Mannarino : “Ma tension de cordage la plus basse, ça a été 8 kilos”

Adrian Mannarino a retrouvé une belle dynamique de victoires avec la saison sur gazon. Qualifié pour le deuxième tour de Wimbledon contre Valentin Royer, le gaucher français se confie à Tennis Majors sur la grande singularité de son identité de joueur : sa tension de cordage extrêmement basse, autour de 10 kilos.

Adrian Mannarino, 2025 Adrian Mannarino, lors d’UTS Guadalajara 2025 | © Julien Nouet / Tennis Majors pour UTS

Tennis Majors : Adrian, nous avions tourné une vidéo pour UTS il y a quelques semaines et tu avais approché ta raquette du micro de la caméra pour faire entendre le son de l’impact de la main sur ton cordage. Tu avais dit “c’est le son d’un filet de pêche…”

Adrian Mannarino : Oui, c’est-à-dire le son d’une raquette qui n’est vraiment pas très tendue. Je pense que je suis un des joueurs qui tend le moins sur le circuit. Celle-là en l’occurrence, elle est tendue à 9,5 kilos. J’oscille entre 9 et 11 kilos. Ça dépend un petit peu des cordeurs et des conditions de jeu qu’on a sur les tournois.

Comment en vient-on à prendre la décision de descendre aussi bas ?

Adrian Mannarino : J’ai commencé un peu comme tout le monde, au-dessus de 20 kilos. Et au fil des années, je suis descendu. Ça convient bien à mon jeu, tout simplement. Et malheureusement, quand j’essaie de remonter ma tension un petit peu, je prends le bas du filet quand je manque de confiance ou de sensation. On me dit souvent que c’est quelque chose d’incroyable de jouer à cette tension-là. Mais pour moi, c’est juste ce qui me convient le mieux. Ce n’est pas un motif de fierté ou quoi que ce soit, c’est juste que voilà, quand je vais sur le terrain j’ai envie de gagner et ce qui m’aidera le plus à gagner un match c’est de jouer à cette tension-là.

Les joueurs vont souvent de kilo en kilo. Moi, je vais entre 200 et 400 grammes.

Tennis Majors : Qu’est ce qui fait que c’est 9,5 et pas 11 par exemple ?

Adrian Mannarino : Toutes les machines à corder sont un petit peu différentes. Elles sont calibrées différemment. Sur certains tournois, ça “tend fort”. Généralement, tous les joueurs donnent deux ou trois raquettes à corder à leur arrivée sur place pour savoir un petit peu comment le cordeur opère sur cet événement. Parfois, on a du mal à trouver notre tension idéale. Les joueurs vont souvent de kilo en kilo. Moi, je vais entre 200 et 400 grammes. C’est vrai que je suis un petit peu méticuleux là-dessus, mais… Au maximum, je suis descendu à 8 kilos. Et au maximum, ces deux dernières années, j’ai dû être à 11,5 kilos. Du coup, ça varie entre 2 et 3 kilos maximum. Mais c’est vrai que c’est les petits détails qui jouent énormément. On est tous assez compliqués là-dessus.

Tennis Majors : Jouer avec un filet de pêche, en termes de sensation, même en termes de capacité sur le court, qu’est-ce que ça permet de faire que ne permet pas une raquette à 23 par exemple ?

Adrian Mannarino : Plus la raquette est détendue, plus il y aura un effet, on va dire, trampoline. La balle s’enfonce dans le cordage et elle repart un petit peu plus vite. Mais le trampoline, il faut réussir à le contrôler car ça repart vite. Du coup, si on n’arrive pas trop à régler avec la main, la balle nous échappe assez facilement. Je pense être un joueur qui est un petit peu plus en sensation que la moyenne donc j’arrive à gérer tout ça. Et d’un autre côté, je manque de puissance. C’est un petit mélange qui me convient bien. D’autres ont besoin de frapper vraiment fort dans la balle pour sentir ce contrôle. Je pense à des joueurs comme Rafa (Nadal), comme Casper (Ruud) sans doute, qui aiment bien être loin de la ligne et vraiment frapper fort. Eux, ils auront besoin de raquettes bien plus tendues. Pour avoir un petit peu de rendement et une balle qui part vite, il faut garder beaucoup de relâchement et c’est vrai que cette tension me permet de garder tout ça.

Tennis Majors : Quand as-tu commencé à baisser et à atteindre des tensions vraiment iconoclastes ? Comment t’es-tu extrait de la normalité dans le circuit ? Est-ce qu’il y a eu des gens qui t’ont dit « mais tu es fou » ? J’imagine que tu as cheminé quand même assez seul.

