Pourquoi Alcaraz est encore plus fort sur terre battue

Si Carlos Alcaraz a remporté ses premiers grands succès sur dur, son potentiel semble encore plus immense sur terre battue, comme en attestent ses récents succès à Barcelone et Madrid. Explications.

Carlos Alcaraz Madrid slice coup droit défense ©Antoine Couvercelle / Panoramic

Il a en quelque sorte brouillé les pistes en remportant son premier Masters 1 000 puis son premier Grand Chelem sur dur, respectivement à Miami et à l’US Open 2022. Et aussi en se déclarant lui-même plus à l’aise sur dur, peut-être un moyen supplémentaire, pour lui, de chasser encore et toujours les comparatifs avec Rafael Nadal.

Mais même s’il ne sera pas considéré comme un terrien pur et dur (à l’instar de son illustre aîné) aussi longtemps qu’il n’aura pas triomphé à Roland-Garros, une analyse de son jeu tend pourtant à montrer que Carlos Alcaraz, en bon Espagnol, est encore plus fort sur ocre. Ça n’est certes pas une bonne nouvelle pour ses rivaux. Mais c’est une réalité qui semble, en tout cas, se dessiner, même si elle n’est pas encore totalement confirmée par les faits. Encore que…

Avant de débarquer comme une tornade sur le circuit ATP, le phénomène de Murcie avait remporté cinq de ses sept titres à l’étage inférieur (un Future et quatre Challengers) sur terre battue. Et c’est aussi sur cette surface qu’il avait conquis à l’été 2021 le premier titre de sa carrière sur le circuit principal, à Umag, en dominant Richard Gasquet en finale. Ce même circuit sur lequel il compte aujourd’hui sept tournois sur terre (sur dix en tout), dont les deux Masters 1 000 madrilènes en 2022 et 2023.

Lors de ce tournoi de Madrid, en 2022, “Carlitos” avait d’ailleurs frappé les esprits en s’offrant coup sur coup Rafael Nadal (en quarts) puis Novak Djokovic (en demies), devenant le premier joueur à battre les deux légendes dans un même tournoi sur terre battue. Et le plus jeune joueur (tout juste 19 ans) à battre un numéro 1 mondial sur terre battue depuis… Rafael Nadal en 2005, of course.

Carlos est naturellement un joueur “toutes surfaces”. Mais je lui donnerai un petit avantage sur terre battue parce qu’il a quelques armes qui sont mortelles sur cette surface.

Patrick Mouratoglou

Carlos Alcaraz avait payé cher son incroyable périple madrilène, qu’il avait certes conclu victorieusement en surclassant Alexander Zverev en finale, mais aussi touché à la cheville. Une blessure certes légère mais qui l’avait tout de même freiné dans son élan et dans sa préparation pour Roland-Garros (avec notamment un forfait à Rome), où il avait fini par subir en quarts la revanche de Zverev.

Cette défaite a probablement contribué à alimenter son étiquette d’Espagnol meilleur sur dur. Et pourtant, Carlos Alcaraz a été formé sur terre battue, à la Real Sociedad Club de Campo de Murcie. Où il a développé toute la panoplie du parfait terrien, à commencer par la qualité numéro 1 pré-requise : un déplacement absolument fantastique, avec une qualité de “pied” fascinante et un rapport vitesse/endurance phénoménal, probablement le meilleur du circuit aujourd’hui que Nadal, autrefois la référence absolue dans ce domaine, a fatalement baissé avec l’âge.

“En comparaison d’un Nadal qui est un terrien pur à l’origine, même s’il a appris à bien jouer sur les autres surfaces, je dirais que Carlos est naturellement un joueur “toutes surfaces”, résume pour sa part Patrick Mouratoglou. Mais je lui donnerai un petit avantage sur terre battue parce qu’il a quelques armes qui sont mortelles sur cette surface : l’amortie, qu’il maîtrise parfaitement, son service kické, qui est l’un des meilleurs sinon le meilleur du circuit, et le coup droit. Parce que sur terre battue, on a plus de temps pour tourner son revers et frapper davantage de coups droits. Sans oublier, bien sûr, son incroyable déplacement.”

On pourrait rajouter le “spin” monumental qu’il imprime à chacune de ses frappes, autre atout majeur d’un gros terrien. A Madrid, où la légère altitude (657 m) altère généralement le “spin” au bénéfice de la vitesse pure, l’ancien (et bientôt futur) numéro 1 mondial a tout de même été flashé avec une vitesse moyenne de quasiment 3 000 tours/minute en coup droit. C’est le deuxième lift de coup droit le plus violent de ce début de saison sur terre battue, derrière Casper Ruud qui a été le seul à franchir la barre des 3 000 à Monte Carlo, dans des conditions plus propices à cela.

En revers en revanche (1 868 tours/minute), Alcaraz est assez loin des scores établis en Principauté par Richard Gasquet, Stefanos Tsitsipas et, là encore, Casper Ruud (environ 2 500 tours/minute). Mais il faut dire que l’Espagnol utilise son revers différemment de ces joueurs-là, recherchant moins la hauteur et les angles que la perforation quasi-systématique. Et, comme le dit Patrick Mouratoglou, il frappe aussi beaucoup plus de coups droits.

L’un dans l’autre, le style de Carlos Alcaraz se rapproche assez – en version moderne – de celui de son entraîneur, Juan Carlos Ferrero, qui lui aussi faisait mal avec son coup droit et utilisait également beaucoup l’amortie, à une époque (fin des années 90-début des années 2000) où ce coup était pourtant en voie de raréfaction, avant de revenir à la mode. Mais, comme Nadal, Ferrero était d’abord un terrien pur jus qui avait ensuite appris à bien jouer sur dur, atteignant notamment la finale de l’US Open 2003.

Carlitos, lui, a gagné du temps sur ses illustres rivaux en façonnant dès son plus jeune âge un style parfaitement hétéroclite, au diapason aussi d’un tennis moderne où les différences entre les surfaces sont moins sensibles. Par rapport à un Ferrero qui était un poids “léger” comme l’étaient souvent les terriens autrefois, Alcaraz, dans le sillage de Nadal, a développé un gabarit beaucoup plus musculeux, et un tennis encore et toujours plus offensif.

Des qualités qui doivent lui permettre d’être performant sur tous les types de terre battue : une terre battue lourde, qui nécessite beaucoup de puissance pour faire avancer la balle et créer des dommages dans la défense adverse (à confirmer à Rome, où l’on attend une météo pluvieuse) ; et une terre battue plus volatile, comme à Madrid, où son tennis naturellement offensif et percutant sied parfaitement à des conditions réputées plus favorables aux joueurs offensifs, comme l’ont d’ailleurs encore montré les parcours de Jan-Lennard Struff ou même Aryna Sabalenka chez les filles.

Aujourd’hui, il n’y a guère que le gazon qui semble encore moins propice au tennis de Carlos Alcaraz, essentiellement en raison d’une surface qui prend moins le “spin” et d’un gabarit assez lourd qui nécessite des appuis très forts, ce qui est plus compliqué sur herbe. Mais vu la faculté d’apprentissage du bonhomme et l’exhaustivité de sa panoplie technique et tactique, on ne se fait guère de soucis pour lui de s’y adapter un jour.

On n’y est pas encore : aujourd’hui, le grand cirque du tennis a les pieds solidement ancrés dans la terre. Carlos Alcaraz a un mois et deux grosses échéances (Rome et surtout Roland-Garros) pour en faire véritablement son royaume.

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