Un Grand Chelem et la place de n°1 : avec son palmarès, Zverev ne peut plus ne pas accéder à ces sommets

Vainqueur dimanche de son deuxième titre au Masters, Alexander Zverev s’impose comme l’un des joueurs les plus forts de l’ère moderne à n’avoir pas encore gagné de Grand Chelem ou été n°1 mondial. Une ” anomalie ” qu’il doit désormais (absolument) réparer.

Alexander Zverev, ATP Finals 2021, Turin Alexander Zverev, ATP Finals 2021, Turin – © AI / Reuters / Panoramic

Quel est le joueur le plus fort à n’avoir jamais gagné de titre du Grand Chelem ? C’est une question à laquelle il est impossible de répondre, mais qui revient souvent chez les passionnés de tennis, comme une forme de jeu et d’invitation à la discussion.

Evidemment, pour intégrer le “casting” des candidats, il faut a minima avoir fini sa carrière. Car parmi les joueurs en activité, il n’y a plus vraiment photo : Alexander Zverev semble avoir plié le débat en décrochant ce dimanche à Turin son deuxième Masters, à l’issue d’une finale impeccablement maîtrisée face à Daniil Medvedev.

Avec désormais 19 titres à son palmarès dont cinq Masters 1 000 et deux Masters, donc, sans oublier le titre olympique décroché cet été à Tokyo (peut-être le plus beau à ses yeux), l’Allemand de 24 ans n’a pas d’équivalent parmi les joueurs du circuit qui n’ont, comme lui, pas encore décroché le Graal suprême. Ni parmi ceux, d’ailleurs, qui n’ont jamais été numéro un mondial, autre accessit qui manque encore à sa carrière pour passer définitivement du statut de très grand à celui d’immense champion. 

Pour trouver des joueurs capables de soutenir la comparaison avec lui dans ce classement un peu particulier, il faut donc se tourner vers le passé. Dans l’ère Open, le joueur le plus titré n’ayant jamais remporté de titre du Grand Chelem est le Néerlandais Tom Okker (35 titres), qui a d’ailleurs, comme Zverev pour l’instant (en 2020), atteint et perdu une seule finale majeure, à l’US Open, en 1968. Mais pas sûr qu’Okker ait davantage marqué le tennis que son dauphin dans ce classement, David Ferrer (27), ou qu’un Nikolay Davydenko (21), par exemple. Et encore moins qu’un Alexander Zverev.

Quant au joueur le plus titré de l’ère Open n’ayant jamais été numéro un mondial, il s’agit officiellement de Guillermo Vilas (62), mais on sait que son cas doit être assorti d’une astérisque depuis qu’un documentaire Netflix est venu apporter des éléments sérieux d’erreurs de calcul en sa défaveur.

Sachant que Stan Smith (48 titres), Arthur Ashe (44) et Manuel Orantes (34) ont établi une large partie de leurs performances avant l’ère Open, ce “record” doit peut-être plutôt être attribué à Michael Chang : 34 titres lui aussi, dont un Grand Chelem (Roland-Garros 1989), mais jamais numéro un mondial (n°2 en 1996). En ce sens, il joue largement dans la cour d’Alexander Zverev, si l’on peut dire.

La place de numéro un mondial, Zverev peut d’ailleurs la viser à court terme : au classement, il compte certes 3 700 points de retard sur Djokovic, ce qui paraît abyssal. Mais il aura aussi pratiquement 3 000 points en moins à défendre sur le premier trimestre 2022 par rapport au boss actuel, face auquel il aura réussi cette année deux de ses plus beaux chef-d’œuvre, en demi-finales des JO de Tokyo, en août dernier, et du Masters de Turin, ce samedi. Ça pose…

En attendant, Zverev a par ailleurs établi, ou au moins égalé, une autre forme de record : il est le seul des (désormais) dix joueurs ayant remporté au moins deux fois le Masters (avec Federer, Lendl, Sampras, Djokovic, Nastase, McEnroe, Becker, Borg et Hewitt) à n’avoir jamais ni gagné de Grand Chelem, ni été numéro un mondial. Il faut préciser que son ancien entraîneur Ivan Lendl n’avait fait ni l’un ni l’autre lorsqu’il avait remporté le deuxième de ses cinq Masters (en 1982). Mais il s’était largement rattrapé par la suite avec huit Majeurs entre 1984 et 1990… 

