Entrée de Federer au Hall of Fame: l’homme qui a repoussé les limites du tennis
Directeur de Tennis Majors, Cédric Rouquette chronique l’actualité du circuit en miroir de ses écrits dans le livre « TENNIS » (éditions E/P/A) sur sa page LinkedIn. Ces articles sont reproduits ici.
Roger Federer et le livre « Tennis »
L’entrée de Roger Federer au Hall of Fame, annoncée mercredi, me renvoie aux raisons pour lesquelles j’ai commencé mon livre TENNIS par 37 pages sur lui (et comment Wimbledon a changé sa vie).
La vraie décision a été de commencer le livre par quatre portraits croisés de :
- Federer et Wimbledon ;
- Nadal et Roland-Garros ;
- Djokovic et l’Australian Open ;
- Serena et l’US Open.
Mon idée était de raconter l’histoire du tennis en partant de 2025 et non de 1874. En 2025, le tennis, c’est l’héritage énorme laissé par le Big Three et Serena. Et celui qui a ouvert la voie au fait que ce sport repousse ses limites, chez les hommes, c’est Federer.
Becker : « Tu as fait passer le tennis à un autre niveau »
J’ai fait le lien entre ce parti pris éditorial et l’introduction au Hall of Fame en entendant Boris Becker lui dire : « Tu as fait passer le tennis à un autre niveau. Dès tes premières victoires, des gens qui ne s’intéressaient pas au tennis se sont mis à l’aimer. Grâce à toi. Tu n’es pas seulement un des plus beaux palmarès de tous les temps. Tu es le plus grand sportif de tous les temps. »
Sur cette dernière phrase, même si je suis sensible au tennis de Federer depuis le début, Becker n’engage que lui. Mais je suis complètement d’accord avec l’idée qu’il a fallu Federer pour repousser les limites – sportives, économiques, marketing – du tennis.
Je me souviens du métro parisien en 2003 qui cherchait à nous vendre du rêve sur l’avenir du tennis en mettant sur le même plan Roddick, Federer, Ferrero, et sûrement Grosjean. C’était pour le tournoi du Paris Masters, gagné par Henman devant Pavel, lequel avait battu Novak en demi-finale. Il était alors impossible de visualiser ce que serait le tennis cinq ans plus tard à ce moment-là.
La phrase de Navratilova
Une discussion récente sur la phrase de Martina Navratilova – « Federer est meilleur que tout le monde, mais Nadal est le meilleur des deux » – m’a fait récemment relever que cette primauté de Federer dans la transformation du tennis était une idée peu répandue.
Navratilova avait prononcé ces mots à cette époque si particulière où Federer battait des records de domination (2006, 2007…) mais devenait systématiquement bloqué par Nadal sur terre, contesté sur les surfaces rapides, jusqu’à la passation de 2008 puis l’année 2009 où Federer est devenu le premier homme à 15 Grand Chelems.
Quelqu’un m’a dit : « Je ne comprends pas la phrase de Navratilova, Federer est le moins bon des trois. » En 2025, c’est vrai. Mais il est le leader des trois, donnée non contestée par les deux autres.
Les attentes placées en Federer
Celui qui a pris la lampe torche et ouvert la voie, c’est Federer. Ce que Federer a réalisé entre 2004 et 2009 pour amplifier le tennis dans toutes ses dimensions, et pousser Nadal puis Djokovic dans leurs retranchements est sidérant, mais je crois qu’à part les observateurs du tennis placés au premier rang à l’époque, personne ne s’en rend vraiment compte.
Parce que c’était il y a vingt ans ? Peut-être.
Parce qu’il a été le premier à décliner, à se blesser et à se retirer ? Peut-être aussi.
Mais en écrivant cette partie du livre, j’ai aussi réalisé à quel niveau d’attente il avait habitué les gens. Quand il se présente sur le central de Wimbledon en 2022 pour le centenaire, scène qui ouvre le livre, Federer a montré ses limites en quart de finale en 2021 mais tout le monde espère sérieusement le revoir briller en 2023. À 41 ans, presque 42.
À 41 ans, presque 42, Nadal sera retraité depuis quatre ans. Et si Djokovic est encore sur le Tour, nous serons en 2029.