4 janvier 1976 : Le jour où Mark Edmondson, 212e mondial, est devenu le joueur le plus mal classé de l’histoire à remporter un Grand Chelem

Aujourd’hui, nous retournons en 1976 pour voir comment Mark Edmondson, qui n’occupait que le 212e rang au classement ATP, a battu son compatriote John Newcombe pour triompher à l’Open d’Australie. Il est le joueur le moins bien classé à avoir jemporté un tournoi du Grand Chelem.

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Edmondson, 212e mondial, remporte l’Open d’Australie à la surprise générale

Ce jour-là, le 4 janvier 1976, Mark Edmondson, classé seulement 212e mondial, créé l’une des plus grandes surprises de l’histoire du tennis en remportant la “bataille des moustaches” contre John Newcombe (6-7, 6-3, 7-6, 6-1) pour s’adjuger l’Open d’Australie. Il est le joueur le moins bien classé à remporter un tournoi du Grand Chelem depuis la création du classement ATP, en 1973, un record qui tient toujours, 46 ans plus tard. Si, à l’époque, voir un joueur australien remporter le Grand Chelem local était tout sauf inhabituel, Edmondson restera également le dernier Australien à réaliser cet exploit.

Les acteurs : Mark Edmondson et John Newcombe

  • Mark Edmondson, l’agent d’entretien


En 1976, Mark Edmondson, 21 ans, n’est qu’au début de sa carrière. Jusqu’à présent, il ne s’est qualifié que pour deux tableaux finaux de Grand Chelem, atteignant le deuxième tour de l’Open d’Australie et de Wimbledon en 1975. Classé 212e à l’ATP, il n’a jamais disputé de finale sur le circuit. Quelques mois avant l’Open d’Australie, Edmondson travaillait comme agent d’entretien dans un hôpital pour financer ses tournées de tournois.

  • John Newcombe, légende australienne


John Newcombe est une légende du tennis australien. Son tennis repose principalement sur un excellent service, qu’il suit constamment jusqu’au filet lorsque son adversaire parvient à le retourner (il a la réputation de souvent réussir des aces, même en deuxième balle). Avec un tel style de jeu, il est particulièrement efficace sur surface rapide, comme le confirme son palmarès : sept fois titré en Grand Chelem, il n’a jamais triomphé sur la terre battue de Roland-Garros. Il a remporté tous ses grands tournois sur gazon : l’Open d’Australie (1973, 1975), Wimbledon (1967, 1970, 1971) et l’US Open (1967, 1973).

Avec Rod Laver, il est le seul joueur à avoir remporté Wimbledon et l’US Open en tant que joueur professionnel après avoir gagné ces tournois en tant qu’amateur. À l’époque, Newcombe détient également 16 titres majeurs en double et trois en double mixte, et il a également participé à cinq campagnes de Coupe Davis couronnées de succès. En 1968, il fait partie des “handsome eight”, les premiers joueurs à participer au célèbre circuit WCT fondé par Lamar Hunt, et en 1974, il devient le deuxième joueur après Ilie Nastase à atteindre la première place mondiale du classement ATP, qu’il occupe pendant 8 semaines.

Le lieu : L’Open d’Australie

Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnat d’Australasie puis Championnat d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année avant de s’installer à Melbourne en 1972, et pas moins de cinq villes australiennes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adelaïde, Brisbane et Perth. Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. À l’époque, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement et des prix insuffisants.

L’histoire : Edmondson a appliqué les conseils de Newcombe jusqu’au bout

Lorsque l’Open d’Australie 1976 débute, à la fin du mois de décembre 1975, Mark Edmondson est tout sauf un sérieux prétendant au titre. Le 212e joueur mondial est même entré dans le tableau d’extrême justesse.

“J’étais le dernier ou l’avant-dernier à entrer”, confiera Edmondson à Pat Cash pour l’émission Open Court de CNN, des années plus tard. “C’était un tableau de 64 joueurs à l’époque, pas de 128. (…) Avec un tableau de 64 et tous les joueurs du monde ne venant pas à l’Open comme aujourd’hui (…), quelqu’un s’est retiré au dernier moment, et j’étais dedans.”

