28 septembre 2003 : Le jour où s’est éteinte Althea Gibson, première joueuse noire à avoir remporté un Grand Chelem

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Retour en septembre 2003 pour rendre hommage à la première star de tennis afro-américaine, Althea Gibson, décédée cette année-là à l’âge de 76 ans.

Althea Gibson, On This Day Althea Gibson, On This Day

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : La mort d’une légende du tennis

Le 28 septembre 2003, la légende du tennis Althea Gibson est décédée à l’âge de 76 ans, des suites de complications liées à des infections respiratoires et vésicales. Ayant remporté cinq titres du Grand Chelem en simple, ses titres représentaient bien plus qu’un simple succès au tennis : c’était l’aboutissement d’un long combat contre le racisme et les préjugés, que Gibson a affrontés avant de pouvoir participer aux tournois majeurs. Son succès est un grand pas vers la fin de la ségrégation au tennis et, de manière plus générale, dans la lutte pour les droits civiques.

L’histoire d’Althea Gibson : Un combat permanent pour prendre son destin en main

Athea Gibson est née en 1927 dans une exploitation de coton de Caroline du Nord. Mais elle grandit à New York, où sa famille déménage en 1930, frappée par la Grande Dépression. Elle fait ses premiers pas raquette en main dans les rues de Harlem, en jouant au paddle-tennis, un dérivé du tennis qui se joue sur un plus petit terrain sans couloirs (à ne pas confondre avec le « padel » moderne). La jeune Althea y excelle et devient championne de New York de paddle en 1939, à l’âge de douze ans. Grâce à une collecte de voisinage, elle devient membre du Harlem Cosmopolitan Club, un club pour Afro-Américains, et y prend des leçons de tennis.

En 1941, Gibson commence à écumer les tournois de l’ATA,  l’American Tennis Association, l’équivalent afro-américain de l’USLTA, la Fédération de Tennis américaine. Grâce au soutien financier du célèbre boxeur Sugar Ray Robinson, Gibson devient championne nationale junior et, en 1947, remporte le premier de ses dix titres consécutifs au Championnat National Féminin de l’ATA. Elle domine le jeu grâce à sa puissance et sa vitesse.

Ses succès sont remarqués par les mécènes Walter Johsnon et Hubert A. Eaton. Avec leur aide, elle participe à des tournois de plus grande importance, mais les tournois de l’USLTA lui restent inaccessibles. Officiellement, l’USLTA interdit la ségrégation raciale, mais la plupart de ses compétitions ont lieu dans des country-clubs réservés aux Blancs. Finalement, Gibson met un premier pied dans ce milieu en 1949, en devenant la première femme noire à participer au Championnat Indoor de l’USLTA, où elle atteint les quarts de finale.

Mais ce n’est qu’en 1950 qu’elle pourra s’aligner au tournoi le plus important organisé par l’USLTA, le National Championships, ancêtre de l’US Open, qui se tient à Forest Hills. Elle s’était vu refuser l’accès plusieurs années de suite, jusqu’à ce que l’ancienne championne Alice Marble s’engage dans un intense lobbying pour pousser l’organisation à l’autoriser à jouer. Dans une lettre au Journal de l’USLTA, Marble écrit : « Si le tennis est un sport de dames et de gentlemen, il est temps que nous nous comportions comme tels, et non comme des bigots hypocrites. Si Althea Gibson représente un défi pour les joueuses actuelles, alors il serait juste qu’elles y répondent sur les courts. »

Gibson est finalement admise dans le tournoi de Forest Hills et passe son premier tour face à Barbara Knapp, avant de s’incliner contre Louis Brough, championne de Wimbledon en titre, à l’issue d’un match joué sur deux jours en raison de la pluie. C’est un moment marquant de l’histoire du tennis, comme le journaliste Davis Eisenberg l’explique à Sports Illustrated : « J’ai assisté à beaucoup de grands moments de sport, mais peu furent plus excitants que la prestation de Mlle Gibson contre Mlle Brough. Pas en raison du niveau de jeu, qui ne fut pas incroyable, mais à cause de l’énorme effort réalisé par cette jeune fille de couleur, si seule et si tendue. »

L’inclusion de Gibson au plus grand tournoi de tennis des Etats-Unis n’est plus simplement l’histoire d’une joueuse de tennis se frayant un chemin vers le sommet. Pour la communauté afro-américaine, c’est comparable à ce qu’avait accompli plus tôt Jackie Robinson, au baseball : un moment marquant dans la lutte pour les droits civils.

En 1951, aux Championnats de Caraïbes, en Jamaïque, Gibson gagne son premier tournoi international, et en juillet, elle devient la première femme noire à jouer à Wimbledon, éliminée au troisième tour.

En 1956, elle vient pour la première fois à Paris pour participer à Roland-Garros, en tant que tête de série numéro 3. En route vers la finale, elle n’abandonne qu’un set, en demi-finale, contre Angela Buxton, qu’elle bat 2-6, 6-0, 6-4.

