Lucas Pouille : “Pour ma santé mentale, il fallait que j’arrête”

Dans un entretien à L’Equipe, Lucas Pouille revient sur les heures noires qu’il a traversées ces dernières saisons et particulièrement ces derniers mois. L’ancien numéro 1 français, qui tente aujourd’hui un come-back, explique avoir sombré dans la dépression et l’alcool.

Lucas Pouille at Montpellier in 2021 Lucas Pouille at Montpellier in 2021 © JB Autissier / Panoramic

Il avait tout pour lui. Un talent fou, une frappe de balle d’une grande pureté, un entourage solide, une belle gueule… Lorsqu’en 2016, à 22 ans, il a explosé pour de bon au plus haut niveau en atteignant les quarts de finale à Wimbledon et à l’US Open en battant notamment Rafael Nadal, Lucas Pouille était prédestiné, semble-t-il, à reprendre le flambeau du tennis français laissé en suspens par un quatuor Tsonga-Monfils-Simon-Gasquet qui commençait alors à prendre la pente descendante.

Et puis, tout ne s’est pas passé exactement comme prévu. Malgré une superbe embellie à l’Open d’Australie 2019 où il a atteint les demi-finales, sous la houlette d’Amélie Mauresmo, le Nordiste s’est rapidement laissé brûler les ailes. Son corps qui l’a ensuite complètement lâché, avec notamment une opération du coude en 2020 suivie d’une foultitude de pépins divers, n’était que le reflet de son âme en peine, de plus en plus éloignée des choses du tennis.

Aujourd’hui âgé de 29 ans et retombé à la 459e place mondiale, Lucas Pouille tente un retour courageux sur le circuit. Quart de finaliste en début d’année au Challenger de Quimper, il a dû remettre le clignotant quelques semaines en raison d’un énième souci physique. Mais le voilà de nouveau sur pied, prêt à partir la semaine prochaine pour une série de Challengers aux Etats-Unis après s’être préparé dans le Sud de la France aux côtés de son ami d’enfance Enzo Py, un ancien champion de France jeunes comme lui mais qui n’a jamais percé sur le circuit.

C’est là, à Cannes, que l’ancien 10e joueur mondial et vainqueur de la Coupe Davis 2017 est revenu sur ses heures sombres. Dans un entretien accordé à l’Equipe, il explique que c’est en grande partie la perspective des JO de Paris 2024 qui l’a motivé à ressortir ses vieilles raquettes Prince du placard. Prêt à rempiler, donc, avec toute l’humilité nécessaire dont il reconnaît avoir peut-être manqué lorsque les premières difficultés sont survenues, trop longtemps accroché au souvenir de sa gloire récente.

Aujourd’hui, “j’ai fait le deuil de cette période-là”, estime-t-il avant d’expliquer pourquoi il a eu tant de mal à le faire. “Je pense que l’ego joue beaucoup. L’impatience de revenir au plus haut niveau. J’ai eu la chance de vivre de grandes émotions, de disputer les plus grands tournois du monde, faire une demi-finale de Grand Chelem, deux quarts, gagner la Coupe Davis, des titres… Passer de ça à se faire accrocher par le 300e mondial au premier tour d’un Challenger, bah, si on n’est pas en phase avec ça, on ne peut pas gagner. Je n’avais pas l’humilité nécessaire et ce n’est pas agréable de se dire que tu manques d’humilité.” 

J’ai commencé à avoir un côté plus sombre et à entrer dans une dépression qui m’a amené à dormir une heure par nuit et à boire seul. Je m’enfonçais dans un truc glauque.

Lucas Pouille

A demi-mots, le Nordiste explique s’être sans doute laissé griser par la gloire et l’argent arrivés trop tôt. “Quand on est jeune et qu’on gagne de l’argent, on en profite, on voit les priorités là où elles ne le sont pas en réalité. J’ai plus de maturité, j’ai ma fille. Il y a plus important que de s’acheter des beaux vêtements ou une belle voiture. C’était mon cas avant. Aujourd’hui, je suis heureux avec des choses simples. Mais forcément, ton train de vie change. De demie de Grand Chelem à premier tour de Challenger, il y a quelques zéros en moins.” 

Lucas Pouille raconte enfin avoir touché son point le plus bas l’an dernier au début de la saison sur gazon, au sortir d’un séjour à l’hôpital de Nice pour soigner une fracture à la côte persistante. “J’ai commencé à avoir un côté plus sombre et à entrer dans une dépression qui m’a amené, après Roland, en Angleterre, à dormir une heure par nuit et à boire seul. Impossible de fermer l’œil. J’étais tout seul avec Félix (Mantilla, son coach d’alors, Ndlr). Je rentrais dans ma chambre et je regardais le plafond. Je m’enfonçais dans un truc glauque. Je me levais avec les yeux éclatés. Tous les matins, Félix me demandait : “Tu ne dors pas ?” – “Si, si, je fais des allergies, la moquette, le pollen, l’herbe…” Je lui mentais. Je m’enfermais, je n’en parlais à personne. (…) J’étais dans une sale phase. Et j’ai pris la décision de dire stop. Sinon, j’aurais fini à Sainte-Anne, chez les fous. Pour ma santé mentale, il fallait arrêter.”

Lucas Pouille n’a plus retouché la raquette jusqu’à la fin de la saison 2022. Il l’a reprise dans une sorte de tentative de la dernière chance, mais prévient. Au moindre nouveau souci physique, ce sera fini, et cette fois pour de bon. C’est évidemment la dernière chose à lui souhaiter.

À Roland-Garros en 2023, le Français est sorti des qualifications de Roland-Garros pour entrer dans le tableau principal de son premier Grand Chelem depuis un an.

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