Épique Mensik ! A 19 ans, le Tchèque essore Djokovic et décroche son premier Masters 1000
A l’issue d’une finale longtemps retardée par la pluie et d’une folle intensité, Jakub Mensik a fait plier physiquement Novak Djokovic pour décrocher à 1 9 ans son premier Masters 1 000 à Miami.

Il est allé au bout de son rêve, au bout de la nuit. A 19 ans, Jakub Mensik a signé un authentique exploit en décrochant son premier Masters 1 000 – et même son premier titre tout court – à l’issue d’une finale rocambolesque et intense lors de laquelle il s’est montré extrêmement costaud physiquement et mentalement pour battre Novak Djokovic 7-6(4), 7-6(4), dans la nuit de dimanche à lundi, à Miami.
Mensik, 54e mondial au début du tournoi – et 24è ce lundi – est le premier joueur à remporter l’épreuve floridienne dès sa première participation dans le tableau final. Il est par ailleurs le quatrième joueur à ouvrir son compteur de titres en Masters 1 000 après Roberto Carretero (Hambourg 1996), Chris Woodruff (Montreal 1997) et Albert Portas (Hambourg 2001). Il est également le quatrième joueur tchèque à remporter un Masters 1 000 après Karel Novacek (Hambourg 1991), Petr Korda (Stuttgart 1997) et Tomas Berdych (Paris-Bercy 2005).
Jakub et l’as sec
Surtout, Jakub Mensik a privé son idole et mentor, Novak Djokovic, de ce fameux 100è titre que le Serbe chasse depuis des mois. Et il l’a fait comme un grand, en se montrant particulièrement solide dans les moments décisifs, notamment bien sûr les deux tie-break, d’ordinaire une grande spécialité de Djokovic mais qui, cette fois, est tombé sur plus fort : à Miami, le Tchèque n’a pas perdu un seul des sept jeux décisifs qu’il a eu à disputer. Vous avez dit « clutch » ?
Son énorme service (encore 14 aces…) l’a évidemment bien aidé dans ces moments-là, mais aussi et peut-être surtout la maîtrise impressionnante de ses nerfs, et la fougue de sa jeunesse. On n’osera pas écrire que Mensik a été plus fort que son légendaire adversaire mentalement, mais au moins l’a-t-il été physiquement : dans ce qui était la finale de Masters 1 000 présentant le plus grand écart d’âge (18 ans) entre ses deux protagonistes, la fraîcheur physique a clairement primé face à un Djokovic qui, pour une fois, a fait ses 37 ans et 10 mois.
Le contexte, il est vrai, n’a probablement pas aidé le Serbe, qui s’était réveillé dimanche matin avec un œil gonflé et qui n’a pas abordé au mieux cette finale débutée avec 5h40 de retard en raison de violents orages sur Miami. Lorsqu’elle a enfin pu commencer, rien n’allait : le radar de vitesse, la pendule, les stats officielle de l’ATP et… les jambes de Djokovic, long à se mettre en route et breaké d’entrée pour se retrouver rapidement mené 3-0.
« Papy » Djokovic fait de la rÉsistance
L’homme aux 24 Grands Chelems a alors réglé le curseur et est parvenu à débreaker à 4-2 en concrétisant sa première balle de break. Sa première… et aussi dernière. Il n’a ensuite plus jamais eu la moindre occasion face à un jeune adversaire servant le plomb et tenant admirablement l’échange, bref globalement dominateur, notamment lors d’un deuxième set où « papy » Djokovic aura essentiellement fait de la résistance. Certes héroïque, mais vaine au final.
Dominer, c’est bien, encore faut-il concrétiser. C’est ce que Mensik est parvenu à faire dans les deux jeux décisif en prenant à chaque fois tout de suite les devants, avec un peu de réussite dans le premier tie break sous la forme d’un retour « let » qui lui a permis de prendre l’ascendant dans l’échange. Dans le deuxième set, il ne montra pas plus d’affolement à avoir raté deux cruciales balles de break à 3-3. Une fois encore, arrivé au jeu décisif, il redoubla d’ardeur et sa fureur de joueur finit par renverser la légende adverse.
Il faut dire que Djokovic, de son côté, semblait proche du point de rupture physiquement. Il ne put plus le dissimuler lorsque, après avoir expédié dans le filet un coup droit qui lui coûta le mini-break à 2-2 dans ce jeu décisif du deuxième set, il s’écroula au sol, en plein cœur de la bagarre. L’aveu était net. Le souffle court, les traits marqués, Djokovic n’avait plus ni l’essence ni la lucidité pour faire honneur à son réalisme habituel dans ces moments capitaux. Malgré un service encore redoutable de précision (76% de premières balles), il termina le match avec une inhabituelle copie à 22 fautes directes, dont plusieurs grossières dans cet ultime jeu décisif.
Reste à savoir si cet écroulement physique reste conjoncturel, à une époque de l’année où on le sait pas forcément au top de sa préparation – a fortiori s’il souffrait d’une infection à l’œil -, ou désormais « structurel », ce qui serait la normalité des choses à son âge. De la réponse à cette question dépend en grande partie la qualification de son parcours floridien, qui a tout à la fois la couleur d’une renaissance et l’odeur d’une décroissance. Le début de saison sur terre battue le dira pour un Djokovic qui, on le sait, a décidé de « muscler » son jeu en rajoutant Madrid à son programme, mais qui aura fort à faire pour repousser le spectre de cette centième maudite de la jeunesse insolente.
A 19 ans et 210 jours, Jakub Mensik devient pour sa part le neuvième plus jeune joueur vainqueur d’un Masters 1 000, le premier teenager depuis Holger Rune lors du Rolex Paris Masters 2022. C’était déjà face à Novak Djokovic en finale et cela doit forcément titiller les nasaux du Belgradois, apparu particulièrement fulminant en invectivant son clan à plusieurs reprises, preuve que la sérénité n’était pas de mise pour ce long dimanche de finale. En l’espace de deux Masters 1 000 nord-américains remportés par deux néophytes (après Jack Draper à Indian Wells), un vent de renouveau aura, en tout cas, soufflé très fort sur le tennis mondial…


