“Je ne jouerai pas Roland-Garros si je suis comme aujourd’hui”, affirme un Nadal crépusculaire à Madrid

Rafael Nadal se sent capable de jouer au tennis, mais sans certitude sur sa capacité à le faire plusieurs matches sans se blesser, a-t-il indiqué avant son dernier tournoi de Madrid et son match contre Darwin Blanch au premier tour.

Rafael Nadal, Madrid 2024 Rafael Nadal, à l’entraînement à Madrid en 2024 (Zuma / Panoramic)

Rafael Nadal est-il capable de jouer au tennis ? Oui. Nadal va-t-il jouer Roland-Garros ? Pas sûr du tout. Est-il capable de faire rêver ses fans une dernière fois, à 38 ans, lors de ce qui s’annonce comme sa dernière tournée sur terre battue et peut-être, dans quatre semaines, son dernier Roland ? Non, et Nadal n’a pas envie que vous vous berciez d’illusion à ce sujet. Il n’a même pas garanti qu’il jouerait à Paris, qui est l’objectif-clef de sa saison depuis vingt ans maintenant. « Je ne veux pas qu’il y ait d’incompréhension au sujet (de ma compétitivité) et je préfère être clair. Je ne jouerai pas à Paris si je me sens comme je me sens aujourd’hui. »

La voix parfois voilée par l’émotion, comme s’il était déjà en train de s’effacer de la grande scène du tennis mondial, Nadal a tenu une conférence de presse de 20 minutes pour confirmer qu’il évoluait toujours sur un fil avant son premier tour à Madrid contre Darwin Blanch, 16 ans.

Dans un des rares moments offrant des perspectives, le « quatorzuple » vainqueur de Roland-Garros a indiqué : « Je dis souvent que les choses vont vite, dans le sport, et c’est vrai, je le crois vraiment. Je suis ici pour créer les conditions d’un changement prochain qui me serait favorable en faisant tout ce que je peux pour être compétitif. Si je n’essaie pas, ça n’arrivera pas. Si c’est possible tant mieux. Sinon, nous referons une conférence de presse et nous parlerons d’un autre sujet. » La retraite, définitive et sans retour, a-t-on compris.

« La semaine a eu ses hauts et ses bas, avait-il précisé en ouverture. Je ne peux pas dire que j’ai pu me préparer à 100% », a-t-il enchaîné, une semaine après avoir franchi un tour à Barcelone puis perdu au deuxième tour contre Alex de Minaur, encaissant un 6-1 qui ne lui ressemble pas au deuxième set. « Je me suis préparé à jouer à Madrid une dernière fois et j’espère pouvoir prendre du plaisir et pouvoir être compétitif au niveau professionnel. »

Taper la balle, ça va, je ne joue pas si mal. Le problème, c’est plutôt les limites de mon corps.

Rafael Nadal

« J’aimerais pouvoir vous dire : je suis là, prêt à défendre mes chances une dernière fois au Mutua Open. Malheureusement c’est impossible de formuler les choses de cette façon aujourd’hui. Le but au moment où je parle, c’est simplement d’être sur le court et de pouvoir faire durer ce moment le plus longtemps possible. Je suis au moins en situation de pouvoir apprécier de dire au revoir sur le terrain. »

À cet instant, on sentait Nadal plus proche de la situation de Juan Martin Del Potro, qui s’est effacé à Buenos Aires début 2022 tout en se sachant handicapé au genou, ou d’un Roger Federer incapable de revenir pour un autre événement qu’un double en Laver Cup, en 2022, que d’un joueur capable de partir sur une dernière baston face à Novak Djokovic.

Nadal a répété à plusieurs reprises se sentir « limité » quand il joue, lui qui a renoncé à Monte-Carlo il y a deux semaines après avoir interrompu sa saison à Brisbane, en janvier, à l’issue de trois matches et renoncé aussi à la tournée américaine de mars.

« Taper la balle, ça va, je ne joue pas si mal, a-t-il indiqué. Le problème, c’est plutôt les limites de mon corps. Il a subi beaucoup de choses au cours des derniers 18, 24 mois. Je ne peux pas m’exprimer aussi librement que je l’aimerais et défendre mes chances autant que je le voudrais. »

Il a même indiqué avoir décidé de jouer à Madrid pour des raisons « personnelles », que tout le monde a compris comme sa volonté de dire au revoir au public madrilène, devant qui il a remporté trois Masters 1000 sur terre (2013, 2014, 2017).

Si je ne joue pas à Roland-Garros, ça ne veut pas dire que les choses s’arrêteront là. Il y a encore les JO après.

Rafael Nadal

Personne ne sait si Nadal est à 30%, 50%, ou 70% de son potentiel. Lui qui a claqué un 6-1 à l’entraînement à Andrey Rublev à Barcelone et qui a poussé Holger Rune au tie-break, alors membre du Top 10, lors d’une séance en Australie, sait encore faire gicler la balle et varier le jeu avec une science aussi énorme que son palmarès.

Mais quand Nadal n’est pas à 100%, il n’est tout simplement pas Nadal. « Dans ma carrière, gagner a toujours été moins important que de sentir que j’avais fait tout ce qui était nécessaire pour défendre mes chances à fond. Aujourd’hui, je ne peux pas prétendre en être là, et c’est arrivé très rarement dans le passé. »

Nadal a pourtant écarté l’idée que ses dernières heures de sportif de haut niveau allaient se jouer là, autour de sa capacité à revenir à Roland-Garros deux ans après son titre remporté au prix d’une anesthésie locale du pied droit avant chaque match. « Si je ne joue pas à Roland-Garros, ça ne veut pas dire que les choses s’arrêteront là. Il y a encore les JO après. Il y a différents formats (simple, double, double mixte), sur lesquels je peux miser. Le but aujourd’hui, c’est de terminer le tournoi sans problème de blessure. »

Nadal n’a pas précisé où se situaient ses fragilités, lui qui s’est bagarré avec son pied, son psoas, sa hanche (opération en juin 2023), une petite déchirure musculaire dans la même zone en janvier 2024 et ses abdominaux au cours des derniers mois. « J’aimerais pouvoir vous dire autre chose, s’est-il presque excusé. Mais je vous mentirais. » C’était un jour rare, où quand Nadal disait « try my best », on sentait que cette fois, ce n’était pas une stratégie de communication qui ne trompait personne, mais une douleur intérieure profonde.

People in this post

Your comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *