Sebastian Korda : entretien exclusif avec l’homme en forme du moment, loin de l’Australie

Sebastian Korda est l’un des meilleurs jeunes joueurs du circuit ATP. Entré pour la première fois dans le top 100 fin janvier, le jeune joueur de 20 ans s’est confié à Tennis Majors sur son très bon début de saison 2021 et sur ses objectifs pour la suite de sa carrière.

Sebastian Korda, 2021 Sebastian Korda, 2021, © ZM / Panoramic

Après avoir débuté la saison 2021 en atteignant la première finale de sa carrière sur le circuit ATP, à Delray Beach, Sebastian Korda a continué sur sa lancée en remportant le Challenger de Quimper, dimanche 31 janvier. Une victoire qui a permis au jeune joueur de 20 ans de faire son entrée dans le top 100 pour la première fois.

Quelques heures après sa victoire, il s’est confié à Tennis Majors sur son bon début de saison, sur sa décision de ne pas participer à l’Open d’Australie, sur son match face à son idole Rafael Nadal lors du dernier Roland-Garros, sur son entraînement avec Andre Agassi et Steffi Graf à l’intersaison et sur sa famille où le sport est roi.

Félicitations pour votre belle semaine à Quimper…

“Oui, c’était une semaine difficile au début. J’ai sauvé des balles de match au premier tour (contre Tristan Lamasine). Mes deux premiers adversaires ont joué de façon incroyable (Lamasine et Mathias Bourgue). Ensuite, je me suis senti un peu plus à l’aise et j’ai commencé à produire du très bon tennis”.

Vous avez atteint la finale à Delray Beach et gagné à Quimper, c’est un excellent début d’année. Votre plan – ne pas jouer l’Open d’Australie – a bien fonctionné.

“Absolument. Avec toute mon équipe, nous nous sommes assis, nous avons regardé le calendrier et nous avons décidé de ce qui serait le mieux pour moi. Nous avons pensé que je pourrais enchaîner les matchs à Delray Beach et dans les tournois Challenger. C’était un super plan et nous en sommes très heureux.”

Vu votre niveau de jeu, la décision de ne pas aller en Australie a-t-elle été difficile ?

“C’était vraiment difficile. Mais je ne me sentais pas super à l’aise avec le protocole. Et nous avons décidé qu’il valait mieux que je reste aux États-Unis avant d’aller en Europe, parce qu’il y a six ou sept tournois Challenger d’affilée ici, donc une bonne occasion d’enchaîner les matchs, de progresser et d’accumuler de la confiance.

Quand vous dites que vous n’étiez pas à l’aise, vous voulez dire avec la quarantaine et avec la Covid-19 ?

“Oui, surtout avec les voyages. Si vous prenez un vol et que quelqu’un est testé positif, vous êtes en quarantaine. Et rester en quarantaine aurait été une situation difficile pour moi, surtout en début d’année, après avoir eu une pré-saison un peu plus longue – nous avons eu trois mois au lieu d’un habituellement. J’aurai perdu tout le travail effectué cet hiver. Je n’étais pas vraiment prêt à prendre le risque”.

“Vous êtes maintenant dans le top 100 (n°88). Qu’est-ce que ça vous fait ?

“Oui. En début d’année, j’étais très proche, j’ai fait une très bonne semaine à Delray Beach et je suis en train m’appuyer sur ce bon résultat pour m’améliorer. Le top 100 est sans aucun doute le rêve de toute une vie pour moi et je suis super heureux d’y faire mon entrée cette semaine.”

C’est très tôt de rentrer dans le top 100 à 20 ans.

“Oui mais le chemin a été très long jusqu’à mon arrivée dans le top 100. Il y a deux ou trois ans, je jouais encore en Futures. Ma trajectoire est assez lente, mais je n’échangerais mon parcours pour rien au monde. Réaliser mon objectif ici, à Quimper, et soulever le trophée, cela signifie beaucoup pour moi. C’est une semaine spéciale et un endroit spécial.”

Le week-end dernier, votre sœur Jessica a gagné un tournoi de golf à la télévision (son autre sœur, Nelly, était troisième). Toute votre famille est maintenant dans le top 100, chacun dans son domaine. Cela doit aider d’avoir ces gènes de sportif dans la famille.

“Mes parents sont incroyablement compréhensifs et ils nous ont en quelque sorte construit dès notre enfance, en nous laissant pratiquer beaucoup de sports différents et en nous permettant d’apprendre beaucoup de choses différentes et d’acquérir des compétences différentes. J’ai grandi en jouant au hockey, au tennis et au golf. Et je faisais aussi du karaté, donc j’étais un enfant très actif. Et cela m’a aidé à devenir le joueur de tennis que je suis aujourd’hui. Même avec mes sœurs, qui pratiquaient toutes des sports différents. Et c’était probablement l’une des choses les plus importantes pour nous.”

Pensez-vous que certaines personnes se concentrent sur un seul sport trop tôt ?

“Oui, je connais beaucoup de joueurs qui ont commencé le tennis à trois ou quatre ans et qui n’ont rien connu d’autre. J’ai commencé le tennis à 11 ans, j’ai joué mon premier tournoi à 11 ans. J’ai donc pris un chemin différent de celui des autres. Je ne suis pas épuisé mentalement, et j’espère pouvoir rester dans ce sport beaucoup plus longtemps”.

Le monde du tennis connaît votre père (Petr, ancien vainqueur de l’Open d’Australie en 1998) mais votre mère (Regina Rajchrtova) était aussi une joueuse de haut niveau. Comment vous ont-ils aidé ?

“Quand j’ai commencé à jouer au tennis, ma grande sœur (Jessica) était sur le circuit professionnel de golf. Je pense que c’était sa première ou deuxième année et mon père l’aidait et faisait le caddy juste pour qu’elle ne soit pas seule lors des tournois, pour être à l’aise. Je passais donc beaucoup de temps sur le court avec ma mère parce que mon père partait un mois, parfois deux mois de suite. Je me suis donc entraîné avec ma mère. Et elle a en quelque sorte développé mon jeu jusqu’à ce qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. Elle a construit ma technique et mes coups en fonction de la façon dont elle voyait mon jeu. Je pense qu’elle a eu une grande influence sur mon tennis, plus que n’importe qui.

Quelle était la rivalité entre frères et soeurs quand vous étiez plus jeune ?

“Je ne voyais pas ma sœur aînée (Jessica) autant que mon autre sœur, Nelly, parce qu’elle a deux ans de plus que moi. Mais nous avons grandi dans l’affection, tous les trois, mais la rivalité était surtout avec ma sœur Nelly, parce que je faisais tout ce qu’elle faisait. La vie, c’était juste ma mère, Nelly et moi. Nous avons donc grandi ensemble et nous jouions tous à des jeux de société et faisions des puzzles. Il y avait donc beaucoup de compétitions entre nous quand nous étions enfants”.

J’ai lu quelque part que vous n’avez jamais perdu contre vos sœurs au tennis, mais que vous les avez battues au golf, est-ce vrai ?

“Oui, en fait je n’ai jamais joué un (vrai) match de tennis contre elles, et je ne pense pas qu’elles voudraient en faire un maintenant. Mais quand j’était petit, nous avions organisé un tournoi de golf d’anniversaire et je l’ai gagné. Je ne sais absolument pas comment cela a été possible. J’avais sept ou huit ans. Mais je ne rejouerai plus jamais contre elles.”

Vous êtes allé rencontrer Andre Agassi et Steffi Graf à Las Vegas cet été. Comment cela s’est-il passé ?

“J’ai commencé à parler avec Andre, par téléphone. Mon père a tout organisé. Il pensait que ce serait un truc super cool. Nous étions en quarantaine à la maison… et il pensait juste que ce serait quelque chose de différent, d’essayer de parler à quelqu’un d’autre et d’apprendre des choses. Et nous avons en quelque sorte construit une très bonne relation. Et nous avons continué à parler après notre premier coup de fil. Puis Agassi nous a demandé, à mon père et à moi, si nous voulions venir le voir à l’intersaison. Nous avons passé deux semaines avec lui, Steffi, mon père et Mark, mon entraîneur physique. J’ai beaucoup appris et j’ai passé beaucoup de temps sur le court avec eux et beaucoup de temps lors des repas. C’était un privilège et un honneur d’être accueilli dans leur famille. Et je suis super reconnaissant d’avoir quelqu’un comme lui dans mon équipe”.

Andre est-il souvent allé sur le court ou a-t-il laissé la responsabilité à Steffi ?

“Non, il était sur le court tous les jours avec moi mais j’ai tapé la balle deux fois avec Steffi et je vous garantis qu’elle reste une athlète incroyable. C’est encore une très bonne joueuse de tennis, on peut encore voir ce feu en elle quand elle entre sur le court. C’était cool à voir et un grand privilège d’échanger quelques balles avec elle”.

Vous étiez nerveux ?

“Oui, j’étais intimidé. Dès les premiers échanges je me suis dit qu’il fallait que je passe à la vitesse supérieure. Elle jouait incroyablement bien les deux fois où nous avons joué ensemble et c’était très agréable de l’avoir en face de moi sur le court”.

Vous avez fait un super parcours à Roland-Garros l’année dernière (défaite en huitièmes de finale face à Rafael Nadal), puis vous avez échangé ce beau moment avec Rafael Nadal, lorsqu’il vous a donné son maillot après votre match. Quel souvenir en gardez-vous ?

“J’ai toujours dit, depuis que je suis petit, que mon idole était Rafael Nadal, plus que tout autre joueur. Et j’ai toujours dit que mon rêve était de jouer contre lui à Roland sur le court Philippe- Chatrier. C’était un moment incroyable et je ne voulais pas manquer cette occasion unique de lui demander un t-shirt dédicacé de le remercier de m’avoir inspiré, ainsi que tant d’autres enfants du monde entier. J’ai le t-shirt accroché dans ma chambre. C’est un moment que je n’oublierai jamais.”

Quelle leçon avez-vous tiré de ce match ?

“J’ai parlé avec Nadal après la rencontre pendant dix, quinze minutes. Et c’est un gars super gentil et d’un grand soutien. Et il m’a dit que j’avais le jeu pour devenir un très grand joueur. Et j’ai beaucoup appris de chaque match que j’ai joué et perdu.”

Sebastian Korda - Roland-Garros 2020

Quel est votre programme pour les deux prochains mois ?

“Je vais jouer d’autres Challenger, et si j’ai l’occasion de disputer les qualifications d’un tournoi ATP en Europe, j’essaierai d’y aller. Mais après cela, je pense que le prochain tournoi ATP auquel je participerai sera Acapulco, puis, je l’espère, Miami si j’en ai l’occasion”

C’est une grande année, notamment avec les Jeux Olympiques. Quels sont vos objectifs pour le reste de la saison ?

“Juste de continuer à faire ce que je fais. Je n’ai que 20 ans et je veux continuer à jouer encore pendant au moins les quinze prochaines années, voir plus, donc je suis en train de construire mon corps pour le préparer à jouer des grands tournois et à affronter des grands joueurs. Je continue à m’amuser et à travailler dur”.

Je suppose que ce n’est pas facile d’être patient parce que vous jouez vraiment bien actuellement.

“Je suis de nature assez patiente en fait. Dans ma catégorie d’âge, les joueurs faisaient beaucoup mieux que moi il y a quelques années. Je jouais dans des tournois Futures alors que tout le monde disputait des Challenger, et quand je jouais des Challenger, les autres jouaient des tournois ATP. Je suis patient vous voyez”.

Est-ce une bonne chose à vos yeux de ne pas avoir percé encore plus tôt ?

“Oui, je n’échangerais mon début de carrière pour rien au monde. Je sais combien il est difficile d’arriver à ce niveau et à quel point il faut travailler dur pour devenir un bon joueur et obtenir un meilleur classement. Donc, chaque fois que je participe à un grand tournoi, j’apprécie certainement les choses un peu plus que les autres. Et j’ai toujours un sourire sur mon visage parce que je sais combien il est difficile d’entrer dans ces grands tournois”.

Vous sentez-vous également chanceux de jouer au tennis compte tenu de la pandémie ?

“Oui, c’est sûr. Certaines personnes ne peuvent pas quitter leur domicile. Ce qui se passe dans le monde est très triste et je dis toujours que nous devrions tous être super reconnaissants de pouvoir en tournoi. Mon père a fait une chose formidable, il a organisé quatre tournois juste à côté de notre maison avec deux de nos amis proches avec qui nous étions, juste pour garder ce côté compétitif. C’était super important. Je lui en suis très reconnaissant. Mais dès que nous avons la chance de participer à un tournoi, nous devrions tous être super reconnaissants. Et je le suis.”

Est-ce que votre père joue toujours ?

“Oui, quand je suis à la maison, je m’entraîne avec mon père. Il joue toujours. Il peut me battre. Sa frappe est l’une des meilleures que je connaisse, si ce n’est la meilleure. C’est un athlète incroyable et je pense qu’il ne perdra jamais la main.”

Quel âge aviez-vous quand vous l’avez battu pour la première fois ?

“La dernière fois que j’ai joué contre lui, j’ai perdu 6-0. Je pense qu’il ne jouera plus jamais contre moi, même si j’aurais une chance de l’emporter si nous nous affrontions maintenant… La dernière fois que nous avons joué, il m’a roulé dessus, sans la moindre pitié.”

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