« Créer des repères dans cette incertitude, ce n’est pas simple » : La solitude du tennisman à l’épreuve de la pandémie

Du tennis en 2020 au tennis en 2021, épisode 3 : Le contexte sanitaire a contraint le tennis à reprendre sa vie en isolant encore davantage des joueurs déjà soumis à une grande solitude, sur le court comme en dehors. Une donnée qui a pesé sur la fin de saison 2020 et aura forcément son importance en 2021.

Nick Kyrgios, Australian Open, 2020 AI / Reuters / Panoramic

Pour marquer le passage à la nouvelle saison, Tennis Majors propose une série de six articles sur les grands sujets qui ont agité notre sport au cours des mois écoulés.

Vendredi 1er janvier : les joueuses et joueurs encore plus isolés par la nouvelle vie des circuits, bouleversée la pandémie de COVID-19.

« Vous savez, le métier de joueur de tennis est un métier rempli de solitude. A bien y réfléchir, ce n’est d’ailleurs presque que de la solitude. » Les mots sont signés Yannick Noah, dans les colonnes du journal L’Humanité, et datent de 1997. Ils restent d’actualité, le sont même plus que jamais. Le tennis, en soi, n’a pas changé. Il reste cette bataille contre soi-même autant qu’un duel face à un adversaire, un double combat à mener de front qui rend ce sport unique et si difficile pour les nerfs.

Mais le monde, lui, a évolué. La pandémie de coronavirus a bouleversé la vie des circuits dans des proportions plus importantes que pour les autres sports. Des bulles sanitaires autour des tournois, la contrainte de se déplacer avec un entourage réduit au minimum, des stades vides de public : les joueurs de tennis se retrouvent plus isolés que jamais. Cette situation nouvelle, expérimentée lors des trois derniers mois de la saison 2020, se prolongera en 2021. Au moins pour un trimestre, et probablement davantage, en attendant que la vaccination progressive ne permette éventuellement un retour graduel à la « normale ».

Des grands noms qui abordent le sujet

Sujet tabou dans le tennis, la solitude s’impose d’elle-même comme un élément incontournable de cette intersaison, en prévision d’une année particulière. Elle l’est encore plus depuis que des joueurs de premier plan en parle ouvertement. Entre autres via la plateforme Behind The Racquet, lancée par Noah Rubin, 250e mondial, pour permettre à ses collègues de partager leurs états d’âme du quotidien. Stefanos Tsitsipas, 6e à l’ATP, y a longuement décrit sa solitude sur le circuit, en juillet dernier.

“Le tennis est un sport très solitaire, où l’on affronte tout seul, racontait notamment le Grec. On a une équipe qui nous accompagne à travers le monde, mais j’ai passé d’innombrables nuits à ne pas réussir à trouver le sommeil, tout seul. Tous ces voyages et cette compétition m’ont causé énormément de stress, et je me suis isolé.”

 

 
 
 
 
 
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Nick Kyrgios, ancien 13e mondial et très populaire auprès des fans, a publiquement fait part de ses difficultés à gérer la sienne sur le circuit.

« Je me suis beaucoup perdu, je me suis senti seul au milieu d’un océan de personnes, a confié l’Australien en novembre, au magazine Stellar, supplément du Sunday Telegraph à Sydney. Je n’avais pas l’impression de pouvoir parler de ce que je ressentais à qui que ce soit. Je me battais contre beaucoup de choses et je n’avais pas l’impression d’avoir un chez moi, parce que je voyageais tout le temps. »

En trois phrases, Kyrgios a posé des mots sur des maux fréquents chez ses collègues. Quand le déracinement mène à l’isolement.

« J’ai travaillé avec des joueuses et des joueurs pour qui il était compliqué de vivre loin de chez eux, concède Sophie Huguet, psychologue du sport qui a collaboré avec des juniors sur le circuit ITF, des joueuses du Top 100 WTA et des joueurs du Top 500 ATP. Tout le monde n’a pas spontanément l’envie de voyager, d’être loin de sa famille et de ses repères. C’est un vrai sujet à travailler, pour arriver à voir les bénéfices de ces déplacements. Si c’est vécu comme un calvaire à chaque fois, ça peut être très compliqué. Surtout que certains voyagent dans de très mauvaises conditions. C’est une vie particulière, de solitude, ça implique des difficultés dans la vie affective. Tout le monde ne va pas y trouver son compte. Même si la personne a du talent, ce paramètre est très important. »

De la difficulté de repartir sur le circuit

Il le sera d’autant plus en 2021. Comme pour chacun, le confinement imposé lors de l’explosion de la pandémie de coronavirus a laissé aux joueuses et joueurs le temps de profiter davantage de leurs proches, de leurs familles. Ce qu’ils avaient perdu en étant privés de l’adrénaline de la compétition, ils le compensaient ailleurs.

« Je me suis en quelque sorte éloigné de ma famille parce que je voyageais beaucoup – c’était difficile de garder le contact. Depuis mon retour, j’ai presque l’impression d’avoir tout relancé avec ma famille, se félicitait Kyrgios en novembre. C’était génial. »

 

 
 
 
 
 
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