“Ne pas prendre l’air, ça fait vraiment des ravages”, ou les traces laissées par la quarantaine

Alors que le premier tour de l’Open d’Australie s’est achevé mardi, de nombreux joueurs et joueuses, parmi les 72 placés en quarantaine stricte, ont été difficulté sur le terrain.

Victoria Azarenka, Melbourne, 2021 Victoria Azarenka, Melbourne, 2021 – © AI / REUTERS / PANORAMIC

Le risque était important. Tennis Australia a fait un travail dantesque en accord avec les autorités gouvernementales pour accueillir, à Melbourne, la caravane du circuit international du tennis pour parvenir à organiser le premier Grand Chelem de la saison en Australie, alors que le coronavirus avait disparu dans le pays. Et depuis lundi, l’Open d’Australie a lieu presque comme avant.

Mais cette fermeté, qui a encore conduit les autorités à isoler les joueurs après le test positif d’un employé d’un hôtel de Melbourne jeudi dernier, et avant cela à placer en quatorzaine stricte – sans pouvoir s’entraîner – ceux qui s’étaient trouvés dans un avion où l’un des passagers a été testé positif, a eu des conséquences sur le terrain : une bonne partie des 72 joueurs et joueuses qui ont connu cette situation ont éprouvé des difficultés lors de leur entrée en lice à Melbourne, lundi et mardi.

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Quarantine Aus Open

Azarenka en manque d’air

Lors des deux premiers jours du tournoi, la détresse physique et psychologique de beaucoup d’entre eux était perceptible. Rien ne dit que le résultat final de leur match aurait différent après une séquence d’entraînement normale, mais le manque de préparation de certains d’entre eux est apparu comme une évidence. Les exemples ne manquent pas : Angelique Kerber, Kei Nishikori, Maria Sakkari, Alison Riske, Vasek Pospisil, Tennys Sandgren, Guido Pella, Victoria Azarenka…

Commençons par Azarenka. La Biélorusse, sortie d’entrée (7-5, 6-4) par Jessica Pegula, a eu des difficultés pour respirer sur le court, notamment durant le deuxième set. Elle s’est accroupie dans un coin du terrain pour tenter de reprendre son souffle. Les médecins sont intervenus et elle a pu reprendre quelques minutes plus tard.

“Je pense que le plus grand impact pour moi a été de ne pas pouvoir prendre l’air, dit-elle, à propos de la quarantaine. Cela a vraiment fait des ravages. En même temps, je ne sais pas comment me préparer après deux semaines de quarantaine pour jouer dans un match cinq ou six jours plus tard. Je n’ai pas de plan de préparation. C’est comme ça, j’ai essayé de trouver une solution, je n’ai pas réussi.”

Jessica Pegula avait remarqué les difficultés de son adversaire :

“Je peux affirmer qu’elle se prenait la poitrine, qu’elle respirait fort. Elle ne se sentait pas bien.”

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Maria Sakkari, battue en trois manches (6-2, 0-6, 6-3) par Kristina Mladenovic, n’a pas voulu expliquer sa défaite par son isolement strict, arguant qu’elle “avait mal joué”.

Angelique Kerber, lundi, ne l’avait pas caché. Battue 6-0, 6-4 par Bernarda Pera lors de son entrée en lice à Melbourne, l’Allemande a avoué manquer de rythme.

“Sans aucun doute, oui. J’ai essayé de tirer le meilleur de la situation pendant ces deux semaines. Mais, bien sûr, vous ressentez les effets du confinement, surtout si vous jouez un match qui compte, en Grand Chelem, contre une adversaire qui n’a pas connu une quarantaine stricte. J’ai senti dès le début que je n’étais pas comme avant ces deux semaines d’isolement. J’ai fait de mon mieux. Ne pas frapper la balle pendant deux semaines laisse des traces. Vous n’êtes pas dans le rythme.”

Badosa : “Mon niveau de jeu a énormément baissé”

Pour Paula Badosa, battue en trois manches par Liudmila Samsonova, la situation est même pire. Elle a été testée positive à Melbourne et a dû s’isoler non pas 14 mais 21 jours. L’Espagnole n’a pu commencer à s’entraîner en Australie que quatre jours avant le début du Majeur. Elle a avoué qu’elle ne serait pas prête à pareille expérience à l’avenir.

