Alcasinner, pourquoi c’est une rivalité (déjà) si forte

Comme l’an dernier, Jannik Sinner et Carlos Alcaraz vont se retrouver samedi en demi-finales d’Indian Wells. Ils s’affronteront ainsi pour la huitième fois de leur jeune carrière, installant progressivement une rivalité déjà marquante.

Jannik Sinner Carlos Alcaraz US Open 2022 poignée de main © Antoine Couvercelle / Panoramic

On n’accusera pas ici la presse, pour la énième fois, de créer un antagonisme là où il n’y en a pas. Avouons-le : on pourrait gratter des jours entiers que l’on ne trouverait pas la moindre trace d’anicroche entre Jannik Sinner et Carlos Alcaraz, qui seront fidèles au rendez-vous (très) attendu depuis le début de ce BNP Paribas Open, samedi, en demi-finales. Les deux jeunes hommes sont bons amis et l’on ne saurait suspecter la réelle sincérité de leurs bons sentiments.

Sur le plan purement sportif en revanche, leur rivalité se pose indéniablement là. A respectivement 20 et 22 ans, l’Espagnol et l’Italien se sont déjà affrontés sept fois sur le circuit ATP, et même huit si l’on rajoute un lever de rideau au premier tour du Challenger d’Alicante, en 2019. Alcaraz, même pas 16 ans, qui faisait alors ses débuts sur le circuit, l’avait emporté en trois sets, ce qui était une belle perf face à un joueur déjà classé pour sa part 319ème mondial.

Depuis, chacun de leur duel est devenu un événement grandissant, du tout premier sur le circuit principal, disputé sur le court n°1 de Paris-Bercy en 2021, au tout dernier, il y a quelques mois, en demi-finales du tournoi de Pékin. Dans l’intervalle, les deux hommes se sont aussi défiés à Wimbledon, Umag et l’US Open en 2022, puis à Indian Wells et Miami en 2023 (voir plus bas). Bilan : 4-3 pour Sinner (4-4 en comptant Alicante), qui a enlevé les deux dernières manches.

C’est beaucoup, énorme même, pour deux champions aussi jeunes. Mais ce n’est pas tant la quantité qui définit la force d’une rivalité. C’est bien sûr sa qualité et là-dessus aussi, Sinner et Alcaraz ont mis la barre très haut en disputant, en quart de finale de l’US Open 2022, un combat titanesque – n’ayons pas peur des mots, l’un des plus grands de l’histoire du tournoi – de 5h15 qu’Alcaraz avait conclu à 2h50 du matin en sauvant une balle de match, avant de s’en aller conquérir son premier titre du Grand Chelem et la place de numéro 1 mondial.

quel que soit le score, alcaraz et sinner s’engagent à fond en prenant des risques énormes. Je trouve qu’on n’avait jamais trop vu ça par le passé.

Dominic Thiem

Un match qui avait fait dire à Dominic Thiem, dans une interview donnée quelques jours plus tard à Eurosport : « Alcaraz et Sinner sont en train de changer le jeu, en termes de vitesse et d’agressivité. D’un bout à l’autre du match, quel que soit le score, ils s’engagent à fond en prenant des risques énormes. Je trouve qu’on n’avait jamais trop vu ça par le passé. Roger, Rafa et Novak sont bien sûr aussi des joueurs très agressifs mais disons qu’à certains moments, ils se montrent aussi plus défensifs, ils courent partout depuis leur ligne de fond sans faire aucune faute jusqu’à essorer l’adversaire. Là, c’est encore un autre tennis. »

A l’époque, Alcaraz s’était donc imposé comme le nouveau roi du tennis mondial mais l’on sentait bien qu’au-delà de Novak Djokovic, qui reste – ne l’oublions pas – le numéro 1 mondial, Jannik Sinner serait celui qui, au moins à court terme, lui poserait le plus de problèmes. Ce qui s’est confirmé par la suite, avec ces deux victoires remportées consécutivement par l’Italien à Miami et à Pékin en 2023, même si c’est Alcaraz qui s’était auparavant imposé lors de leur demi-finale d’Indian Wells.

