16 janvier 1981 : Le jour où Jimmy Connors a traité Ivan Lendl de poule mouillée, surnom qui poursuivra le Tchécoslovaque jusqu’à son premier titre en Grand Chelem en 1984

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons au Masters 1981 pour voir Jimmy Connors accuser Ivan Lendl d’avoir balancé son match, et le traiter de poule mouillée pour avoir fait exprès de perdre afin d’éviter d’affronter Bjorn Borg en demi-finale.

Ivan Lendl 1984 Ivan Lendl 1984Ivan Lendl 1984

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Connors accuse Lendl de balancer son match pour éviter Borg

Ce jour-là, le 16 janvier 1981, au Masters, Jimmy Connors domine Ivan Lendl lors du dernier match de la phase de poule (7-6, 6-1). Le vainqueur du match doit affronter Bjorn Borg en demi-finale, ce que les deux joueurs savaient très bien – en conséquence de quoi Connors accuse Lendl d’avoir laissé filer le match pour éviter la terreur suédoise, et le traite de poule mouillée.

Les acteurs : Jimmy Connors et Ivan Lendl

  • Jimmy Connors, le volcanique “Jimbo”

Jimmy Connors, né en 1952, est l’un des plus grands joueurs de son temps. Coaché depuis toujours par sa mère, Gloria, Connors est l’un des premiers joueurs à jouer à plat et en cadence depuis la ligne de fond de court. Sa manière de frapper la balle montante inspirera beaucoup les futures générations de joueurs. « Jimbo », passé pro en 1972 à vingt ans, est devenu numéro 1 mondial dès 1974. Cette année-là, il avait gagné trois des quatre tournois du Grand Chelem, et avait été interdit de participation à Roland-Garros, le quatrième tournoi, en raison d’une procédure judiciaire qu’il avait lancée contre l’ATP. Il est resté numéro 1 mondial pendant une durée record de 160 semaines consécutives, entre 1974 et 1977. Après avoir cédé son trône à Bjorn Borg le 23 août 1977, pour une semaine seulement (!), il l’avait récupéré pour 84 semaines supplémentaire, jusqu’au printemps 1979. Il a pour l’instant décroché cinq titres du Grand Chelem : l’Open d’Australie (1974), Wimbledon (1974) et l’US Open (1974, 1976, 1978).  Depuis 1979, Connors n’a pas obtenu des résultats comparables à ceux de ses grandes années. Il n’a pas atteint une finale de Grand Chelem depuis l’US Open 1978, mais il est tout de même encore classé 3e mondial.

Jimmy Connors during 1979 French Open
  • Ivan Lendl, parmi les meilleurs très rapidement

Ivan Lendl est né en 1960. Passé professionnel en 1978, il devient en 1980 l’un des quatre meilleurs joueurs du monde, aux côtés de Bjorn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Il a déjà remporté neuf titres ATP, dont sept en 1980, notamment l’Open de Barcelone, où il bat Guillermo Vilas sur terre battue (6-4, 5-7, 6-4, 4-6, 6-1), et le tournoi indoor de Bâle, où il bat en finale Borg en personne (6-3, 6-2, 5-7, 0-6, 6-4).

Ivan Lendl, 1984 French Open

Le lieu : Le Madison Square Garden (New York)

Créé en 1970, le Masters de fin d’année regroupe les huit meilleurs joueurs mondiaux. Le tournoi change initialement de lieu chaque année, et s’installe à New York, au Madison Square Garden, en 1977. Dans cette salle, “la plus célèbre du monde”, le Masters devient bien plus qu’un simple tournoi de tennis, il devient un véritable spectacle. Lors de cette première édition, les billets sont tous vendus longtemps à l’avance, avec plus de 18 500 spectateurs se pressant dans les gradins. Le directeur du tournoi, Ray Benton, a déplacé l’épreuve au mois de janvier afin d’éviter d’être en concurrence avec le football américain, et, dans l’attente du Super Bowl, le Masters de tennis est le principal événement de tennis aux États-Unis cette semaine-là.

L’histoire : La “poule mouillée” Lendl

Lors de son édition 1980, qui a lieu au Madison Square Garden en janvier 1981, le format du Masters, crée déjà la polémique avant même que ne débute le dernier match de poule entre Jimmy Connors et Ivan Lendl. Les derniers matches du groupe 1 ont été une énorme déception pour le public, puisque Bjorn Borg et John McEnroe, qui avaient disputé un match épique remporté 6-4, 6-7, 7-6 par le Suédois, ont tous deux été balayés le lendemain par Gene Mayer et Jose Luis Clerc. 

