5 décembre 1988 : le jour où Boris Becker a remporté son premier Masters

Le 5 décembre 1988, Boris Becker, 4e mondial, remportait son premier Masters (5-7, 7-6, 3-6, 6-2, 7-6) après une finale monumentale face Ivan Lendl, numéro 2 du classement ATP.

Boris Becker, On this day 05.12.2020 Boris Becker, On this day 05.12.2020

Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Boris Becker remporte son premier Masters, après une finale d’anthologie

Ce jour-là, le 5 décembre 1988, Boris Becker, alors 4e joueur mondial, remporte le Masters pour la première fois en dominant le numéro 2 mondial, Ivan Lendl (5-7, 7-6, 3-6, 6-2, 7-6). Après une lutte acharnée de presque cinq heures, Becker gagne la plus longue finale de l’histoire du tournoi après que, sur la balle de match, son revers a heurté la bande du filet avant de retomber de l’autre côté, concluant un échange de 37 frappes. C’est le premier titre majeur remporté par l’Allemand depuis Wimbledon 1986, un titre qui annonce la couleur pour 1989, qui sera l’une des meilleures saisons de sa carrière.

Les acteurs : Boris Becker et Ivan Lendl

  • Boris Becker, de retour au premier plan

Boris Becker est né en 1967. En 1985, à 17 ans, il devient le plus jeune vainqueur de l’histoire de Wimbledon, dominant en finale Kevin Curren (6-3, 6-7, 7-6, 6-4). Son service très puissant, qu’il suit le plus souvent au filet, lui vaut le surnom de « Boum-Boum ». Il est célèbre pour ses spectaculaires plongeons à la volée, et c’est aussi un joueur très expressif, capable parfois de « péter les plombs ». Tout en puissance, Becker parvient à conserver son titre à Wimbledon en 1986, en battant en finale le numéro 1 mondial Ivan Lendl (6-4, 6-3, 7-5).

Le jeune Allemand traverse une passe difficile en 1987, dépassé par sa notoriété et les attentes autour de sa personne, alors qu’il n’a pas 20 ans. En 1988, bien qu’il dispute la finale de Wimbledon (il y est battu par son nouveau rival sur gazon, Stefan Edberg, 4-6, 7-6, 6-4, 6-2), Becker est déçu de ses résultats et n’a plus gagné de titre majeur depuis plus de deux ans. Blessé après l’US Open, il revient en force à la fin du mois d’octobre, remportant coup sur coup les tournois de Tokyo et de Stockholm. Il semble prêt pour les deux grandes occasions de la fin d’année 1988, le Masters et la finale de la Coupe Davis contre la Suède.

  • Ivan Lendl, de retour d’une opération

Né en 1960, Ivan Lendl a redéfini les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier, poussant ses adversaires à un rude combat physique. Il redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque.

Passé pro en 1978, il se pose dès 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Björn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Bien qu’il ait déjà remporté des dizaines de tournois ATP, dont le Masters 1981 en venant à bout de Vitas Gerulaitis (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4), il ne parvient pas à décrocher un titre du Grand Chelem avant 1984. A vrai dire, il échoue à quatre reprises en finale, une fois à Roland-Garros (en 1981, battu par Björn Borg), deux fois à l’US Open (battu par Jimmy Connors, en 1982 et 1983) et une en Australie (battu par Mats Wilander en 1983).

En 1984, Lendl triomphe finalement à Roland-Garros, venant à bout de John McEnroe à l’issue d’une finale légendaire où il surmonte un handicap de deux sets (3-6, 2-6, 6-4, 7-5, 7-5). En 1985, il atteint la finale des Internationaux de France (battu une nouvelle fois par Wilander), mais à l’US Open, quelques semaines après être redevenu numéro 1 mondial, il décroche un deuxième titre du Grand Chelem aux dépens de John McEnroe (7-6, 6-3, 6-4).

Au cours des années suivantes, Lendl assoit sa domination sur le tennis mondial, s’adjugeant quatre tournois du Grand Chelem : Roland-Garros et l’US Open, en 1986 et 1987. Il ne parvient pas à triompher à Wimbledon, bien qu’il y atteigne la finale à deux reprises, en 1986 (battu par le jeune tenant du titre, Boris Becker, 6-4, 6-3, 7-5), et en 1987 (dominé par Pat Cash, 7-6, 6-2, 7-5). En 1988, la domination de Lendl est contestée par Mats Wilander, qui s’est emparé de la première place mondiale en remportant trois des quatre tournois du Grand Chelem, battant le Tchécoslovaque en finale de l’US Open (6-4, 4-6, 6-3, 5-7, 6-4). Après sa défaite à Flushing Meadows, Lendl doit subir une opération de l’épaule, et il n’effectue son retour qu’au Masters, où il arrive avec le dossard numéro 2.

Le lieu : le Madison Square Garden de New York

Créé en 1970, le Masters est le rendez-vous de fin d’année des huit meilleurs joueurs du monde. Au départ, il change de lieu chaque année, avant de s’installer au Madison Square Garden de New York, de 1977 à 1989.  Étant donné que chaque année, seuls les huit meilleurs joueurs se qualifient pour le Masters, les plus grands joueurs de tennis figurent au palmarès de l’épreuve. Ivan Lendl y possède l’un des palmarès les plus fournis, ayant disputé chaque finale depuis 1981 avec cinq titres à son actif.

L’histoire : une finale marathon conclue par un coup du sort

La finale du Masters voit s’affronter deux joueurs qui sont toujours en quête d’un titre majeur en 1988. Pour la première fois depuis 1983, Ivan Lendl n’a pas réussi à triompher en Grand Chelem, perdant ainsi la place de numéro 1 mondial au profit de Mats Wilander. Boris Becker, âgé de seulement 21 ans, reste sur sa faim depuis Wimbledon 1986. Pour quelqu’un qui a remporté son premier Grand Chelem à 17 ans, c’est déjà une longue période de disette.

Les deux joueurs se connaissent très bien. Ils se sont déjà affrontés à 11 reprises, et Lendl a pris le dessus 7 fois. D’ailleurs, le Tchécoslovaque a battu l’Allemand en finale des deux dernières éditions du Masters, en 1986 et 1987.

Lendl revient seulement sur le circuit après son opération de l’épaule, et a déjà déclaré que pour lui, le Masters n’était pas le dernier tournoi de 1988, mais le premier de la saison 1989. Pour Becker, en revanche, 1988 est loin d’être terminée : il vient de gagner deux tournois à la suite avant d’arriver au Masters, et un autre grand événement approche, la finale de la Coupe Davis contre la Suède.

Lors de cette finale de très haut niveau, Becker démontre ses récents progrès au fond de court. Il se déplace mieux qu’avant et sa longueur de balle s’est améliorée, ce qui lui permet de choisir les moments où il monte au filet au lieu de s’y ruer à chaque point. C’est un défi inattendu pour Lendl, qui s’attendait certainement à des échanges plus courts et à tirer plus de passing-shots. Malgré la pression constante de l’Allemand, le Tchécoslovaque tient le choc, notamment grâce à un service affûté et sa puissance du fond de court. Le match se mue en véritable marathon.

« Physiquement, c’est le match le plus difficile que j’aie jamais joué. (…) À la fin, je ne savais même plus quel était le score, je me contentais de jouer », déclare Becker, selon le New York Times

Au cinquième set, Lendl prend le service de Becker à 5-5, mais il ne parvient pas à conclure au jeu suivant : il y aura donc un tie-break décisif. Lorsque l’Allemand obtient une balle de match à 6-5, les joueurs se lancent dans un échange de 37 frappes, qui se termine sur un dernier revers de Becker qui tape la bande du filet avant de retomber du bon côté. Pendant une fraction de secondes, les deux hommes restent figés, incrédules, ne parvenant pas à réaliser que leur combat de quatre heures et quarante-deux minutes vient de s’achever sur un coup aussi chanceux.

« Au début je ne voyais pas de quel côté la balle était retombée, et j’attendais l’annonce de l’arbitre. Gagner après que ma balle ait pris la bande du filet, je pense qu’un ange était avec moi ce jour-là », se souviendra Becker en 2018.

Après la finale, Becker se montre on ne peut plus satisfait du résultat.

« Je suis à un moment de ma carrière et de ma vie, où j’ai appris quelques leçons. Rien de positif n’arrive facilement. Cela fait longtemps que je n’avais pas connu pareil succès, mon dernier grand moment remonte à Wimbledon 1986. (…) Ce tournoi est une affaire de prestige, de fierté. Battre Ivan en finale me donne encore plus de satisfaction. Je joue le meilleur tennis de ma vie. »

Malgré l’étrange balle de match, qui aurait pu le rendre amer, Lendl, en conférence de presse, semble content de sa prestation. « C’était un grand match. Je n’aurais rien pu faire de plus pour gagner. » Trente ans plus tard, il évoquera ce match en rappelant « qu’arriver en finale après [s]on opération de l’épaule était un déjà un grand accomplissement pour [lui] ».

La postérité du moment : Becker redécolle, Lendl triomphe enfin en Australie

Boris Becker avait raison lorsqu’il affirmait jouer alors son meilleur tennis. 1989 restera certainement sa plus grande saison : demi-finaliste à Roland-Garros, il remportera son troisième et dernier Wimbledon (aux dépens de Stefan Edberg, à l’occasion de leur troisième duel consécutif en finale du tournoi, 6-0, 7-6, 6-4) avant de s’imposer pour la première fois à l’US Open (en battant Ivan Lendl en finale, 7-6, 1-6, 6-3, 7-6). En décembre 1989, quelques semaines après la chute du Mur de Berlin, Becker mènera l’équipe d’Allemagne à son deuxième sacre en Coupe Davis.

Ivan Lendl récupèrera la première place mondiale le 30 janvier 1989, après son premier titre à l’Open d’Australie (conquis aux dépens de Miloslav Mecir, 6-2, 6-2, 6-2). Après une défaite mémorable face à Michael Chang à Roland-Garros, il échouera face à Becker en demi-finale de Wimbledon et en finale de Flushing Meadows, mais il finira néanmoins l’année au sommet du classement ATP pour la quatrième et dernière fois.

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