Les bonnes feuilles du livre « Tennis » en exclu : Et Djokovic devint le Djoker
Tennis Majors publie en avant première les bonnes feuilles du Grand Livre du Tennis, signé par son directeur Cédric Rouquette aux éditions EPA (sortie le 22 octobre). Dans la 1re partie, le livre propose le portrait de chacune des quatre légendes contemporaines du tennis. Ici, Novak Djokovic.

C’est une conférence de presse comme Novak Djokovic en a connue des centaines au cours de sa carrière. Il vient de battre Marton Fucsovics en quart de finale de Wimbledon. Première question. « Qu’est-ce cela vous fait d’être vu en quelque sorte comme le sale type (« bad guy ») lancé à la poursuite de Roger Federer et Rafael Nadal toutes ces années ?» Avec le regard sombre qu’il sait adopter quand sa fierté est en jeu, celui qui est alors le meilleur joueur du monde répond à l’imprudent : « Je ne me considère pas comme un sale type. Ça, c’est juste votre avis. Je ne suis à la poursuite de personne. Je trace ma propre route, mon propre chemin, ma propre histoire. »
Cette question posée avec la maladresse d’un amateur a au moins un mérite : elle résume à l’os le narratif qui entoure le champion serbe depuis le début de sa carrière. Si l’ère du Big Three, dont il a été le dernier acteur en scène, est bien un moment historique et glorieux de l’histoire du tennis ; si les records et les finales que Federer, Nadal et Djokovic ont offert à leurs contemporains sont pour la plupart inoubliables, le fil des événement est bien celui-ci : tandis que Federer et Nadal, deux héros adulés par le public, offraient au sport mondial une rivalité délicieuse, une bataille des contraires menée avec les codes de gentlemen, un troisième larron, moins populaire, moins spectaculaire, moins humble aussi, s’est invité dans cette course jusqu’à réaliser l’affront suprême : battre quasiment tous les records auxquels Federer et Nadal pouvaient aspirer. Le larron a un nom qui claque – Novak Djokovic – et un surnom de bon aloi : le « Djoker ».
Federer, son aîné de six ans, et Nadal d’un an seulement, ont raccroché la raquette au moment où ce livre est imprimé. Djokovic, lui, continue sa carrière, à 38 ans. Moins fort et moins motivé depuis qu’il a remporté l’or olympique à Paris en 2024, le dernier grand titre qui lui manquait, mais incontestablement titulaire du plus grand palmarès masculin dans ce sport.
- 24 titres du Grand Chelem,
- 8 saisons terminées à la première place mondiale
- 428 semaines cumulées à ce rang
- 40 titres en Masters 1000, avec deux victoires minimum dans chacun d’eux
- 7 titres aux ATP Finals (le « Masters »)
- La Coupe Davis
- L’or olympique en simple
Très vite, Djokovic le sent, Djokovic le sait…
Le débat sur le GOAT (« meilleur joueur de tous les temps », « greatest of all time ») a rythmé des années de débats sur les plateaux de télévision et sur le Web. Aux moments où l’on a pu penser que Federer, Nadal et Djokovic termineraient plus ou moins à égalité au tournant des années 2010 et 2020, l’on commençait à débattre des critères de départage. Gloire ne devait-elle pas revenir à celui qui a tiré les autres vers le haut, surtout vu la beauté de son jeu ? Suivez mon regard : Federer. Gloire ne devait-elle pas revenir à celui qui a gravi le plus grand Everest de tous avec ses 14 victoires à Roland-Garros, à celui qui a justement pris un ascendant sur le soi-disant imbattable Federer, à celui que les stats auraient couronnés s’il n’avait pas été si souvent blessé ? Visé : Rafael Nadal. Dans ces débats, bien peu de données menaient à Djokovic.
Très vite, Djokovic le sent, Djokovic le sait : il n’a pas d’autre choix que de s’imposer seul au nombre de titres majeurs s’il veut avoir une chance d’être reconnu comme le plus grand. Son talon d’Achille : il est parti de très loin. Quand la saison 2007 s’achève, Federer a déjà 10 majeurs et Djokovic, zéro. Quand débute la saison 2011, il a 15 titres de retard sur Federer et 7 sur Nadal. Son avantage : plus jeune et plus robuste physiquement, il aura plus de « cartouches » à jouer. Il aura la précision d’un tireur d’élite aux moments importants en 2021 (3 titres), 2022 (2 titres) et 2023 (3 titres) pour nourrir en chiffres resplendissants le débat sur le titre de GOAT
Quand Nadal porte la barre à 22 trophées majeurs au milieu de la saison 2022 à Roland-Garros, « the Djoker » a alors remporté 20 titres en Grand Chelem, comme Federer. En quinze mois, entre l’été 2022 et l’automne 2023, Novak Djokovic évacue du débat toute ambiguïté. Mais il est en mode « machine à gagner » depuis dix ans désormais et va obtenir ce qu’il souhaite. Il enquille Wimbledon 2022, l’Open d’Australie 2023, ce qui lui permet d’égaler Rafael Nadal, puis Roland-Garros 2023, où il se hisse seul au sommet de ce classement chez les hommes, puis l’US Open 2023, où il place à la barre à 24 titres, égalant le record établi par Margaret Court chez les femmes. 24 titres du Grand Chelem, c’est le double du record de Roy Emerson, qui avait tenu 33 ans jusqu’à Wimbledon 2000 et la dernière couronne anglais de Pete Sampras. C’est vertigineux.
Découvrez le reste du chapitre dans le grand livre Tennis, à paraître le 22 octobre, en pré-commande sur le site de la maison d’édition, sur Amazon et sur Fnac.com.



