Puissance, effets et confort : pourquoi Tsitsipas a changé de raquette

Sacré à Dubaï – son 12e titre et le premier en ATP 500 -, le Grec a joué avec une raquette toute noire sous laquelle se cache une Babolat à la place de son ancienne Wilson.

Stefanos Tsitsipas, Dubaï 2025 Stefanos Tsitsipas, Dubaï 2025 (Imago / Psnewz)

Il avait touché le fond, il a trouvé des cordes. Pas pour se les mettre autour du cou, mais pour se hisser hors du trou dans lequel il avait plongé. Plus exactement, Stéfanos Tsitsipás a opté pour une nouvelle raquette. Après avoir sombré d’entrée à Doha en s’inclinant contre un Hamad Medjedović claudiquant, terminant sur une jambe et demi avant de déclarer forfait pour le tour suivant, le Grec est apparu à Dubaï la semaine passée avec un outil de travail différent.

Pour aller chercher le titre aux Émirats arabes unis et faire son retour dans le top 10 dont il était sorti le 10 juin 2024, l’Athénien a délaissé sa Wilson Blade 98 (la version BLX 2013, d’après les geeks du matos) pour une Babolat – maquillée en noir, obligation contractuelle oblige –, repérable à une forme de cadre caractéristique au niveau des branches. Une information confirmée par les images montrant l’instrument de passage chez le cordeur. Très probablement une Pure Areo 98, soit le modèle utilisé par Carlos Alcaraz, Holger Rune, Félix Auger-Aliassime ou encore Arthur Fils.

Si la taille de tamis n’a pas changé – 98 in², soit 632 cm² –, Tsitsipás a pris en main un plan de cordage différent. Sa Wilson était en 18/20 (18 montants, 20 travers), sa Babolat est en 16/20. Les deux montants en moins ont pour impact d’octroyer davantage de puissance (à tensions de cordages égales) et d’accentuer la prise d’effets. En outre, par sa composition et sa forme, la Babolat Pure Arero 98 est davantage orientée puissance et effets que la Blade 98, plus axée sur le contrôle.

Une raquette plus orientée puissance et effets

« J’avais l’impression que certains de mes adversaires me surpassaient en puissance, et faisaient des choses beaucoup mieux que moi quand il s’agissait d’en mettre davantage », a-t-il confié après un nouveau succès probant – 6-3, 6-3 –, contre Matteo Berrettini au troisième tour à Indian Well. « Depuis le début de ma carrière, je me suis fait connaître comme quelqu’un capable d’envoyer, mais je n’y parvenais plus assez. Je devais faire quelque chose pour régler ça. (…) Je peux aussi mettre plus de lift sans avoir à forcer davantage. »

« Tsitsi » a aussi bénéficié du sweet spot un peu plus grand de la « BPA 98 », qui lui a permis de gagner « en confort » – comme il l’a déclaré conférence de presse après victoire contre Tallon Griekspoor en demi-finale à Dubaï –, en s’autorisant des frappes un peu moins bien centrées sans risquer de voir la boule de feutre sortir des limites du court. « C’était quelque chose que je cherchais à ajouter à mon jeu », a-t-il complété.

Opéré du coude droit fin 2021, le triple vainqueur de Monte-Carlo était apparu début 2022 avec un cordage hybride – comprendre du monofilament, rigide, vibrant davantage, sur les montants et du boyau naturel, bien plus souple, sur les travers – pour soulager son articulation. Avant de finalement repasser à du « 100 % mono » – du Luxilon 4G noir aux dernières nouvelles, pour les puristes.

ça sautait aux yeux que l’ancienne raquette ne m’apportait plus vraiment de bénéfice

« Je peux retourner sans avoir à bien frapper la balle au milieu (du cordage) », a-t-il détaillé sur le plateau de Tennis Channel dans la foulée de sa qualifications pour les huitièmes de finale à Indian Wells, huit jours après son triomphe au Moyen-Orient. « Il y a plus de tolérance quand on décentre un coup. » De quoi le conforter dans sa décision.

« J’ai l’impression que c’était devenu une évidence (de changer de raquette) », avait-t-il lancé à Dubaï. « Surtout quand on voit comment ça s’est passé, et en se souvenant de ce que je faisais quelques années en arrière. Ça aurait idiot de ma part, disons, de ne pas essayer de changer. Ça sautait aux yeux que ça (l’ancienne raquette) ne m’apportait plus vraiment de bénéfice, ne m’aidait plus. Parfois, des changements sont nécessaires pour ne pas rester bloqué dans les mêmes schémas encore et encore. »

Par ces mots, le double finaliste en Grand Chelem – Roland-Garros 2021, Open d’Australie 2023 – a sans doute fait allusion à son revers à une main. Notamment en retour. Un côté gauche sur lequel ses adversaires ont pris plaisir à appuyer sur surfaces rapides au cours des dernières saisons. Sur le dur extérieur de Dubaï, il a épastrouillé les foules en réussissant une myriade de frappes mirifiques avec ce coup, y compris bloqué à la relance. Au point d’afficher une qualité de revers de 9,8/10 d’après les chiffres de TDI Insights, relayés par l’ATP, lors du premier set contre Griekspoor.

Prolonger « l’effet wahou » en renouveau durable

Cette nouvelle raquette n’a toutefois pas remplacé son « R » par un « B » pour donner comme par magie une arme supplémentaire à Tsitsipás. Entre 2019 – année de son sacre au Masters à 21 ans, ainsi que de ses succès contre Rafael Nadal sur terre battue, Roger Federer et Novak Djokovic sur dur – et mi-2023, son revers était loin d’être perçu comme un point faible. Il l’est devenu par la suite, petit à petit, avec la perte de confiance et les sensations d’échecs à répétition, notamment à la relance, ancrées dans son esprit.

En optant pour une autre raquette, il s’est sans doute aussi offert un « effet wahou ». Sous le charme de son nouveau matériel – qu’il a essayé en tapant avec Alcaraz à l’automne et Auger-Aliassime avant Dubaï, d’après le journaliste Fred Verdier dans Sans Filet – l’ancien numéro 3 de la hiérarchie planétaire a « oublié » ses anciennes mauvaises sensations enregistrées sous son crâne.

La mission pour lui étant maintenant de les enterrer définitivement, de ne pas laisser d’éventuels futurs matchs ratés jouer les nécromanciens capables de les ressusciter. De continuer, comme à Dubaï, à afficher cette volonté de « marcher » sur son opposant en avançant sans cesse du fond de court, quitte à jouer en demi-volée, à l’instar de ce qu’il s’évertuait à faire, à merveille, quelques années en arrière. S’il y parvenait, Stéfanos Tsitsipás, muni de son nouvel instrument à cordes, pourrait bien redevenir durablement le virtuose qu’il a été.

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