Si Sinner gêne autant Alcaraz, c’est bien sûr parce qu’il est l’un des tout meilleurs joueurs du monde, et même le meilleur de ce début d’année 2024. Mais c’est aussi parce qu’il est probablement le seul capable de soutenir la comparaison avec l’Espagnol en termes de qualité de frappe, et donc de faire le jeu face à lui. Ce qui est très important, quand on se souvient de cette déclaration d’Alexander Zverev après avoir dominé le Murcien en début d’année à Melbourne : « J’ai gagné parce que j’ai réussi à lui ôter la raquette des mains. Carlos, si on le laisse prendre le jeu à son compte, il est imbattable. »

En regardant de plus près les statistiques de leurs affrontements, on constate deux choses : hormis, justement, leur demi-finale d’Indian Wells l’an dernier, Sinner est la plupart du temps celui des deux joueurs qui réussit le plus de coups gagnants. Et c’est aussi celui qui, systématiquement (du moins jusque-là), monte le plus souvent au filet, alors que la volée n’est pourtant pas citée comme son principal point fort.

Jannik Sinner au filet face à Carlos Alcaraz lors de leur monumental quart de finale de l’US Open 2022.

Cela dit, puisque l’on parle du tennis moderne, le dialogue service/retour demeure sans surprise la clé principale de leurs matches : à chaque fois, le vainqueur a été celui qui a inscrit le meilleur pourcentage de points derrière son service, première et deuxième balle incluses (en général entre 60 et 65%) mais aussi le meilleur pourcentage de points en retour (entre 35 et 40% pour le vainqueur, en moyenne).

Après, bien entendu, la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain et Sinner s’attend évidemment à une réplique de son rival, d’un point de vue tactique, pour corriger le tir après ses deux précédentes déconvenues.

Carlos fait partie des joueurs qui m’ont poussé à améliorer mon tennis. C’était pareil pour le Big Four avant nous, ils se poussaient à progresser mutuellement

Jannik Sinner.

« Il va sans doute essayer deux trois petites choses et s’il me bat, ce sera à mon tour de revoir quelques petits détails », a commenté l’Italien après avoir battu Jiri Lehecka jeudi en quarts de finale. « Carlos fait clairement partie des joueurs qui m’ont poussé à améliorer mon tennis. C’était pareil pour le Big Four avant nous, ils se poussaient à progresser mutuellement. D’une certaine manière, nous reproduisons la même chose. »

« Honnêtement, je ne sais pas comment je vais aborder le match », a déclaré de son côté Alcaraz après avoir pris sa revanche sur Alexander Zverev. « Jannik est sans aucun doute le meilleur joueur du monde actuellement. Comme dirait Tommy Paul, ce qui me fait bien rire, il est « absolument nu » en ce moment, tellement il joue bien. Il n’a pas encore perdu un match cette année. Ce sera un gros défi pour moi, mon match le plus difficile de la saison. »

Un match qui plus est à double enjeu puisque s’il le perd, Alcaraz se verra également déposséder de sa place de numéro 2 mondial derrière Djokovic. Et il perdrait la main dans sa rivalité avec Jannik Sinner, cette fois assez nettement. Mais certainement pas définitivement, tant ces deux-là semblent promis à enchanter le tennis mondial pendant quelques années encore.

Les 7 duels Sinner – Alcaraz

Rolex Paris Masters 2021 (2e tour, indoor) : Alcaraz 7-6(1), 7-5
Wimbledon 2022 (8è de finale, gazon) : Sinner 6-1, 6-4, 6-7(8), 6-3
Umag 2022 (finale, terre battue) : Sinner 6-7(5), 6-1, 6-1
US Open 2022 (1/4 de finale, dur) : Alcaraz 6-3, 6-7(7), 6-7(0), 7-5, 6-3
Indian Wells 2023 (1/2 finale, dur) : Alcaraz 7-6(4), 6-3
Miami 2023 (1/2 finale, dur) : Sinner 6-7(4), 6-4, 6-2
Pékin 2023 (1/2 finale, dur) : Sinner 7-6(4), 6-1

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