“Mon niveau de jeu a énormément baissé. Je suis triste pour le match, mais je suis encore plus triste parce que j’ai perdu le niveau que j’ai eu en travaillant si dur ces deux mois de pré-saison.”

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Paire : “Je n’ai pas signé pour ça !”

La joueuse née à New York a répété qu’elle n’était pas au courant des conséquences précises d’un test positif. “Nous n’avons pas compris que ça allait être comme ça, mais c’est ce qui s’est passé. J’ai dû l’accepter.A ce propos, Benoît Paire, battu d’entrée par Egor Gerasimov, s’est montré plus incisif, auprès de L’Equipe.

“Moi, je n’ai pas signé pour ça ! J’ai signé pour quatorze jours où je peux m’entraîner, un truc où, justement il n’y avait pas beaucoup de monde dans le vol pour, dans le cas d’une personne contaminée, qu’il n’y ait qu’une seule petite section concernée. Moi j’ai voyagé tout seul en business, je n’ai vu personne du voyage, je suis allé tout seul à l’Hyatt, parce qu’il n’y avait personne et que c’était le vol des qualifiés. Je n’ai pas croisé une personne de tout le voyage. Et là, il y a un cas positif dans le vol et tout le vol est en quarantaine ! Je n’ai pas signé pour ça !”

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Tennys Sandgren, battu en trois manches par Alex de Minaur mardi, était lui aussi en colère en conférence de presse.

“Comment imaginer se préparer pour une journée chaude et humide, dans un match contre un joueur de ce calibre, quand on ne peut pas s’entraîne ? Vous ne pouvez pas sortir. C’est impossible. C’est impossible. J’ai joué un tournoi la semaine dernière, ce qui n’était probablement pas une bonne idée. Il ne faisait pas chaud, les conditions étaient très douces, et j’ai joué deux matches difficiles en trois sets. Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie après le deuxième tour, et j’ai pris deux jours de congé parce que je ne pouvais pas marcher. Puis j’ai tapé la balle plusieurs fois avant le match d’aujourd’hui. C’est juste une sorte de blague, cette préparation. Je ne sais pas, je ne dirais pas que tout le tournoi est une blague, mais pour certains joueurs, ce n’est pas faisable. Ce n’est tout simplement pas faisable.”

Bencic : “J’accepte le fait que je ne vais pas montrer un bon tennis”

Belinda Bencic fait partie des personnes qui ont subi une quarantaine stricte et qui ont passé le premier tour, au même titre que Pablo Cuevas, Carlos Alcaraz, Ann Li, Ons Jabeur, Bianca Andreescu ou encore Maxime Cressy. Mais la Suissesse, vainqueure mardi de son premier match depuis près d’un an, a expliqué en conférence de presse que tout le monde savait à quoi s’attendre. Et que se battre sur le terrain avec les moyens physiques et mentaux du moment était le lot de tous les joueurs aujourd’hui.

“Nous acceptons tous la quarantaine. C’est quelque chose que nous devions faire. Nous ne voulons pas que quoi que ce soit se propage ici. C’est juste très malheureux pour certains joueurs que cela (la quarantaine stricte) soit arrivée, pour d’autres non. Rien n’est facile en ce moment. C’est comme si vous partiez en vacances, puis que vous reveniez sur le terrain. Et en plus pour l’Open d’Australie. C’est très difficile de revenir rapidement là où vous étiez physiquement. Il suffit de procéder étape par étape. J’accepte le fait que je ne vais probablement pas montrer un bon tennis. Je me bats juste avec ce que j’ai. Bien sûr, le corps se sent plus mal, le tennis se sent plus mal, les réflexes… tout est pire. Mais je suis toujours là. J’essaie de me battre avec ce que j’ai.”

Les jours, et les tours, vont passer à Melbourne. Les conséquences de cet isolement strict sur les résultats des joueurs et joueuses ne font peut-être que commencer.

Traduit de l’anglais par Victor Lengronne

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