Pernfors dans le 10e jeu pour mettre un terme à la rencontre. Il est 2h26 du matin. C’est la fin de match la plus tardive de l’histoire de l’US Open, lorsque les Suédois se donnent une accolade au filet, devant un public clairsemé. 

Pendant la conférence de presse, lorsque les journalistes lui ont demandé s’il avait déjà joué aussi tard, Wilander plaisante : “Joué à quoi ?” 

“L’idée de jouer cinq sets ne m’a jamais traversé l’esprit”, déclare Wilander, qui, ces derniers mois, avait affirmé qu’il ne revenait que pour le plaisir. “J’espérais ne pas en arriver là”.

Pernfors, lui, ne semble pas trouver le retour de Wilander particulièrement “amusant”.

“Tout le monde dit qu’il fait ça pour s’amuser”, déclare l’ancien finaliste de Roland-Garros. “Mats veut gagner tout autant que n’importe qui. Et je ne sais pas, je veux dire qu’il semble que même s’il ne joue pas, il n’est pas fatigué. On dirait qu’il est en très bonne forme.”

La postérité du moment : Un record égalé à deux reprises… à 2h26 précise

Mats Wilander sera battu au tour suivant par Cédric Pioline, le futur finaliste du tournoi (6-4, 6-4, 6-4). Il remontera jusqu’à la 45e place mondiale, en 1995, avant de prendre sa retraite définitive en 1996. 

Mikael Pernfors quittera le top 100 à la fin de l’été 1994 et mettra lui aussi un terme à sa carrière en 1996. 

Le record de Wilander et de Pernfors du match le plus tardif à l’US Open sera égalé à deux reprises, sans être battu. La première fois, en 2012, lorsque Philip Kohlschreiber a battu John Isner au troisième tour (6-4, 3-6, 4-6, 6-3, 6-4), et la deuxième fois en 2014, lorsque Kei Nishikori a battu Milos Raonic au quatrième tour (4-6, 7-6, 6-7, 7-5, 6-4). À chaque fois, à 2h26 précises.

Mikael Pernfors et Mats Wilander, sur le court de Roland-Garros, en 2018.

Fin de match les plus tardives dans les autres tournois du Grand Chelem 

Open d’Australie : Lleyton Hewitt bat Marcos Baghdatis à 4h33 en huitièmes de finale, en 2008 (3-6, 7-5, 7-5, 6-7, 6-3).

Roland-Garros : Rafael Nadal bat Jannik Sinner à 1h26 du matin en quart de finale, en 2020 (7-6, 6-4, 6-1).

Wimbledon : Andy Murray bat Marcos Baghdatis à 23 h 02 au troisième tour, en 2012 (7-5, 3-6, 7-5, 6-1).

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