Assez chanceux pour ne pas affronter une tête de série dès le premier tour, Edmondson passe au deuxième tour au forceps, en battant Peter Feigl en cinq sets (1-6, 6-4, 6-7, 6-4, 6-1). S’appuyant sur son excellent service, il élimine ensuite Phil Dent, tête de série n°5, et Brian Fairlie pour se hisser en quart de finale, où il est programmé sur le court central pour la première fois pour affronter Dick Crealy, tête de série n°12. Avant son match, Edmondson croise John Newcombe. 

“Tu as déjà joué sur le court central ?”, lui demande Newcombe.

“Non”, répond Edmondson. 

“Laisse-moi te donner quelques conseils”, propose l’homme aux sept titres du Grand Chelem.

Qui sait si les conseils de Newcombe ont réellement aidé Edmondson ? Toujours est-il que le jeune Australien de 21 ans domine Crealy en trois sets (7-5, 7-6, 6-2) et qu’en demi-finale, il surclasse l’un des plus grands joueurs de tous les temps, le vétéran Ken Rosewall, alors âgé de 41 ans (6-1, 2-6, 6-2, 6-4). Contre toute attente, le nouveau venu, entré dans le tableau principal à la dernière minute, se retrouve en finale de l’Open d’Australie.

Je suis quelque part entre le choc et l’exaltation, ou quelque chose comme ça

Mark Edmondson

Ce jour-là, le 4 janvier 1976, Edmondson affronte une autre légende nationale, l’homme qui lui avait donné des conseils avant sa première apparition sur le court principal : John Newcombe, qui est également tenant du titre. Entre-temps, Newcombe est passé des conseils amicaux à l’intimidation, lorsque, après la victoire d’Edmondson en demi-finale, il a déclaré : “Il a battu Ken aujourd’hui, mais il ne se rend pas compte qu’il doit affronter John Newcombe demain”.

Cependant, cette tentative de semer le doute dans l’esprit d’Edmondson ne semble pas perturber l’outsider. Bien qu’il ait perdu la première manche (7-6) sous une chaleur torride (130 personnes ont été traitées pour insolation pendant les deux premières manches), Edmondson s’accroche pour breaker son adversaire et remporter la deuxième manche (6-3). Au troisième set, un orage s’abat sur Kooyong, interrompant le match pendant une demi-heure, mais malgré son manque d’expérience à ce niveau, le 212ème joueur mondial conserve sa concentration. Son grand service ne lui fait pas défaut et il remporte la “bataille des moustaches” en quatre sets (6-7, 6-3, 7-6, 6-1), sans concéder sa mise en jeu une seule fois au grand John Newcombe.

“Je suis quelque part entre le choc et l’exaltation, ou quelque chose comme ça”, déclare Edmondson, selon le New York Times. “C’est tout simplement trop beau pour y croire. Je pense que je vais peut-être boire quelques bouteilles de champagne ce soir.”

La postérité du moment : Un record inégalé

Le triomphe de Mark Edmondson à l’Open d’Australie 1976 restera son seul titre du Grand Chelem en simple. Il atteindra deux fois les demi-finales, à Melbourne en 1981, et à Wimbledon en 1982, année où il atteindra son meilleur classement, 15e mondial. Il accumulera cependant 5 titres majeurs en double et 2 en double mixte. Son record de vainqueur de Grand Chelem le moins bien classé de tous les temps restera inégalé.

Le vainqueur masculin le moins bien classé dans chaque tournoi du Grand Chelem :

  • Open d’Australie : Mark Edmondson, 1976, n° 212
  • Roland-Garros : Gustavo Kuerten, 1997, n° 66
  • Wimbledon : Goran Ivanisevic, 2001, n° 121
  • US Open : Andre Agassi, 1994, n° 20

La finale de l’Open d’Australie 1976 restera la dernière disputée par John Newcombe. L’ancien numéro 1 mondial déclinera rapidement et ne jouera plus beaucoup sur le circuit jusqu’à sa retraite, en 1978. 

Bien qu’il aurait été difficile de l’imaginer à l’époque, alors que le tennis australien avait connu une période si faste, au cours des 42 années suivantes, aucun joueur local ne triomphera plus à Melbourne. Au cours de ces années, trois joueurs australiens remporteront des tournois du Grand Chelem : Pat Cash, Patrick Rafter et Lleyton Hewitt. La meilleure tentative de Rafter à l’Open d’Australie s’achèvera au stade des demi-finales ; Hewitt tombera en finale en 2005, tandis que Pat Cash sera battu en finale à deux reprises, en 1987 et 1988.

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