29 mai 1990 : le jour où les têtes de série 1 et 2 ont perdu au 1er tour de Roland-Garros

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 29 mai 1990, stupeur à Roland-Garros : dès le deuxième jour du tournoi, les têtes de série numéro 1 et 2, Edberg et Becker, sont éliminées.

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Ce qui s’est passé ce jour là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis

Ce jour-là, le 29 mai 1990, pour la première fois de l’histoire du tennis, les têtes de série 1 et 2 sont éliminées dès le premier tour d’un tournoi du Grand Chelem, à Roland-Garros. En l’absence du numéro 1 mondial Ivan Lendl, qui a zappé le tournoi pour se préparer plus spécifiquement au gazon de Wimbledon, cette singulière mésaventure arrive aux rivaux de longue date Stefan Edberg (N. 2) et Boris Becker (N .3).

Les deux joueurs les mieux classés du tableau s’inclinent tous deux contre des nouveaux venus, qui deviendront célèbres à leur tour : l’Espagnol Sergi Bruguera, 19 ans, et le Yougoslave Goran Ivanisevic, 18 ans. Les deux perdants du premier tour se retrouveront un mois plus tard en finale de Wimbledon. Les deux jeunes auteurs de ce coup de tonnerre seront de futurs vainqueurs en Grand Chelem.

Les personnages : Becker et Edberg, les rivaux de Wimbledon

  • Boris Becker alias “Boum Boum”, le talent précoce

Boris Becker est principalement connu pour être devenu, à 17 ans, le plus jeune vainqueur de l’histoire de Wimbledon, en battant Kevin Curren en finale en 1985 (6-3, 6-7, 7-6, 6-4). Au total, il a remporté trois titres au All England Club, qui a aussi été le théâtre de sa célèbre rivalité avec le Suédois Stefan Edberg.

Les deux hommes y croisent le fer en finale à deux reprises, et ont gagné une fois chacun, Becker s’imposant en 1989 (6-0, 7-6, 6-4). Son service surpuissant lui vaut le surnom de « Boum Boum ». Il est aussi connu pour ses spectaculaires plongeons à la volée. C’est un joueur très expressif qui est capable parfois de « péter les plombs ». En 1989, il ajoute à son palmarès un quatrième titre du Grand Chelem à l’US Open, en dominant en finale le numéro 1 mondial Ivan Lendl (7-6, 1-6, 6-3, 7-6).

  • Stefan Edberg, l’esthète suédois

Stefan Edberg est considéré comme un phénomène depuis qu’il a réalisé le Grand Chelem juniors en 1983. Il a pourtant failli arrêter le tennis la même année, à 17 ans, après que l’un de ses services a accidentellement provoqué la chute mortelle d’un juge de ligne à New York.

Il n’a probablement jamais regretté d’avoir continué. Dès 1985, quelques mois après la révélation de Boris Becker à Wimbledon, Stefan Edberg s’adjuge son premier Grand Chelem, lui aussi sur gazon, à l’Open d’Australie, venant à bout de son compatriote Mats Wilander en finale (6-4, 6-3, 6-3).

Le tournoi, dont les dates s’apprêtent à changer, n’a pas lieu en 1986 et Edberg parvient à conserver son titre en 1987 aux dépens du favori local Pat Cash (6-3, 6-4, 3-6, 5-7, 6-3). En 1988, il remporte Wimbledon en battant Boris Becker (4-6, 7-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’une finale qui marquera le début de l’une des rivalités les plus populaires du tennis.

Ces deux champions pratiquent principalement le service-volée, et leurs résultats sur terre battue sont loin d’égaler leurs exploits sur dur ou sur gazon. Pour l’instant, aucun des deux n’a encore jamais gagné le moindre tournoi sur ocre, même si Edberg a été finaliste en 1989, battu par Michael Chang, 17 ans et 3 mois, et à ce titre plus jeune vainqueur en Grand Chelem de l’histoire.

Le lieu : le central de Roland-Garros

Cette histoire a lieu à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique.

Avec la domination des joueurs de fond de court comme Ivan Lendl ou Mats Wilander, gagner Roland-Garros est devenu le plus grand défi pour les attaquants. Dans les années 1980, un seul joueur parvient à s’y imposer chez les hommes en pratiquant le service-volée : Yannick Noah, en 1983.

L’histoire : Sergi Bruguera et Goran Ivanisevic coupeurs de têtes

Lorsqu’ils arrivent à Paris pour disputer Roland-Garros en 1990, Boris Becker comme Stefan Edberg sont au sommet de leur forme et semblent pleins de confiance. Ils occupent les deuxième et troisième rangs mondiaux derrière Ivan Lendl, qui a dominé Edberg cette année-là en finale de l’Open d’Australie (4-6, 7-6, 5-2 ab.), et Becker a gagné le dernier US Open.