“Je n’étais pas dans le coup”, admet McEnroe, déjà éliminé du tournoi après sa défaite contre Borg, qui prétend, quant à lui, être tombé en panne sèche : “J’ai fait de mon mieux, mais je n’avais rien à donner”.

La nouvelle importante, pour les joueurs du groupe 2, est qu’après sa défaite contre Mayer, Borg se retrouve deuxième de son groupe. Cela signifie que le vainqueur du dernier match de poule devra affronter la légende suédoise en demi-finale, tandis que le perdant jouera contre Mayer – et les deux joueurs qui se disputent la tête du groupe 2 sont Jimmy Connors et Ivan Lendl.

Le fait qu’ils aient dû attendre la fin du marathon entre Guillermo Vilas et Harold Solomon (remporté par Solomon, 5-7, 7-6, 7-5), et ne débutent leur partie qu’à 23 heures, n’arrange rien à l’affaire. Après avoir manqué deux balles de set, Lendl ne semble plus vouloir gagner. Il perd le tie-break 7-1, et il ne gagne que 6 points lors des cinq premiers jeux du deuxième set, qu’il perd 6-1. Selon Sports Illustrated, “Lendl a complètement plongé, envoyant des balles jusqu’aux confins du quartier ».

Connors lui donne la plus froide des poignées de main et par la suite, lors d’une interview télévisée, il qualifie Lendl de “poule mouillée”, l’accusant d’avoir fait exprès de perdre pour éviter d’affronter Bjorn Borg en demi-finale.

Ivan Lendl during 1981 French Open

“Je ne comprends pas comment un joueur avec son talent et son avenir peut agir de la sorte”, ajoute-t-il. “Je ne pense pas que les fans apprécient ce genre de comportement”.

En conférence de presse, lorsqu’on lui demande s’il pense que Lendl a perdu le deuxième set volontairement, Connors dit qu’il ne peut pas donner de réponse , tout en hochant la tête de manière affirmative, selon le New York Times.

“J’ai changé de tactique l’autre soir et ça n’a pas marché”, déclarera Lendl à des journalistes qui ne sont pas dupes. “Ça arrive parfois.”

La postérité du moment : Connors battu par Borg, Lendl stoppé en finale

La défaite prétendument stratégique d’Ivan Lendl jouera en sa faveur : en demi-finale, le Tchécoslovaque disposera facilement de Gene Mayer (6-3, 6-4), tandis que Jimmy Connors s’inclinera devant Bjorn Borg (6-4, 6-7, 6-3). Cependant, en finale, Borg démolira Lendl en trois sets, 6-4, 6-2, 6-2.

Lorsqu’on lui demandera pourquoi il a mieux joué en finale contre Lendl que lors du dernier match de poule qu’il avait perdu contre Mayer, Borg répondra simplement : “Parce que c’était la finale.”

Bien que la réponse de Borg puisse être considérée comme une plaisanterie, le Masters suscitera souvent des controverses. En effet, en raison des matches de poule, les joueurs peuvent parfois tirer profit d’une défaite. 

Pendant plusieurs années, Lendl sera suivi par le qualificatif de “poule mouilée que lui a donné Connors – surtout après avoir perdu ses quatre premières finales en Grand Chelem, dont deux à l’US Open contre Connors lui-même. Il finira par triompher à Roland-Garros, en 1984, en surmontant un handicap de deux sets pour remporter l’un des matchs de tennis les plus célèbres de tous les temps contre John McEnroe (3-6, 2-6, 6-4, 7-5, 7-5). Lendl se débarassera ensuite pour de bon de sa réputation et personne ne le traitera plus  de poule mouillée lorsqu’ il totalisera trois titres à Roland-Garros à la fin de sa carrière (1984, 1986, 1987), mais aussi trois titres consécutifs à l’US Open (1985-1987) où il sera présent en finale huit années consécutives, de 1982 à 1989. Le dernier Grand Chelem à s’offrir à lui sera l’Open d’Australie, qu’il gagnera à deux reprises une fois le gazon abandonné au profit du Rebound Ace (en 1989 et 1990). Le Tchèque ne réussira jamais à remporter Wimbledon, où son jeu était moins efficace, malgré deux finales disputées en 1986 (battu par Boris Becker, 6-4 6-3 7-5) et en 1987 (battu par Pat Cash, 7-6 6-2 7-5). En 1992, à l’issue d’une procédure de cinq ans, il obtient la citoyenneté américaine. A la fin de la carrière, en 1994, le désormais Américain aura passé 270 semaines en tant que numéro 1 mondial (améliorant de deux semaines le précédent record de Connors) et aura remporté 94 tournois ATP.

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