Le samedi 26 mai 1956, Althea Gibson vient à bout de la numéro 1 mondiale, Angela Mortimer, pour la première fois en cinq rencontres, 6-0, 12-10 (le tie-break n’a pas encore été instauré), et devient ainsi la première athlète noire de l’histoire à remporter un tournoi du Grand Chelem.

Le champion afro-américain Malivai Washington, finaliste à Wimbledon quarante ans plus tard, en 1996, résumera ainsi pour ESPN l’impact de cette victoire : « Chaque sport à ses pionniers, que l’on regarde en se disant : sans cette personne, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. Tout le monde a dit ça au sujet d’Arthur Ashe, mais plus de dix ans avant qu’Ashe ne gagne ses tournois du Grand Chelem, Gibson les avait déjà gagnés – la première Afro-Américaine à le faire. Mais à son époque, le tennis n’était pas aussi médiatisé qu’aujourd’hui. C’est pourquoi beaucoup de jeunes ne savent pas grand-chose d’Althea Gibson, qui a brisé les barrières à une époque où le sport se limitait encore beaucoup aux country-clubs. »

L’année suivante, en 1957, Althea Gibson pose de nouveaux jalons, en s’imposant à Wimbledon puis à Forest Hills. Au All England Club, elle gagne devant la reine Elizabeth II : « Serrer la main de la reine d’Angleterre, c’est très éloigné de devoir s’asseoir dans la section du bus réservée aux gens de couleur. », commente-t-elle. Le 11 juillet, de retour à New York, elle est la deuxième Noire américaine, après le champion des Jeux de 1936 Jesse Owens, à triompher en défilant dans les rues de la ville. En 1958, elle est la première femme noire à faire la Une de Time et Sports Illustrated.

Au total, Gibson inscrit à son palmarès cinq titres du Grand Chelem en simple, cinq en double, et un en double mixte, et ce en à peine trois ans. Fin 1958, elle devient professionnelle et signe un contrat avec l’équipe de basket-ball des Harlem Globetrotters pour disputer des exhibitions avant leurs matches. Elle est cependant cruellement déçue du tour que prend sa carrière : « Quand je regardais autour de moi, je voyais ces joueuses blanches, dont certaines que j’avais écrasées sur le court, obtenir des contrats et des invitations, écrira-t-elle. Soudain j’ai compris que mes triomphes n’avaient pas détruit les barrières raciales pour de bon, comme je l’avais cru, peut-être naïvement. » A la même époque, chanteuse de talent, elle enregistre un album de reprises de standards populaires intitulé Althea Gibson Sings.

Avoir bousculé les clichés dans le monde du tennis ne lui suffit pas et, en 1964, elle se lance dans une carrière professionnelle de golfeuse. Toujours victime des préjugés raciaux, elle est même parfois contrainte à se mettre en tenue dans sa voiture, les country-clubs n’acceptant toujours par les Noirs dans leurs club-houses. Elle se hisse jusqu’à la 27e place mondiale et prend sa retraite en 1978.

Tout au long des années 1970 et au début des années 1980, Gibson est très occupée, s’impliquant en politique et dirigeant des programmes de développement du tennis. La future finaliste de Wimbledon, Zina Garrison, bénéficie notamment de ses conseils. Malheureusement, à la fin des années 1980, Gibson rencontre de graves problèmes de santé qui épuisent ses ressources financières. Elle s’en sort avec l’aide de son amie de longue date, Angela Buxton, une ancienne joueuse de tennis, qui remue ciel et terre pour collecter près d’un million de dollars.

Ce n’est que 41 ans après son dernier succès que Gibson voit enfin une autre joueuse afro-américaine, Serena Williams, triompher à nouveau en Grand Chelem, à l’US Open 1999. Selon la sœur de Williams, Venus, Althea Gibson ne perd pas une miette de la finale, trop heureuse que cet événement survienne de son vivant.

Avant sa mort, le 28 septembre 2003, Gibson aura l’occasion de voir les sœurs Williams atteindre les sommets, s’affrontant dans quatre finales consécutives de Grand Chelem. Serena est consciente de l’héritage laissé par Gibson, comme elle l’a déclaré à wtatennis.com : “Pour moi, elle a été la pionnière la plus importante du tennis. Elle était noire, elle me ressemblait et elle a ouvert tellement de portes.”

La postérité du moment : Une statue à son effigie

Seize ans après sa mort, les exploits d’Althea Gisbon seront honorés au Billie Jean King Tennis Center, avec l’inauguration d’une statue à son effigie devant le stade Arthur Ashe, lui-même nommé d’après le premier Afro-Américain à avoir joué dans l’équipe américaine de Coupe Davis et remporté l’US Open.

Althea Gibson's statue at the Billie Jean King Tennis Centre
Althea Gibson’s statue at the Billie Jean King Tennis Centre © Frank Franklin II/AP/SIPA

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