Loïs Boisson après Roland-Garros : « Je ne vois pas pourquoi je changerais »
Demi-finaliste surprise de Roland-Garros, Loïs Boisson a fait une entrée fracassante dans le Top 100. À 22 ans, la nouvelle numéro 1 française découvre une autre dimension du circuit.

En quelques jours, Loïs Boisson a changé de planète. Une demi-finale à Roland-Garros, un futur bond de près de 300 places au classement, un nouveau statut. Elle va faire son entrée dans le Top 100 de manière spectaculaire lundi 9 juin. Sereine, la Française de 22 ans refuse de s’emballer. Et si la porte du très haut niveau s’ouvre enfin, elle compte bien continuer à l’enfoncer à sa façon.
Loïs Boisson sera 65e joueuse mondiale au prochain classement WTA. Une place rêvée, celle qui donne accès à la majorité des tournois, notamment les Grands Chelems et les WTA 1000. Ce qu’elle a conquis à Roland-Garros, en sortant deux adversaires du Top 10 avant de tomber face à la future finaliste Coco Gauff, l’installe dans une autre sphère. Celle des grandes. Elle va maintenant être sous les projecteurs en permanence.
Mais la transition n’est pas si automatique. Le calendrier, lui, n’a pas attendu. Wimbledon est dans moins d’un mois et la Française n’a pas encore sa place assurée. Le tournoi a validé sa liste avant Roland-Garros, lorsqu’elle était encore 361e mondiale. Résultat : deux issues possibles seulement. Une wild-card, rarement attribuée à des joueuses non britanniques. Ou les qualifications, comme avant sa blessure.
« C’est particulier, mais je ne me prends pas la tête avec ça. La suite, ce sera le gazon mais je ne sais pas dans combien de temps » , glisse-t-elle.
Elle a changé de dimension. Mais pas de cap.
Avant ce printemps 2025, son nom circulait à peine dans le milieu. Loïs Boisson, c’était une joueuse de l’ITF, de ces tournois de l’arrière-plan où le tennis mondial forge sa base. Repérée à 14 ans, elle avançait tranquillement parmi les espoirs tricolores, sans tapage. Mais une blessure au genou l’a stoppée net pendant près d’un an, freinant brutalement sa progression.
Cette discrétion, elle en a fait une force. « J’ai appris à me débrouiller, à me battre sur tous les points, à ne rien prendre pour acquis. » À Roland, elle a bluffé tout le monde : des frappes puissantes, un calme rare, un physique hors norme… Du renouveau dans le tennis féminin qui embête même les plus grandes.
Son entourage, resté discret, avait d’ailleurs mis en pause toutes les sollicitations pendant le tournoi. Une manière de la préserver, fidèle à leur fonctionnement, loin du bruit.
J’ai pris mon temps, j’ai mis des années à monter. Ce n’est pas maintenant que je vais me précipiter.
Le Top 100, ce n’est pas qu’un classement. C’est une vie différente. Des avions, des hôtels, des pressions nouvelles. Ce sont aussi des attentes : celle du public, des sponsors, du circuit. Boisson le sait. Elle a déjà vu des carrières s’éteindre aussi vite qu’elles s’étaient allumées. Mais elle refuse de changer pour changer « Je ne vois pas pourquoi je bouleverserais ce qui fonctionne. On va faire évoluer des choses, bien sûr. Mais toujours à notre rythme. »
Elle sort d’une semaine qu’elle décrit comme « la plus intense de sa vie, tant émotionnellement que physiquement » . Mais refuse de se laisser griser. « La confiance que j’ai acquise sur ce tournoi, ce n’est pas un acquis définitif. Toutes les semaines, il y a un nouveau tournoi et on remet tout à plat. »
Le circuit est rempli d’exemples de jeunes joueuses qui ont pris feu trop vite. Boisson en est consciente. Elle a même vu son ascension comme un cas d’école de patience : « J’ai pris mon temps, j’ai mis des années à monter. Ce n’est pas maintenant que je vais me précipiter. »

Avec son classement, elle pourrait tenter de tout bousculer : s’entourer de consultants, signer avec des agences, repenser sa préparation. Mais elle préfère bâtir. Ajuster sans se perdre. « Il faut digérer tout ça. Je veux avancer sans brûler les étapes. » C’est cette approche mesurée qui surprend dans le paysage du tennis féminin, souvent agité par les secousses précoces. Boisson s’impose par le fond, plus que par le bruit.
À 22 ans, Loïs Boisson n’a pas le pedigree des prodiges. Elle n’a pas explosé chez les juniors, n’a pas été la tête d’affiche de la FFT. Elle est arrivée dans le Top 100 par la face nord. Et c’est peut-être ce qui rend son parcours si précieux. Un modèle pour les autres, mais aussi un rappel : il existe encore des chemins lents vers le sommet. « Je ne vais pas tout révolutionner. Ce que je fais fonctionne, alors je continue. »
À l’heure du Top 65, c’est peut-être ce refus de la précipitation qui dit le mieux la force tranquille de Loïs Boisson.