Bien que la terre battue ne soit pas la surface sur laquelle leur jeu d’attaque s’exprime le mieux, ils sont capables d’y faire de bons résultats et d’ailleurs, ils s’étaient affrontés l’an passé en demi-finale de Roland-Garros. Edberg avait pris le dessus 6-3, 6-4, 5-7, 3-6, 6-2, mais n’était pas parvenu à gagner le tournoi, vaincu par Michael Chang (6-1, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’une finale crève-cœur où il avait raté 10 balles de break au quatrième set. Boris Becker n’a encore jamais perdu au premier tour d’un tournoi du Grand Chelem, et cela n’est arrivé qu’une seule fois à Edberg, à l’âge de 17 ans, à l’US Open 1983.

Stefan Edberg est le premier à tomber. Programmé en première rotation le mardi 29 mai, il affronte Sergi Bruguera, qu’il a corrigé quelques mois auparavant sur le ciment d’Indian Wells (6-0, 6-3). Le jeune Espagnol ne vit que sa deuxième année de joueur professionnel et son meilleur résultat à ce jour est d’avoir disputé les huitièmes de finale de Roland-Garros en 1989. Il n’a encore jamais gagné le moindre tournoi, et personne n’imagine un seul instant qu’il puisse représenter une difficulté insurmontable au finaliste de l’année dernière.

Et pourtant. Alors que Stefan Edberg, visiblement gêné par des ampoules, n’est que l’ombre de lui-même, Bruguera déploie l’arsenal qui fera de lui l’un des meilleurs joueurs de terre battue de son temps : beaucoup de lift des deux côtés, une régularité époustouflante et une défense de fer. Trois sets plus tard, Stefan Edberg, numéro 2 mondial, est éliminé par Sergi Bruguera 6-4, 6-2, 6-1.

Sergi Bruguera

Dans l’espace réservé aux joueurs, un jeune gaucher venu de Yougoslavie suit ce match avec un grand intérêt. Goran Ivanisevic, 18 ans, 51e mondial, se prépare à jouer contre la tête de série 2, Boris Becker, dans l’après-midi. Tout comme Bruguera, il est presque nouveau sur le circuit et n’a encore jamais franchi les huitièmes de finale d’un tournoi majeur. Voir l’Espagnol créer la surprise lui donne peut-être des idées.

En tout cas, il pénètre sur le court sans aucun complexe. Boris Becker et le public français découvrent son service, qui deviendra plus tard un coup légendaire, mais ils peuvent aussi admirer l’étendue de son potentiel. Très concentré tout au long de la partie, Goran ne se contente pas de lâcher 19 aces, mais il dispute également un grand match dans tous les domaines du jeu. Il retourne sans problème l’énorme service de Becker et le décourage de venir trop souvent au filet à l’aide de passing-shots précis.

Ivanisevic se montre régulier, et quand il en a l’occasion, n’hésite pas à dicter violemment les échanges. Livrant une performance que l’Allemand qualifiera d’”hallucinante”, Ivanisevic met K.O le troisième mondial en quatre sets, 5-7 6-4 7-5 6-2. Le public français, impressionné, lui dédie une standing ovation à sa sortie triomphale du court.

Goran Ivanisevic

Ce n’est que le deuxième jour du tournoi, et Roland-Garros est déjà privé de ses deux premières têtes de série. Dans l’histoire du tennis, cela n’était jamais arrivé.

La postérité du moment : Becker et Edberg deviendront numéro 1, Bruguera et Ivanisevic gagneront en Grand Chelem

Goran Ivanisevic poursuivra sa route jusqu’en quarts de finale des Internationaux de France 1990, où il sera vaincu par Thomas Muster (6-2, 4-6, 6-4, 6-3). Ce sera son meilleur résultat à Roland-Garros. Il l’égalera à deux reprises, en 1992 et 1994. Son service deviendra l’un des coups les plus redoutés de l’histoire du tennis, au point de poser problème et de pousser les instances à ralentir le jeu pour sauver le spectacle. Ivanisevic s’inclinera trois fois en finale de Wimbledon, en 1992, 1994 et 1998, avant de finalement y triompher en 2001, dans la peau d’un 121e mondial titulaire d’une wild-card.  

Après sa victoire-surprise contre Stefan Edberg, Sergi Bruguera tombera au tour suivant contre Jonas Svensson (2-6, 2-6, 6-4, 6-4, 6-0). Son exploit ne restera pas pour autant sans lendemain. Il deviendra plus tard une terreur de la terre battue et remportera Roland-Garros deux fois de suite, en 1993 et 1994, avant d’y atteindre encore la finale en 1997.

Edberg et Becker se remettront de leur déception, et se retrouveront face à face un mois plus tard pour la dernière de leurs trois finales de Wimbledon consécutives. Edberg prendra le dessus, 6-2, 6-2, 3-6, 3-6, 6-4. Ils atteindront tous deux la place de numéro 1 mondial, Stefan Edberg en premier, le 13 août 1990, avant que Becker ne lui prenne la place le 28 janvier 1991, juste après son premier sacre à l’Open d’Australie.

Aucun des deux ne gagnera jamais Roland-Garros, même si Becker y atteindra à nouveau les demi-finales en 1991, et Edberg les quarts de finale en 1991 et 1993. L’Allemand finira même sa carrière sans avoir remporté un seul de ses 49 titres sur terre battue.

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