Sinner – Alcaraz : Superman contre sa kryptonite
Dimanche, en finale du Masters 1000 de Rome, les deux phénomènes vont s’affronter pour la 11e fois sur le circuit principal.

« Superman », parce que le type est presque invincible depuis la mi-saison 2024 et le tournoi de Cincinnati. Titré dans l’Ohio, puis à l’US Open, à Shanghai, au Masters, en Coupe Davis et à l’Open d’Australie, Jannik Sinner n’a perdu qu’un seul des 42 derniers matchs qu’il a disputés. C’était contre Carlos Alcaraz en finale à Pékin, où les deux hommes, s’envoyant sans cesse des parpaings dans la tronche, ont bâti un monument.
Un Espagnol qui s’est posé en kryptonite de l’Italien. Menant 6-4 dans leur face-à-face – 7-4 en comptant leur rencontre à Alicante en 2019, lors du tout premier match d’Alcaraz en Challenger –, ce dernier a remporté leurs trois derniers duels. Qui ont tous eu lieu l’an passé : à Indian Wells et Roland-Garros en plus de leur empoignade en Chine. Dimanche, place à leur 11e affrontement sur le circuit principal, pour l’ultime affiche à Rome.
Une capitale italienne où notre Superman, de retour après trois mois de suspension, a très vite montré qu’il n’avait pas perdu ses pouvoirs. Ni le rythme. Celui bien souvent insoutenable pour ses adversaires, ces simples mortels. En quart de finale, il a semblé affublé d’une cape et d’un slip rouge par dessus son short tant il a pulvérisé le pauvre Casper Ruud pourtant sacré à Madrid et, alors, invaincu depuis neuf matchs. Victoire 6-0, 6-1. Plus que le score, la manière a laissé tous les yeux écarquillés.
la performance la plus proche de la perfection que j’ai vue dans ma vie
Le Transalpin a poussé son tennis – fracasser sans cesse la balle tout en ayant la régularité d’un métronome construit par des horlogers suisse – à deux doigts du divin. « Oui, c’est la performance la plus proche de la perfection que j’ai vue dans ma vie, du moins en étant sur le court en tant qu’adversaire », a acquiescé Ruud. « Tout ce qui sortait de sa raquette arrivait à mille à l’heure. Même quand j’avais l’impression que mes coups étaient plutôt lourds, il répondait en m’envoyant des missiles. C’était immensément impressionnant. (…) Vous regardez le gars et vous vous dites : ‘Bordel, c’est quoi ce niveau ?’ »
Au tour suivant, après un set de réglage pour s’habituer à la balle prise de façon plus précoce, davantage à plat et arrivant donc plus de vite de Tommy Paul, il a remis ça. 1-6, 6-0, 6-3. « Ce qui rend Sinner très spécial, c’est sa capacité à un rythme incroyablement élevé sans rater », avait expliqué Patrick Mouratoglou en novembre, dans L’Œil du Coach #87. « Et grâce à ses déplacements extraordinaires, quand il est attaqué, il contre-attaque. »
« Il peut faire un coup gagnant sur chaque frappe, c’est la sensation qu’il donne, et c’est très perturbant (pour l’adversaire) qui ne peut jamais se relâcher (qui se sent toujours sous pression), ni avoir le temps de construire les points », avait détaillé le technicien Français. « Il est agressif en prenant la balle tôt, en laissant peu de temps à l’adversaire et en commettant un nombre extrêmement limité de fautes directes… Comment jouer contre un gars comme ça ? »
Alcaraz, seul homme à avoir battu Sinner depuis août
Depuis mi-août, un seul (sur)homme a trouvé la réponse. Alcaraz. En mesure de soutenir l’intensité imposée par le numéro 1 mondial, le surnommé « Carlitos » a aussi construit son jeu grâce à bien plus d’outils dans sa boîte à malices. Avec une maîtrise supérieure des amorties, des slices, de la volée, des variations de hauteur et des changements de rythme. Utile, mais toutefois pas suffisant sans avoir un petit truc en plus – et rien à voir avec le film – contre Sinner.
« (Pour battre Sinner) il faut lui faire ‘mal' », avait ajouté Mouratoglou. « Il faut être capable de jouer à un rythme aussi élevé que le sien, parce qu’aucune balle ne lui pose problème. Il peut attaquer les lifts, les slices, les balles rapides, lentes… Il n’est jamais en difficulté. (…) Peu importe ce que lui proposez, vous êtes en danger, tout le temps. » À moins d’ajouter à cette cuisine des caramels encore plus salés que ceux du natif de San Candido.
« Principalement, je vois Alcaraz capable de le battre », avait continué « PM ». « Parce qu’il peut créer plus de choses, et il il a ce petit plus de puissance. Il rivalise aussi avec lui (Sinner) en ce qui concerne les déplacements. Mais Alcaraz fait beaucoup de fautes directes que Sinner ne fait pas. (…) Quand Alcaraz évolue à son meilleur niveau, je pense qu’il est capable d’être au-dessus de Sinner, mais il ne peut pas jouer comme ça tout un match. Il a des hauts et des bas alors que Sinner est toujours régulier. C’est pour ça que leurs rencontres sont souvent très serrées. »
Il (Sinner) me pousse à me réveiller chaque matin avec l’ambition de progresser pour pouvoir le battre
L’autre atout du natif d’El Palmar face à son meilleur ennemi : la motivation générée par le fait de le défier, sa détermination à le vaincre. « Il (Sinner) me pousse à devenir meilleur à donner mon maximum chaque jour, à me réveiller le matin avec l’ambition de progresser pour pouvoir le battre », avait-il expliqué avant leur bas de fer sur la terre battue parisienne l’an passé. Comme s’il était obsédé par l’idole des Carota Boys au point d’avoir collé sa photo sur une cible.
« Contre Jannick, je dois donner le meilleur de moi-même », s’était-il exprimé en janvier, en amont de l’Open d’Australie. « Si je suis dans un mauvais jour face à lui, j’ai 99 % de chances de perdre. (…) Quand je le vois gagner des titres, être tout en haut du classement, ça m’oblige à travailler encore plus dur. À l’entraînement, je pense aux choses que je dois améliorer pour jouer contre lui. »
Parce que Carlos Alcaraz ne veut pas se contenter d’être une simple kryptonite verte venant déranger de temps en temps Jannik Sinner, il veut en devenir une plus puissante. La dorée. Celle capable d’avoir définitivement raison des pouvoirs de Superman.







