Djokovic – Musetti et Nadal – Sinner, les deux huitièmes qui font frémir Roland

Les deux meilleurs joueurs du monde sur terre battue, Rafael Nadal et Novak Djokovic, vont affronter lundi en huitième de finale les deux Italiens de 19 ans à qui l’avenir du tennis est promis, Jannik Sinner et Lorenzo Musetti.

© Panoramic

Ce sont les deux huitièmes de finale masculins qui écrasent tous les autres. Ils auront lieu lundi en deuxième et troisième position sur le Chatrier. Aucune des six autres affiches soumises à notre passion pour le tennis n’exerce une attirance comparable. Djokovic – Musetti et Nadal – Sinner sont des rencontres qui ne devraient pas donner lieu à des coups de tonnerre. Mais elles dessinent des perspectives plus grandes : c’est un peu l’avenir du tennis mondial qui se jouera lors de la “day session” de lundi, en plus de celui de Roland-Garros 2021.

Les huitièmes de finale à Roland-Garros 2021 :

  • Djokovic (1) – Musetti
  • Berrettini (9) – Federer (8) [Berrettini qualifié par forfait]
  • Nadal (3) – Sinner (18)
  • Schwartzman (10) – Struff
  • Zverev (6) – Nishikori
  • Davidovitch Fokina – Delbonis
  • Tsitsipas (5) – Carreño Busta (12)
  • Medvedev (2) – Garin (22)

L’excitation qui précède ces deux affiches ne va pas principalement chercher vers la glorieuse incertitude du sport. Si Lorenzo Musetti, qui a joué son premier match en cinq sets samedi, devait éliminer Novak Djokovic… Ou si Jannik Sinner devait devant la troisième personne à écarter Rafael Nadal de Roland-Garros, Nadal qui n’a pas perdu un set depuis le début de la quinzaine et découpe ses adversaires menu comme aux plus beaux jours de 2008, 2010, 2014 ou 2020, il s’agirait de séismes tennistiques majuscules, comme il s’en produit un ou deux tous les vingt ans.

Sinner et Musetti, 19 ans, face à leur plus gros défi

Le seul précédent relativement comparable qui nous vient à l’esprit est le huitième de finale de Wimbledon 2001 entre Pete Sampras et Roger Federer, mais Sampras était moins « big » que Nadal et Djokovic aujourd’hui (13 couronnes du Grand Chelem contre 20 et 18), et Federer avait alors un an de plus que les deux Italiens aujourd’hui et semblait plus susceptible d’entraîner une telle sensation.

L’histoire des heures qui précèdent Djokovic – Musetti et Nadal – Sinner, c’est la fabuleuse certitude de voir le début d’une grande histoire s’écrire. Cette histoire est surtout celle des deux pépites du tennis italien, Sinner et Musetti, 19 ans chacun. Jusqu’où iront-ils ? La question rythme quasiment chaque semaine de compétition sur le circuit ATP depuis une vingtaine de mois, à mesure que les deux hommes, si jeunes, si différents, si impressionnants chacun à leur façon, franchissent les étapes à la vitesse de futurs champions. Un huitième de majeur contre Nadal et Djokovic, c’est leur plus gros défi jusqu’ici, le meilleur puits d’indice qui puisse nous être offert.

Alexander Zverev relevait vendredi que sa génération, dite « NextGen » depuis 2017, n’était plus vraiment de toute première fraîcheur est que la vraie NextGen est celle formée par Musetti, Sinner et Alcaraz, battu ce samedi au troisième tour. Elle est la première génération qui a la certitude d’évoluer un jour en étant débarrassée du Big Three – quand Musetti et Sinner auront 27 ans, Djokovic aura 42 ans, Nadal 43 et Federer 48.

Mais comme les générations l’ont précédée – celle des Roddick-Del Potro, celle des Nishikori-Dimitrov-Raonic, celle de Thiem, celle des Zverev-Tsitsipas-Medvedev, mangées toutes crues dans les derniers tours de Grand Chelem (jusqu’à plus ample information) – elle aura le droit de tenter sa chance. Ce Roland-Garros 2021 est sûrement un étape un peu précoce pour qu’ils puissent la saisir, mais ce qui va se passer lundi laissera des traces si ces joueurs avaient encore à s’affronter dans un, deux ou trois ans, avec les plus grands titres en jeu.

Si les éliminations de Djokovic ou Nadal ne semblent pas raisonnablement envisageables sur le papier en dehors de circonstances exceptionnelles – blessure ; incidents disciplinaires ; jour sans des uns, match de leur vie des autres –, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas match. 

D’abord car, c’est quasiment une règle non écrite du sport, les joueurs de premier plan savent qu’ils ont moins le droit à l’erreur face à leurs rivaux les plus jeunes, ce qui a un impact sur leur relâchement et leur niveau. Ce n’est, à ce titre, pas un hasard si Djokovic et Nadal ont veillé à avoir plusieurs séances d’entraînement avec leurs cadets cette année.

La volonté de transmettre leur science du tennis n’a rien à avoir avec de tels choix. De la part des deux meilleurs joueurs du monde Djokovic et Nadal, cela relève du professionnalisme pur : afin de savoir ce que Musetti et Sinner ont dans le ventre, autant “bouffer” leur balle sans filtre. Ainsi Sinner fut-il l’élu de Nadal quand il s’est agi de s’enfermer avec un sparring à Adelaïde en Australie en début d’année. Ainsi Monte-Carlo fut-il le théâtre de quelques séances Djokovic-Musetti ce printemps.

