L’année des affaires non réglées – 2020 vue par Ben Rothenberg

Du tennis en 2020 au tennis en 2021, épisode 1 : Ben Rothenberg nous rappelle que quelques affaires brûlantes sur le circuit ATP (Zverev, Querrey) n’ont pas trouvé leur épilogue. Et c’est un problème.

Alexander Zverev, ATP Finals, 2020 Alexander Zverev, ATP Finals, 2020

Pour marquer le passage à la nouvelle saison, Tennis Majors propose une série de six articles sur les grands sujets qui ont agité notre sport au cours des mois écoulés.

Mardi 29 décembre : les quelques poussières que l’ATP a laissées sous le tapis, notamment avec Alexander Zverev et Sam Querrey.

Que le tourbillon – habituellement sans fin – du circuit masculin ait eu à s’arrêter en mars 2020 en raison de la pandémie de coronavirus, a eu un effet inattendu : cela a permis de faire plus précisément connaissance avec les personnages qui gravitent en son sein. Et il est vite devenu évident, à y regarder de plus près, que bien trop souvent leur comportement était au mieux inapproprié, au pire inexplicable.

Frustrant. Car l’opportunité était aussi rare que belle de réparer, rénover et repenser le tennis masculin. Il en a tant besoin. Et alors que le circuit reprend doucement son cours depuis cet été, il est à craindre que les actuels dirigeants du Tour n’aient ni la force, ni la vision pour corriger ce qui ne va pas, ou ce qui ne va plus, et que leurs auto-congratulations ne font que couvrir le nécessaire appel d’air vers les réformes. La seule année 2020 a donné de nombreux exemples de cas d’enquête sérieux et même pas examinés.

Le volumineux règlement de l’ATP ne dit quasiment rien de ce qui pourrait inciter ses joueurs à être de bonnes samaritains. Plutôt qu’un vrai code de conduite, l’ATP se contente de vagues déclarations d’intention, demandant aux joueurs “d’éviter de se comporter de manière contraire à l’intégrité du tennis” ou d’agir “d’une manière qui nuirait gravement à la réputation du sport”.

Seize jours pour un communiqué sans saveur après l’affaire Zverev-Sharypova

Le cas d’étude le plus évident vient probablement des accusations de violences conjugales formulées à l’encontre d’Alexandre Zverev par son ex-compagne Olga Sharypova. Elle a dévoilé publiquement son histoire fin octobre, le harcèlement dont elle assure avoir été victime par Zverev, et a raconté par le détail ce qu’elle a traversé dans une interview que j’ai réalisée pour Racquet, qui a publié l’article le lendemain (une suite à l’article est en préparation).

L’ATP n’a rien fait qui montre qu’elle reconnaît le témoignage de Sharypova. Elle y a encore moins répondu et elle a attendu seize jours pour publier un communiqué sans saveur pour, en résumé, condamner les violences domestiques. L’ATP ne semble pas enquêter au sujet de l’histoire de Sharypova, manifestant peu d’intérêt pour faire toute la vérité sur accusations crédibles d’actes pénalement répréhensibles attribués par l’une des stars montantes du tennis. Zverev a nié à plusieurs reprises, sans répondre spécifiquement aux accusations formulées par Sharypova.

Querrey, une fuite sans conséquence

Il y a aussi le cas plus complexe de Sam Querrey, qui a fui le tournoi de Saint-Pétersbourg, par un jet privé, à la mi-octobre, après un test positif au coronavirus, comme sa famille, peu avant de disputer le premier tour du tournoi ATP 500 organisé dans la cité russe.

Si Querrey avait certainement des raisons de ne pas être à l’aise avec la façon dont il était traité par les autorités russes, qui ont modifié en cours de route les conditions de sa quarantaine, son départ soudain a été un coup terrible pour la fiabilité des joueurs professionnels de tennis. Ils en auront pourtant bien besoin à l’heure où le circuit souhaite obtenir l’assentiment des gouvernements à travers le monde pour poursuivre sa bataille à contre-courant : être un sport itinérant en pleine période de pandémie.

L’ATP a condamné la “sérieuse infraction” commise par Querrey, mais elle l’a fait seulement auprès des joueurs. Elle leur a aussi indiqué qu’elle prenait l’incident “très au sérieux” et qu’une enquête était en cours.

Il a fallu plus de deux mois à l’ATP pour lui infliger… une amende de 20.000 dollars avec sursis et période probatoire de six mois. Querrey est être autorisé à jouer lors de la tournée australienne, qui doit débuter le mois prochain dans un pays qui a fait des sacrifices énormes pour arriver à quasiment éradiquer le coronavirus de son territoire.

Kyrgios, le seul à tirer la sonnette d’alarme

Si l’évasion de Querrey est de loin le plus remarquable, ce n’est pas le seul exemple de joueurs ayant contourné les protocoles sanitaires liées à la COVID-19. Alors qu’il avait assuré qu’il suivrait “les consignes d’auto-isolement”, Zverev faisait la fête près de Monaco, quelques jours après avoir participé au cluster qu’était l’Adria Tour, au cours duquel Grigor Dimitrov, Novak Djokovic et Borna Coric, entre autres, avaient été contaminés. Dominic Thiem, qui avait aussi participé à cet événement, n’a lui non plus pas fait grand-chose pour réduire sa lucrative tournée estivale après avoir été exposé au virus.

S’ils sont tous différents, ce qu’il y a de commun entre tous ces épisodes, c’est le silence. Non seulement l’ATP n’a publiquement condamné aucun de ces incidents, mais quasiment aucun des centaines de joueurs qui la composent ne s’est exprimé pour donner le sentiment que le tennis masculin voulait renvoyer une meilleure image.

Seul Nick Kyrgios, qui a vertement critiqué Zverev dans une vidéo filmée dans sa voiture en Australie, a ressenti le besoin de mettre l’un de ses pairs face à ses responsabilités, pour des actes qui entachent l’image du tennis masculin dans son entier. Alors que l’auto-complaisance est reine, Kyrgios ne semble pas le mieux placé pour être le seul à vouloir changer les choses.

Une indéniable volonté de changement

Il y a cependant, et c’est primordial, une indéniable volonté de changement parmi les joueurs sur le circuit masculin. Ce qui sera entrepris pour la satisfaire sera crucial.

En août dernier, Djokovic et Vasek Pospisil ont lancé Professional Tennis Players’ Association (Associations des Joueurs de Tennis Professionnels), une sorte de syndicat qui ne dit pas encore son nom et avait objectif d’offrir aux joueurs un moyen de s’unir en dehors de l’ATP. Mais quatre mois après ce lancement, son fonctionnement exact reste particulièrement vague.

Professional Tennis Players Association

Et pourtant, malgré ce flou, ou justement parce que c’est encore flou, de nombreux joueurs se sont empressés de rejoindre la nouvelle organisation de Djokovic, lui reconnaissant une qualité primordiale : elle agit en dehors du périmètre de l’ATP.

Peut-être que la solution, effectivement, est que les joueurs et l’ATP se séparent, afin que leur relation par essence conflictuelle se matérialise dans les faits hors des courts. En dehors des combats qui leur sont propres, cela pourrait permettre à l’ATP de se découvrir sur un nombre croissant de sujets. Pour en finir avec cet entre-deux sas relief dans lequel elle ne cesse de s’enfoncer.

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