Adrian Mannarino : Oui, c’est vrai que j’ai eu des entraîneurs qui me disaient, quand je jouais mal, « mais regarde, ta raquette n’est pas assez tendue, il faut que tu en remettes un petit peu ». Mais ça allait à l’inverse de mes sensations. J’ai le souvenir d’un challenger où le cordeur était quand même assez costaud. A période-là, je tendais aux alentours de 21, 22 kilos, même 23 kilos. Et je me souviens avoir fait cette remarque à mon entraîneur de l’époque, lui dire « Non, mais je ne vais quand même pas passer sous les 20 kilos, c’est impossible. Je ne sais pas, personne ne fait ça. » Et avec le temps, j’en suis arrivé à 10 kilos. Mais c’est vrai que c’est quelque chose qui s’est fait petit à petit. Si on m’avait dit ça à l’époque, je n’aurais jamais cru. 

Quand on commence à se comparer aux autres, ça devient compliqué. Voilà, il faut juste suivre son instinct.

Tennis Majors : Mais qu’est-ce qui t’a permis justement, de faire taire cette espèce de petite voix qui dit que sous 20 kilos, ce n’est pas raisonnable ? 

Adrian Mannarino : C’est vrai que si on écoute les autres… C’est un peu comme pour tout dans la vie. Parfois, il faut se faire confiance. Il faut y aller avec ses convictions. Au début de ma carrière, ça m’est arrivé de faire des périodes de deux ou trois semaines sans casser mon cordage. Au fur et à mesure, le cordage se détendait et je trouvais que mes sensations étaient bonnes. Je me suis dit : “pourquoi pas garder une tension assez basse?”. Ce qui est sûr, c’est que j’ai joué mon meilleur tennis ces deux, trois dernières années avec cette tension-là. Ça m’a donné raison. Quand on est sportif professionnel, il faut juste s’écouter, il faut faire abstraction du reste. Quand on commence à se comparer aux autres, ça devient compliqué. Voilà, il faut juste suivre son instinct.

Tennis Majors : Y a-t-il d’autres “Mannarino” sur le circuit, des joueurs dont on ignore qu’ils tendent aussi très bas ?

Adrian Mannarino : J’en connais quelques-uns. Il y avait l’Italien Filippo Volandri qui devait tendre aux alentours de 12-13 kilos. Ce sont des joueurs un petit peu moins connus, mais il y a Mikhail Kukushkin, ancien 39e mondial, qui était entre 12 et 14 kilos. Jack Sock était dans ces alentours. Thiago Seyboth Wild, contre la France en Coupe Davis, tendait à 11 kilos. Il y en a quelques-uns, plus qu’on ne le croit. Moi, je l’ai fait pendant cinq, six ans sans que personne ne s’en rende vraiment compte. 

Tennis Majors : Une tension basse, ça fragilise le cordage ou au contraire, ça rend plus élastique, donc durable ?

Adrian Mannarino : Je n’ai pas d’info assez fine pour vraiment savoir. Je sais que pour ma part, je ne mets pas beaucoup d’effet dans la balle. Du coup, j’ai tendance à ne pratiquement jamais casser mon cordage. Les rares fois où je casse, c’est l’hiver au cours des présaisons. Au bout d’une semaine, une semaine et demie. Mais généralement, c’est moi qui le casse directement pour la donner à recorder. On arrive tous sur un match avec entre trois et six raquettes neuves pour être sûrs, justement, de ne pas avoir de mauvaises surprises et de ne pas casser le cordage sur un point important qui pourrait nous faire perdre le point un peu bêtement.

Tennis Majors : Et là à Wimbledon, quand les conditions sont très chaudes cette année, dans quel sens adaptes-tu ta tension ?Adrian Mannarino : Ça n’a pas beaucoup d’influence, d’autant que le vrai enjeu pour moi, mais aussi pour beaucoup de joueurs, c’est que comme on est compliqués, il n’y a pas 36 cordeurs qui peuvent s’occuper de nous. Quand tu tends très bas, si tu ne serres pas bien le nœud à la fin de la corde, ça peut tout changer. Et il y a autre chose c’est que je demande à ce que la dernière corde soit tendue à 20 kilos. Sinon, je peux perdre mon antivibrateur tous les trois jeux. On n’a pas envie de passer son temps à le ramasser voire à le perdre entre les points.

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