« Je pense qu’il est né pour jouer ce genre de moments » – Alcaraz, une machine qui brille dans le money time

Il y a des victoires qui forgent des carrières. Et puis il y a des matchs qui les gravent dans la légende. Dimanche, Carlos Alcaraz a remporté Roland-Garros dans une finale d’une intensité folle face à Jannik Sinner, après cinq sets irrespirables et plus de cinq heures de combat.

Alcaraz Trophée Roland-Garros 2025 Alcaraz Trophée Roland-Garros 2025 – © Virginie Bouyer

Plus qu’un nouveau titre du Grand Chelem, le cinquième du jeune Espagnol, c’est la manière, la dramaturgie, l’éclat de la bataille livrée qui marqueront l’histoire. Alcaraz a signé une remontada digne du grand Barça. « C’était la première fois que je revenais de deux sets à zéro. Je pense qu’il n’y avait pas de meilleure occasion pour le faire qu’en finale de Roland-Garros », a-t-il soufflé avec fierté.

Dans une arène en fusion, ce match aux multiples rebondissements a tout eu du classique instantané. Une rencontre que l’on évoquera peut-être un jour dans le même souffle que Federer-Nadal 2008 ou Borg-McEnroe 1980. Alcaraz, lui, refuse d’y voir un héritage immédiat : « Si les gens placent ce match à ce niveau, c’est un immense honneur. Mais je laisse les autres en juger. Je ne sais pas si notre match est au même niveau que ceux-là. »

Je me suis demandé plusieurs fois : Mais qu’est-ce que je peux faire ?

Car ce qui a transcendé ce duel, ce n’est pas seulement la fiche de score. C’est la force mentale des deux joueurs, flirtant avec la rupture… sans jamais rompre. Mené deux manches à rien, breaké dans la troisième, l’Espagnol semblait vaciller. Mais il a tenu. Il a insisté. Il a refusé la fatalité, et a décidé, en pleine tempête, de faire confiance à son jeu : « Je me suis dit qu’il était temps de donner le meilleur de moi-même et de ne pas avoir peur de faire la faute. » Jannik Sinner s’est lui aussi illustré jusqu’au bout, breaké dans la 5e manche alors qu’il venait de perdre le 4e set alors qu’il avait eu 3 balles de match. Il a débreaké dans les derniers instant du match emmenant Alcaraz dans un super Tie Break

Mais dans les moments les plus chauds, Alcaraz a sorti ses plus beaux coups. Ce passing de coup droit croisé, à 6-5 pour Sinner, 15-30 dans le cinquième set, est déjà entré dans la mémoire collective. Lui s’en souvient parfaitement, incrédule : « Honnêtement, je ne sais toujours pas comment j’ai fait pour sauver ce jeu. »

À ce stade du match, le tennis frôlait l’absurde. Sinner envoyait des missiles, défendait comme un mur. Alcaraz levait les bras, interrogeait le ciel : « Je me suis demandé plusieurs fois : Mais qu’est-ce que je peux faire ? » l’Italien semblait trop fort mais il y a toujours cru. Même à trois balles de match contre lui.

Carlos Alcaraz et Juan Carlos Ferrero Roland-Garros 2025
Carlos Alcaraz et Juan Carlos Ferrero Roland-Garros 2025 – © Badano / Psnewz

Sur la chaise, Juan Carlos Ferrero, son entraîneur depuis l’adolescence, vivait chaque point avec intensité. Il sait ce que son joueur a dans le ventre. Et même lui, l’ancien numéro un mondial, a douté : « À 5-3, 0-40 dans le quatrième, je ne pensais pas qu’il pouvait revenir. Mais il m’a regardé et m’a fait ce petit signe de la raquette, comme pour dire : Je suis toujours là. Avec Carlos, tout est possible. »

Pour Ferrero, ce n’est pas un hasard. C’est dans l’ADN de son joueur. « Je pense qu’il est né pour jouer ce genre de moments. Depuis tout jeune, dans les Challengers, il allait chercher les gros points. Et aujourd’hui, il le fait en finale de Grand Chelem. »

Alcaraz, lui, refuse de se voir comme un magicien. Il parle de travail, de confiance, de courage. Il l’admet avec un sourire : « Honnêtement, je préfère gagner en trois sets. »

Mené deux sets à zéro, dos au mur, il a puisé dans ce qu’il considère lui-même comme la marque des plus grands : « Je pense que c’est dans ces moments-là que les vrais champions se révèlent », confie-t-il.
Capable de se battre jusqu’au bout, même quand tout semble perdu, il s’est accroché, point par point. « C’est une finale de Grand Chelem. Ce n’est pas le moment d’abandonner. Ce n’est pas le moment d’être fatigué. » Une philosophie appliquée à la lettre pour renverser le cours de la finale. « Je crois tout le temps en moi. Même avec des balles de match contre moi, je me suis dit : un point à la fois. »

Une date, un destin

Cette victoire en dit long sur le joueur, mais aussi sur l’homme. À 22 ans, un mois et trois jours, Carlos Alcaraz décroche son cinquième majeur, égalant un certain Rafael Nadal au même âge. Seul Björn Borg avait été plus rapide, avec le même total atteint à 22 ans et cinq jours. « Le hasard a voulu que je remporte mon cinquième Grand Chelem au même âge que Rafa. Je dirais que c’est le destin », a-t-il glissé, presque ému. « C’est une statistique que je vais garder précieusement en mémoire : remporter mon cinquième Grand Chelem en même temps que Rafa, mon idole, mon inspiration. »

Ferrero, prudent, préfère ne pas céder à la comparaison : « Ce n’est pas le jour pour ça. C’est une coïncidence incroyable, mais nous essayons d’écrire notre propre histoire. »

Ce Roland-Garros 2025 marquera aussi une autre pierre dans la rivalité montante entre Alcaraz et Sinner. C’était leur 14e affrontement, mais la première en finale de Grand Chelem. Et sans doute pas la dernière. « Chaque match contre lui est spécial. J’espère que ce n’était que le premier de beaucoup d’autres. Chaque fois que l’on s’affronte, on élève notre niveau au maximum », dit Alcaraz.

Le tennis mondial a trouvé sa nouvelle rivalité, son nouveau chapitre. Une opposition de styles, de personnalités, mais un respect immense. Et une promesse pour le futur. « Pour le sport, c’est quelque chose d’incroyable. Voir ces deux gars se battre pour de grands trophées, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le tennis », conclut Ferrero.

Carlos Alcaraz est peut-être jeune, mais il joue déjà avec l’âme des anciens. Ce dimanche, Roland-Garros a été le témoin de l’ascension d’une légende qui n’est pas prête de s’arrêter.

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