Alcaraz conserve son titre à Roland-Garros, à l’issue d’une finale légendaire
Carlos Alcaraz a sauvé trois balles de match pour dominer Jannik Sinner en 5h (6-7-, 4-6, 6-4, 7-6, 7-6 [10-2]), dans l’un des plus grands matches de l’histoire du tennis.

La première finale en Grand Chelem entre Jannik Sinner et Carlos Alcaraz a fait mieux que tenir ses promesses. Elle a régalé pour l’éternité. A l’issue de la finale la plus longue de l’histoire de Roland-Garros (5h29), Carlos Alcaraz a conservé son titre après un scénario parmi les plus fous en finale de Grand Chelem, scénario qui le classe déjà dans les plus grandes rencontres de l’histoire du tennis (6-7-, 4-6, 6-4, 7-6, 7-6 [10-2]).
Quand, à 5-3, 0-40 dans le quatrième, Sinner a obtenu trois balles de match sur le service de son adversaire qui lui aurait attribué un troisième majeur consécutif, les chances d’Alcaraz de gagner son cinquième Grand Chelem étaient aussi épaisses qu’un grain de terre battue.
Mais en profitant de trois fautes directes de l’Italien, dont une consécutive à un coup droit penalty sûrement pas assez appuyé, en le poussant aussi à réaliser ces fautes par son exceptionnelle défense, Alcaraz a débuté une toute autre finale et l’a amenée dans une autre dimension avec sa capacité toute personnelle à réaliser des coups qui n’existent pas.
A 5-5 au cinquième après 5h05 de jeu, à 6-6 au bout de 5h20, tandis que les deux joueurs évoluaient en même temps à leur tout meilleur niveau et conservaient des chances égales de victoires, il a fallu une nouvelle fois réaliser qu’un match de tennis était une des expériences les plus cruelles pour les braves. Que toute la gloire tomberait sur l’un. Une déception inqualifiable sur l’autre, sans que la notion de mérite ait quoi que ce soit à avoir avec l’issue finale.

A quoi tient une finale ?
C’est la première fois depuis la finale de Wimbledon 2019 qu’un vainqueur de tournoi du Grand Chelem remporte sa finale après avoir sauvé des balles de match (deux pour Djokovic contre Federer). La première fois depuis Roland-Garros 2004 qu’une finale de majeur échappe à un joueur qui s’est procuré trois balles de mach (Gaudio avait fini par battre Coria).
Et déjà l’on fait les comptes : où classer ce match parmi les Borg – McEnroe de Wimbledon 1980, le Nadal – Federer de Wimbledon 2008, le Djokovic – Nadal de l’Open d’Australie 2012, le Djokovic – Federer de Wimbledon 2019 ? On se donnera le temps d’y penser le moment venu. Mais aucun d’eux ne s’est joué sur une balle de match aussi surnaturelle que cet Alcaraz-Sinner, un coup droit en bout de course dans la lucarne, à l’image du niveau époustouflant des derniers jeux.
Alcaraz remporte à Paris son cinquième tournoi du Grand Chelem (US Open 2022, Wimbledon 2023-2024, Roland-Garros 2024-2025) et porte à cinq son nombre de victoires consécutives contre Sinner, qui reste solidement ancré à la première place mondiale même s’il n’a plus battu son rival espagnol depuis l’automne 2023 à Pékin. Depuis dix mois, l’Italien n’a perdu contre personne sur un terrain de tennis. Sauf Carlos Alcaraz, trois fois.
Qu’est-ce qui fait basculer un match pareil ? L’équipe de Jannik Sinner se repassera en boucle les trois balles de match pour avoir la confirmation de ce qu’elle sait déjà : c’est dans les moments les plus chauds qu’il faut savoir trouver l’équilibre entre agressivité et sécurité. Et à l’évidence l’Italien n’a trouvé cet équilibre sur aucun de ces trois points.

Les coups cartoonesques d’Alcaraz
Une question est aussi ouverte sur l’aisance physique et émotionnelle de Sinner dans ce type de grand combat. S’il a su contribuer à porter cette finale à un niveau stratosphérique au-delà des 5 heures de jeu, il a donné des signes de raideur physique à partir de 2h30, et n’a remporté qu’un seul match sur la distance depuis l’US Open 2022 : en finale de l’Open d’Australie contre un Daniil Medvedev essoré. Il a perdu les 6 autres matches en cinq sets qu’il a joués depuis.
Enfin et surtout ces matches se jouent sur la grande compétence des champions, cet impalpable et si puissant refus de la défaite, qui a caractérisé les deux hommes au cours de cette soirée de rêve. Une course de défense imprévisible, un amorti ramené du bout de la raquette, un coup gagnant à la trajectoire cartoonesque que personne d’autre ne réaliserait même sous faible pression : cette finale de Roland-Garros s’est joué à ce type de virages qu’il est vain de lister, ils tournent déjà en boucle sur vos réseaux sociaux préférés.
Sinner a perdu ce bras de fer-là avec un titan du genre. A 6-5 pour lui et 30-30 sur le service d’Alcaraz, il était revenu à deux points du match dans le cinquième, avait pris l’initiative mieux qu’il ne l’avait fait sur ses trois balles de match et semblait devoir s’en procurer une nouvelle. Mais Alcaraz s’est arraché comme il l’a fait des dizaines de fois au cours de la finale et porté un coup probablement décisif à son adversaire au moment d’égaliser à 6-6.
Que le tie-break ait été à sens unique (7-0 puis 10-2) pour Alcaraz, rescapé de cette dernière frayeur, est presque un lot de consolation face à la cruauté des règles de ce sport, qui est aussi sa beauté. C’était la première finale majeure entre deux joueurs nés dans les années 2000. Le tennis ne peut pas être en de meilleures mains.