Une autoroute vers l’histoire pour Djokovic ? Pas si vite, l’US Open est le tournoi qui s’offre le moins facilement

Même s’il part favori, la mission qui attend Novak Djokovic pour s’imposer à New York et sceller ainsi un Grand Chelem historique est peut-être plus compliquée qu’on croit. L’US Open a toujours été un tournoi très dur à gagner, y compris pour lui-même. Peut-être le plus dur.

Novak Djokovic during the Tokyo 2020 Olympic Games at the Ariake Tennis Park in Tokyo, Japan.

US Open 2021, 2e tour | Djokovic [1] v Griekspoor (PBS) | Court Ashe, Jeudi 1:00

A peine le tirage au sort de l’US Open avait-il été effectué jeudi dernier que le couperet tombait : Novak Djokovic aurait hérité d’un tableau “facile”, un boulevard en ligne droite jusqu’aux portes de l’Histoire et du Grand Chelem calendaire, le premier depuis celui réalisé par Rod Laver en 1969.

Il est vrai que, jusqu’en demi-finale du moins, aucun des adversaires théoriques du N°1 mondial, pris un par un, ne semble en mesure de l’effrayer. Et surtout par son adversaire du premier tour, le jeune qualifié danois Holger Rune (18 ans), dont le talent crève les yeux mais qui semble avoir la peau encore un peu tendre pour s’attaquer à la cuirasse du Serbe.

En réalité, rien ne sert de chercher la petite bête dans le tableau. Le danger principal, pour Djokovic, on le connaît tous : c’est d’abord lui-même. Après tout, on ne sait pas précisément où il en est physiquement, après avoir quitté les Jeux Olympiques essoré (voire blessé) puis fait l’impasse sur les deux Masters 1000 nord-américains de Toronto et Cincinnati.

On ne sait pas non plus comment Novak Djokovic réagira dans un tel contexte. Même s’il a rappelé à juste titre avoir tout de même, à 34 ans, une certaine expertise en matière de gestion de pression, il a aussi reconnu que celle-ci s’annonçait différente, vu les enjeux. Placée dans la même position que lui en 2015, Serena Williams, dont on ne peut pourtant pas douter de la force mentale, avait fini par s’écrouler, en demi-finale, face à Roberta Vinci. Ce précédent ne doit pas négligé.

Même le Big Three a moins régné à l’US Open qu’ailleurs

D’autant qu’il convient de rappeler à quel point l’US Open est toujours un Grand Chelem éminemment compliqué, sur tous les plans. Si Roland-Garros est souvent dépeint comme le tournoi du Grand Chelem le plus difficile à gagner, au moins sur le plan physique, l’US Open est pourtant celui qui s’offre le moins facilement. Y compris aux tout meilleurs.

Si l’on regarde, par exemple, les statistiques du Big Three, il a équitablement régné à 16 reprises en tout sur les trois premiers Grands Chelems de l’année (Open d’Australie, Roland-Garros et Wimbledon), mais “seulement” 12 fois sur le dernier, à New York. Là-bas, aucun des trois monstres n’a jamais véritablement pu asseoir une domination dictatoriale – tout est relatif, bien sûr – comme chacun d’entre eux a su le faire ailleurs, qui à Melbourne pour Djokovic (9 sacres), qui à Paris pour Nadal (13), qui à Wimbledon pour Federer (8).

A l’US Open, c’est Federer qui détient le record de titres (ex-aequo avec Sampras et Connors) grâce à ses cinq sacres décrochés consécutivement entre 2004 et 2008. C’est conséquent, mais c’était à l’époque où il régnait en maître absolu sur tous les courts du monde qui n’étaient pas en terre battue. Le fait que le Suisse n’y ait joué ensuite que deux finales (2009 et 2015) dit beaucoup de la difficulté à évoluer en tout confort à New York, où les pièges sont innombrables.

En premier lieu, il y a bien sûr les conditions de jeu très particulières, avec ce central démesuré (23.500 places, le plus grand court du monde), une foule toujours électrique (d’autant qu’elle est de retour cette année) et une météo souvent chaude et très humide, même si les prévisions ne s’annoncent pas délirantes pour la quinzaine à venir.

Si l’on rajoute à cela le bruit et l’odeur, comme dirait qui-on-sait, on se retrouve avec un tournoi qui est certes le plus “divertissant” du circuit – l’expression est de Djokovic – mais qui est aussi celui où il est le plus difficile de garder son sang-froid. Le Serbe, disqualifié l’an dernier en huitième à la suite d’une balle malencontreusement envoyée dans la gorge d’une juge de ligne, en sait quelque chose.

Mais ce qui fait de l’US Open un tournoi mieux “réparti” que les autres, au-delà de ses conditions, c’est aussi sa surface. Le dur extérieur est la plus universelle des surfaces, celle qui homogénéise probablement le mieux les forces de chacun, alors que la terre battue et le gazon restent, qu’on le veuille ou non, des surfaces très spécifiques.

Il y a par ailleurs une différence majeure entre l’US Open et l’Open d’Australie, qui se joue également sur dur extérieur : le positionnement dans le calendrier. Melbourne a lieu en tout début de saison, quand les joueurs sont encore tout frais et dispos. L’US Open, lui, arrive en fin de saison, quand les organismes commencent sérieusement à tirer sur la corde. C’est ce qui contribue à en faire son ultra-sélectivité : seuls les plus costauds tiennent encore debout, jusqu’au bout…

Lors de sa conférence presse organisée vendredi dernier lors du Media Day, Novak Djokovic rappelait qu’il avait historiquement toujours bien joué à l’US Open. C’est vrai, c’est là qu’il a atteint sa première finale de Grand Chelem, en 2007 (perdue contre Federer). Et qu’il n’y a, depuis, jamais perdu avant la deuxième semaine, contrairement aux trois autres Grands Chelems. 

https://www.youtube.com/watch?v=g7nkcZAHTEM

Il y a par ailleurs signé quelques morceaux de légende, comme sa finale de mutant contre Nadal en 2011 et ses deux demi-finales contre Federer en 2010 et 2011, remportées en sauvant des balles de match. 

Mais a contrario, c’est aussi à l’US Open que le Serbe a connu le plus de déconvenues : outre l’épisode de la disqualification, c’est à New York qu’il a perdu le plus de finales de Grand Chelem (5). A l’arrivée, il ne s’y est imposé “que” trois fois (2011, 2015, 2018). Ce qui, pour ses standards, n’est pas énorme non plus…

En résumé, Novak Djokovic entretient des rapports assez ambivalents avec l’US Open, très “je t’aime moi non plus”. Ça n’est pas propre à lui-même. C’est lié, plutôt, à la spécificité d’un tournoi tout simplement hors-normes. Comme l’est le défi historique auquel il s’apprête à s’attaquer. Tout Novak Djkokovic qu’il est, il faut réaliser la difficulté de la tâche qui l’attend, à la démesure d’une ville où tout est plus immense qu’ailleurs.

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