Enfin, un seul joueur a remporté autant de Masters 1 000 que Zverev (5) sans avoir décroché la timbale en Grand Chelem : il s’agit de Marcelo Rios, qui a toutefois été numéro un mondial mais s’était incliné en finale de l’Open d’Australie 1998 contre Petr Korda. Lequel avait, certes, été convaincu de dopage quelques mois plus tard. Mais ça, l’histoire n’en tiendra pas compte dans les statistiques qui nous intéressent ici.

Je vais me botter le cul pour que cela arrive.

Alexander Zverev

Bref, n’en jetez plus. Alexander Zverev sait ce qu’il lui reste à faire pour toucher véritablement les étoiles. Et il semble avoir la tête entièrement tournée vers ça. Tout ce que je peux dire, c’est que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, et je vais vraiment me botter le cul pour que cela arrive. Le reste, je ne le contrôle pas”, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse où il ne s’est guère montré bavard. Comme si, finalement, tout ça n’avait plus trop d’importance. Moins, en tout cas, que son impatience à courir vers son destin.

Le paradoxe il est vrai, dans la formidable carrière de Zverev, est que tant qu’il n’aura pas décroché ce fameux titre du Grand Chelem, tout ce qu’il gagnera à côté se retournera quasiment contre lui. Sous la rengaine lancinante du : “Oui, mais…” Plus il gagnera ce qu’il a déjà, plus on lui rappellera ce qu’il n’a pas encore. C’est injuste ? Oui. Cruel ? Aussi. Mais c’est le revers de la médaille.

Alexander Zverev ne le sait que trop. Son talent est tel, comme son palmarès, que rien ne permet de croire qu’il ne finira pas par décrocher le pompon un jour ou l’autre. D’autres ont comme lui connu ce blocage avant de faire sauter le bouchon de champagne, comme Andy Murray, un autre ancien élève d’Ivan Lendl. Sans parler de Lendl lui-même, possiblement le “maître” du genre.

Maintenant, les aléas du sport de haut niveau font que rien ne permet non plus d’assurer à 100% que Zverev finira un jour par transformer l’essai. “Il y a beaucoup de très bons joueurs, d’hier ou d’aujourd’hui, qui n’ont jamais gagné de Grand Chelem”, a estimé sa victime en finale, Daniil Medvedev, qui a pour sa part classé son “dossier” en triomphant à l’US Open en septembre dernier.

“C’est dur à dire. On ne sait jamais comment une carrière peut tourner. On peut commencer à mal jouer, se blesser… Sascha n’est pas exempt de ça. Est-ce qu’il est capable de gagner un Grand Chelem ? Oui, c’est évident. Va-t-il le faire ? On ne sait jamais…”

Parmi les incertitudes qu’Alexander Zverev doit encore lever figure sa capacité à briller face aux meilleurs sur le format des cinq sets, lui qui n’a encore jamais battu un top 10 en Grand Chelem. Sur un tout autre plan, il faudra aussi garder un œil sur l’enquête ouverte par l’ATP après les allégations de violences conjugales faites par son ancienne petite amie, Olga Sharypova (formellement niées par Zverev). Jusqu’ici, cette affaire n’a (étonnamment) pas semblé le perturber le moins du monde. Mais demain ? 

Pour éviter de gamberger à ce sujet, on ne saurait trop conseiller à Alexander Zverev de boucler rapidement le dossier, lui aussi. L’Open d’Australie 2022 pourrait être une belle occasion, surtout si le maître des lieux, Novak Djokovic, ne fait pas le déplacement à Melbourne, les autorités australiennes ayant décrété l’obligation vaccinale pour les joueurs (ce que n’est certainement pas le n°1 mondial, même s’il n’a jamais souhaité le confirmer).

S’il parvient à ses fins, alors on pourra dans quelques semaines parler d’Alexander Zverev comme d’un des plus grands champions de sa génération. Sinon, le débat sera rouvert…

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