Djokovic sur le dossier PTPA : « Les meilleurs joueurs doivent prendre leurs responsabilités »
Co-fondateur de la PTPA, l’association qui défend les intérêts des joueurs et a attaqué en justice les instances du tennis, Novak Djokovic a appelé ses collègues à leurs responsabilités dans le combat pour la juste répartition des revenus du sport.

« Pas de question ? », a commencé le responsable presse de l’ATP devant une salle de conférence de presse pleine à craquer. « J’en doute », a souri Novak Djokovic, de retour au Masters 1000 de Miami six ans après sa dernière apparition. C’est Djokovic qui avait raison. Mais au moins cette façon d’entrer dans le sujet a permis d’alléger une atmosphère devenue tendue depuis mardi.
Le joueur serbe, co-fondateur de la PTPA (Association des joueurs de tennis professionnels), savait que son entrée en lice contre Hijikata au Hard Rock Stadium, prévue vendredi, allait moins intéresser les médias que l’assignation en justice des instances mondiales du tennis – ATP en tête –, devant les tribunaux américains, lancée lundi par l’organisation de défense des intérêts des joueurs qu’il a co-fondée en 2020.
A 37 ans, le multi-millionnaire Djokovic a eu vite fait de dire qu’il ne menait pas ce combat pour lui mais par un sentiment de responsabilité qu’il ressent depuis le début de sa carrière, et qu’il estime trop peu partagé. « Je voudrais que les leaders des deux tours (masculin et féminin) et les futurs leaders du tennis prennent leur responsabilité et comprennent que ces sujets sont clefs pour eux, et surtout pour les autres joueurs qu’ils représentent de par leur statut. Même si vous n’êtes dans aucune instance, en tant que top player, vous êtes célébré par tous les joueurs du monde, et vous êtes comptables de ça. Il faut assumer ce poids et être capable de se mettre à la place de ceux qui sont sur les circuits secondaires. On sait tous à quel point c’est difficile de percer dans le tennis. »
Gauff et Sabalenka ont fait un pas
Le courage, c’est un peu le geste technique qui manque dans les couloirs du Hard Rock Stadium depuis que le tournoi a commencé, mardi, même si les choses ont un peu bougé après les réactions de type « je peux pas, j’ai piscine » enregistrées ces dernières heures. A la même place que lui, Coco Gauff et Aryna Sabalenka venaient par exemple de se positionner pour un accroissement des sommes globales distribuées au joueuses et aux joueurs sur la masse des revenus du tennis, évaluées à 17% du gâteau par la PTPA contre 30% à (parfois plus de) 50% dans les principaux sports de masse. « Pas seulement pour les femmes, et spécialement en Grand Chelem » a précisé la numéro un mondiale Sabalenka.

Ce discours tranchait avec celui tenu la veille par Carlos Alcaraz, qui s’était positionné comme « en désaccord » avec cette initiative, portée officiellement par 22 joueurs, un chiffre bas à mettre en relation avec les deux centaines de noms officiellement consultés par la PTPA. Ces noms : Vasek Pospisil, Nick Kyrgios, Anastasia Rodionova, Nicole Melichar-Martinez, Saisai Zheng, Sorana Cirstea, John-Patrick Smith, Noah Rubin, Aldila Sutjiadi, Varvara Gracheva, Tennys Sandgren, Reilly Opelka, Jay Clarke
Taro Daniel, Corentin Moutet, Ingrid Neel, Marco Trungelitti, Alice Tubello, Andre Begemann, Michael Geerts, Christian Harrison et Arina Rodionova. « Je n’ai pas estimé devoir signer cette lettre car j’estime que d’autres joueurs devraient prendre leurs responsabilités » a confirmé Djokovic. Corentin Moutet fait lui aussi partie des défenseurs de la démarche.
Djokovic : Un monopole est en place depuis des dizaines d’années, et il est dur à casser.
Djokovic ne s’est positionné ni en justicier, ni en syndicaliste au cours de cette conférence où seulement six questions purent être posées. Il s’est plutôt en homme de bons sens, leader en train de passer la main, et qui renvoie aux instances dirigeantes une équation qui crée beaucoup de tension dans le monde du tennis depuis des années : « Le tennis est le troisième ou quatrième sport le plus populaire, à égalité avec le cricket, derrière le football et le basketball. Mais il est neuvième ou dixième en valeur commerciale. Tout le monde le sait dans notre sport. Il y a une direction commune à trouver dans l’intérêt de tous. Un monopole est en place depuis des dizaines d’années, et il est dur à casser. »
L’assignation en justice emploie carrément le mot de « cartel » et le terme de « conspiration ». Et si Djokovic avait une petite distance à prendre, ce serait celle-ci. « C’est une affaire de droit désormais et il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord dans ce document. Je pense que le vocabulaire est très fort mais j’imagine que l’équipe de juristes sait ce qu’elle fait et quelle terminologie elle doit employer pour obtenir ce qu’elle souhaite. Je suis défavorable à l’idée que le sport soit divisé mais j’ai toujours dit que les joueurs devaient avoir plus de poids dans les décisions. J’ai vu des choses bouger en quasiment vingt ans de circuit, mais les fondamentaux n’ont pas évolué. »

Djokovic est membre du comité exécutif de la PTPA mais « il n’a pas de véto et ne prend pas les décisions », a-t-il précisé. « Il y maintenant trente personnes qui travaillent entre les lignées pour la PTPA. »
Entre les lignes, on comprend que the Case 1:25-cv-02207 est bien un moyen de pression plutôt qu’un procès classique susceptible de mener au démantèlement de l’organisation actuelle du tennis. « Je ne sais pas comment cela va tourner, ni si on aura une réaction positive des instances, consent Djokovic. Ça pourrait prendre un moment. »
Djokovic dit avoir tout essayé au conseil des joueurs de l’ATP
Maître dans l’art de faire passer ses messages avec le vernis de diplomatie nécessaire, Djokovic a notamment rappelé que cette solution, qui pouvait paraître radicale, s’était imposée à lui après avoir tout tenté dans le cadre classique des instances de l’ATP. « Je suis actif en coulisses dans la politique du tennis, si on veut, depuis des années maintenant, notamment en tant que représentant des joueurs au conseil des joueurs de l’ATP dont trois à la présidence. J’ai fait de mon mieux pendant les années les plus actives de ma carrière, et j’ai senti que c’était mon rôle d’utiliser mon influence pour aider les joueurs à défendre leurs droits. On a 400 joueurs qui vivent du tennis, hommes, femmes et double compris. Ce chiffre doit grossir et je ne lui donne pas de limites. »
La question consistant à savoir combien de joueuses et de joueurs capables de s’engager pour les autres exercent sur le circuit reste aujourd’hui grande ouverte.