Nadal – Sinner le choc tennistique ; Djokovic – Musetti la curiosité pour esthètes

Les deux matchs ont le même profil – légende contre pépite italienne – mais ils ne font pas la même promesse. S’il fallait caricaturer, Nadal – Sinner serait le vrai choc tennistique et Djokovic – Musetti la curiosité pour esthètes.

Nadal – Sinner, c’est un match dont on sait qu’il peut être difficile pour Nadal car il le fut l’an passé à Roland-Garros. En 2020, c’est-à-dire il y a sept mois, Sinner a fait jeu égal pendant 85 minutes avec l’un des Nadal les plus autoritaires de l’histoire, en quart de finale, en route vers son treizième Roland-Garros. Sinner avait eu une balle de set à 5-4, servi pour le premier set à 6-5, il avait breaké au deuxième set pour mener 3-1. Après quoi Nadal avait remis les choses dans l’ordre et avait pris le large à partir de 4-4 au deuxième set. Ce qui est devenu un 7-6, 6-4, 6-1 quasi invisible dans les livres d’histoire fut, pendant une moitié de temps un redoutable combat de terre battue d’une grande richesse d’enseignements. 

Sinner, dans un premier temps, n’a pas souffert de la comparaison en puissance pure malgré son choix provoquant de jouer le coup droit de Nadal. Du jamais-vu à Roland-Garros. Sur la durée du match, il avait remporté plus de points que l’Espagnol sur deux filières-clefs pour quiconque espère un jour dominer Nadal à Roland-Garros. La filière courte, en moins de quatre coups, lors de ces agressions précoces qui empêchent Nadal de s’installer dans l’échange. La filière longue, en plus de neuf coups, là où Nadal règne habituellement en maître contre quiconque.

Sinner n’a pas fait plus forte impression lors de son parcours 2021 que lors de son parcours 2020, qui l’avait notamment vu dégoûter Goffin puis Zverev. Mais il est un autre joueur : plus ambitieux, mieux classé (19e mondial, tête de série n°18), plus certain de son potentiel (premiers titres ATP, finale de Masters 1000 à Miami), mieux rôdé à la grammaire des Grands Chelems (une balle de match sauvée au premier tour contre Herbert et premier succès en cinq sets).

Ce sera peut-être différent cette fois

Sinner, qui a perdu ses deux matches contre Nadal

« Ce n’est pas le meilleur huitième de finale qu’on puisse imaginer, euphémise Nadal. Je vais devoir évoluer à un très haut niveau. Ce n’est pas un hasard si Sinner est le treizième meilleure joueur du monde en 2021 (à la Race, ndlr). » A ce classement menant au Masters, Nadal est lui-même sixième. « J’ai joué deux fois contre Nadal, dit Sinner en rappelant sa défaite 7-5, 6-4 à Rome. Mais ce sera peut-être différent cette fois. »

Djokovic – Musetti est plus déséquilibré sur le papier. L’Italien n’est « que » 76e mondial, mais dix-neuvième à cette fameuse Race brandie par Nadal. Il va jouer son quarante-cinquième match de la saison, signe d’un début d’année passé sur les circuits challengers et dans les tableaux de qualification. Il avait chuté au premier tour à celles de l’Open d’Australie, c’est dire la vitesse à laquelle il évolue. Musetti dispute à Paris son premier “grand tableau” en tournoi du Grand Chelem et sort de son premier match en cinq sets. La logique d’apprentissage est plus palpable chez lui, surtout face à un Djokovic qui abandonne trois jeux par sets depuis le début de ce Roland-Garros.

Il va sûrement jouer le tennis de sa vie.

Djokovic sur Musetti

Si gêne il y a chez le numéro un mondial, elle peut venir du profil technique de Musetti. Une bête physique dans un gant de velours, doté d’une palette foisonnante. « Il est aussi bon en coup droit qu’en revers, il sait lifter, il sait amortir, il a un bon slice, il sert à plat, il est est vraiment complet », expose Djokovic avant de délivrer une de ces phrases qui sait si bien mettre la pression sans avoir l’air d’y toucher : « Il n’aura pas grand chose à perdre et donc il va certainement jouer le meilleur tennis de sa vie sur un grand court comme celui-ci. »

« Je traverse un peu ce que Jannik a traversé l’année dernière » constate Musetti, comme s’il voulait confirmer que l’attente est moindre sur lui. Les deux pépites Italiennes commencent à avoir l’habitude d’avoir à se comparer et de commenter leurs trajets mutuels. Ce samedi n’a pas échappé à la règle. Dans sa première réponse, Musetti a eu le cran que chacun espère les voir déployer lundi. « Oui Jannik et moi, nous sommes l’avenir du tennis italien. Et du tennis en général. Depuis mon enfance, je travaille pour jouer ces matchs-là. Tous les sacrifices, et le travail acharné que j’ai effectués, cela se concrétise maintenant. Je compte profiter de chaque instant. » On ne sera pas loin pour profiter aussi.

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