En Pologne, l’inattendue hype Iga Swiatek

Opposée à Sofia Kenin ce samedi en finale de Roland-Garros, Iga Świątek tentera de devenir la première Polonaise à remporter un titre du Grand Chelem en simple. La joueuse de 19 ans a en tout cas d’ores et déjà relevé un sacré défi : susciter l’engouement dans son pays natal, où le tennis est pourtant loin d’être un sport populaire.

Iga Swiatek of Poland reacts to winning her fourth round match at the 2020 Roland Garros Grand Slam tennis tournament against Simona Halep of Romania

C’est un fait suffisamment rare pour être souligné. Vendredi matin, c’est une joueuse de tennis, en l’occurrence Iga Świątek, qui a eu l’honneur de figurer en Une – pleine page, qui plus est – de Przegłąd Sportowy. « Poland Garros », a ainsi titré le quotidien sportif polonais, en référence à la qualification de la Varsovienne pour la finale du Majeur parisien. Un choix éditorial somme toute logique, eu égard au parcours exceptionnel de Swiatek, 54e mondiale Porte d’Auteuil. Mais qui paraît nettement moins évident si l’on tient compte de la modeste place occupée par le tennis en Pologne.

Comme dans bon nombre d’endroits tout autour du monde, c’est bien sûr le football qui intéresse le plus la population au sein de cet État d’Europe centrale. Doubles champions du monde en titre, les volleyeurs perturbent parfois cette logique, alors que le żużel (ou speedway, courses de moto sur un circuit de forme ovale) passionne les foules tout au long de l’année. Le cycliste Michał Kwiatkowski, l’athlète Adam Kszczot ou le sauteur à skis Dawid Kubacki ont parfois droit à leur moment de gloire, eux aussi. Peuplée de 38 millions d’habitants, la Pologne est une terre fertile en talents sportifs. Mais très aride pour ce qui a trait au tennis, que Swiatek place en pleine lumière avec sa finale.

Seulement 300 000 pratiquants

En 2019, la Fédération polonaise de tennis a recensé environ 300 000 pratiquants (en comparaison, la FFT compte aux alentours d’un million de licenciés). Les courts ne sont pas légion et les frais à régler pour avoir le droit de s’y entraîner sont relativement élevés. Ancien commentateur vedette de Canal+ Polska et co-créateur de la chaîne Youtube Kanał Sportowy, Tomasz Smokowski porte un regard critique sur l’état du tennis local, qu’il suit avec assiduité :

« Nous n’avons toujours pas de centre national dédié au tennis en Pologne… Ceux qui ont réussi à percer dans ce sport le doivent en grande partie aux moyens financiers de leurs parents. Tout reste à faire et, hélas, je ne pense pas qu’un titre en Grand Chelem y changerait quoi que ce soit. »

Agnieszka Radwańska (finaliste à Wimbledon en 2012), Jerzy Janowicz (14e mondial en 2013) ou encore Łukasz Kubot (ex-numéro 1 mondial en double) ne sont pas des purs produits de la formation polonaise, puisque celle-ci n’existe tout simplement pas. Ils ont construit leur carrière en marge du giron fédéral, grâce à des fonds propres. Il en va de même pour la relève, représentée par Hubert Hurkacz (31e à l’ATP) et, bien sûr, Iga Świątek.

« Jusque-là, je ne pense pas que Swiatek ait souvent été accostée dans la rue, sourit Tomasz Smokowski. Mais les choses vont vite changer pour elle et, de ce que je sais, plusieurs sponsors et compagnies aimeraient la faire signer. »

« Maintenant, les experts en tennis pullulent sur les réseaux sociaux ! »

Tombeuse de la finaliste sortante Marketa Vondrousova (n°15) au 1er tour (6-1, 6-2), la membre du Legia Varsovie a ensuite poursuivi sa route loin des radars. Jusqu’à son succès aussi éclatant que surprenant contre la tête de série numéro 1, Simona Halep (6-1, 6-2) en huitièmes de finale. Un « véritable tournant » selon le journaliste polonais car, à partir de là, l’épopée de Świątek a suscité un intérêt croissant des médias et l’enthousiasme du public :

« Environ 150 000 téléspectateurs ont suivi ce huitième de finale sur Eurosport. Ils étaient 600 000 pour le quart face à Martina Trevisan, puis près d’un million pour la demie contre Nadia Podoroska. Ce dernier match a même été diffusé en clair sur la chaîne TVN, qui programme rarement des événements sportifs. Les gens s’intéressent soudain à elle, et maintenant les experts en tennis pullulent sur les réseaux sociaux ! »

Malgré son statut de sport de niche, le tennis est parvenu, par l’intermédiaire de la joueuse de 19 ans, à créer un engouement en Pologne. Et le meilleur reste sans doute à venir.

« Je suis sûr que ce samedi, à partir de 15 heures, les diffuseurs vont battre des records d’audience, prédit Tomasz. Nous serons en week-end, les gens seront chez eux… Et ce sera un grand spectacle ! »

Si elle réussit à conclure victorieusement son incroyable quinzaine, Świątek deviendra la première représentante de son pays à remporter un tournoi du Grand Chelem en simple. Chez elle, chez ses compatriotes, la fête n’en serait que plus belle.

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