Federer dans le flou pour la suite ? Partir par la petite porte, c’est la norme chez les champions

La fin de carrière de Roger Federer semble se précipiter alors que le Suisse doit affronter une troisième opération au genou à 40 ans. La légende est déterminée à revenir, mais les champions ne choisissent que rarement la fin.

Roger Federer at Geneva in 2021 Roger Federer at Geneva in 2021 ©

Reverra-t-on un jour Roger Federer à Wimbledon, ou même sur le circuit ? Le Suisse a annoncé dimanche dernier qu’il allait repasser sur le billard pour subir une troisième opération au genou droit en un an et demi. Le co-recordman du nombre de titres en Grand Chelem (20, à égalité avec Rafael Nadal et Novak Djokovic) espère revenir en 2022. Mais il se montre lucide sur ses chances de revenir au plus haut niveau à 40 ans : « Je suis réaliste, je sais que ça va être difficile de subir une nouvelle opération à cet âge », a-t-il déclaré dans la vidéo publiée sur son compte Instagram.

Le champion suisse n’est plus apparu sur les courts depuis sa défaite sèche en quart de finale de Wimbledon contre Hubert Hurkacz (6-3, 7-6, 6-0). Imaginer Federer terminer sa carrière sur une bulle dans son jardin paraît difficile à concevoir. Ce serait même cruel pour l’homme qui a soulevé huit fois le prestigieux trophée du All England Lawn Tennis and Croquet Club.

Pourtant, les grands champions sortent très rarement par la grande porte. En raison de leur caractère exceptionnel, ils continuent à se battre contre vents et marées. Malgré les blessures, la fatigue mentale ou le déclin inexorable qui les rattrapent avec l’âge, ils résistent. Dépasser les limites attendues : c’est le propre des grands champions et c’est même ce que l’on attend d’eux.

Pete Sampras, le seul parti au sommet… sans le savoir

Pete Sampras est la seule légende du tennis à avoir arrêté sa carrière au sommet. Mais lorsqu’il remporte son quatorzième titre du Grand Chelem à l’US Open en 2002, il n’est pas question de raccrocher les raquettes. Pourtant, l’Américain est moins performant.

Son triomphe devant son public constitue même l’un de ses plus beaux succès, car il est acquis à la surprise générale, contre son grand rival, Andre Agassi, au terme d’une saison catastrophique qui le voit descendre à la 17e place mondiale. Après ce titre, “Pistol Pete” retarde plusieurs fois son retour sur les courts. Un an plus tard, l’ancien numéro 1 mondial officialise finalement sa retraite, juste avant l’US Open 2003.

Andre Agassi, Pete Sampras, US Open, 2002
Andre Agassi, Pete Sampras, US Open, 2002 – Prosport / Panoramic

D’autres ont tellement tiré sur leur corps que ce dernier a dû dire stop à leur place. Qui se souvient qu’Andre Agassi s’est arrêté sur une défaite face à un qualifié au troisième tour de l’US Open ? Ou qu’Ivan Lendl n’a pas terminé le dernier match de sa carrière ?

“Je n’ai plus faim. J’en ai assez”

Jim Courier

En 2006, Agassi enchaîne les blessures et ne dispute que huit tournois avant l’US Open. Après avoir bataillé en cinq sets au deuxième tour contre Marcos Baghdatis (8e), le Kid de Las Vegas rend les armes face au 112e joueur mondial, l’Allemand Benjamin Becker (7-5, 6-7, 6-4, 7-5). L’Américain avait déjà annoncé la fin de sa carrière et a pu dire adieu à son public en délivrant un discours émouvant sur le court Arthur Ashe. Malgré la défaite, Agassi tire sa révérence sur une dernière ovation à 36 ans.

Ivan Lendl, lui aussi vainqueur de huit Majeurs, n’a pas eu cette chance. En 1994, l’ancien joueur tchécoslovaque, devenu américain, est descendu trois ans plus tôt du podium du tennis mondial qu’il a occupé pendant une décennie. Tiraillé par une blessure au dos, il abandonne au deuxième tour de l’US Open contre Bernard Karbacher. Trois mois plus tard, l’ex-numéro 1 mondial officialise la fin de sa vie de joueur professionnel, sans dernier baroud d’honneur.

Stefan Edberg a fait le choix de disputer une ultime saison avant de laisser le tennis de côté. Mais l’a regretté par la suite, soumis à la pression des attentes à chaque tournoi.

« À dire vrai, je ne recommanderais à personne de le faire, même si c’est quelque chose d’agréable, parce que cela vous met trop la pression et que vous aurez trop de choses en tête, dira Edberg à The Tennis Podcast plus de 20 ans après. C’est très difficile à gérer, mais à la fois, ce fut une année mémorable. Mais je ne le conseillerais pas. »

En dominant un Stefan Edberg touché à la cheville droite pendant leur match, lors de la finale de Coupe Davis 1996, Cédric Pioline le privait non seulement d’un cinquième saladier d’argent, mais aussi d’une dernière victoire de prestige devant son public à Malmö. Le sublime volleyeur disputait son dernier match avant de voir les Français triompher.

Quand ce n’est pas le physique qui lâche c’est le mental. « J’ai tiré tout ce que je pouvais de mon jeu, a déclaré Jim Courier en 2000 au moment où il mettait un terme à sa carrière, riche de 23 titres. Je n’ai plus faim. J’en ai assez » L’Américain avait réussi à revenir à la 32e place mondiale après une blessure au bras droit, sans pour autant retrouver l’éclat qui lui a permis d’empocher quatre titres en Grand Chelem.

L’éternel retour qui fait “flop”

Usé par le haut niveau, Björn Borg a pris sa retraite prématurément à 26 ans, après une défaite au deuxième tour de Monte-Carlo en 1983 face à un gamin de 19 ans : Henri Leconte. Le Suédois aux 11 titres majeurs avait perdu sa motivation pour le tennis et n’avait disputé qu’un seul match en un an et demi.

La star du tennis, alors recordman du nombre de titres en Grand Chelem -battu seulement par Pete Sampras en 1999- a eu du mal à tirer un trait sur le tennis. Il a cédé aux appels qui le pressaient de revenir. Suite à une nouvelle défaite face à Henri Leconte en 1984 et quelques exhibitions, Borg fait un come-back de 1991 à 1993. Bilan : 12 défaites étalées sur trois saisons.

John McEnroe
John McEnroe, Roland-Garos, 1992 – Imago / Panoramic

A l’instar de Björn Borg, son meilleur ennemi John McEnroe ou Guillermo Vilas ont effectué leur retour sur le circuit après avoir annoncé leur retraite. McEnroe s’est arrêté une première fois à 33 ans, sur une défaite face à Goran Ivanisevic à Munich après plusieurs années de déclin. L’Américain aux 77 titres en carrière, met le holà à la fin d’une saison 1992 vierge de trophées, mais ponctuée tout de même par une dernière demi-finale à Wimbledon.

Suite à une année blanche, il ne résiste pas à l’invitation du tournoi de Rotterdam et s’incline en deux sets face au 10e joueur mondial, Magnus Gustafsson (6-2, 7-6). Poussé par la passion du jeu, “Big Mac” réussit tout de même un incroyable retour en double en 2006. A 47 ans, il remporte le tournoi de San José en double avec le Suédois Jonas Björkman.

Le grand spécialiste de la terre battue, Guillermo Vilas, n’a pas réussi à tirer un trait net sur son passé de champion. L’inusable argentin a 30 ans quand il remporte son dernier titre à Kitzbühel en 1983, mais il continuera à jouer jusqu’en 1992. Après une première retraite en 1989, il revient près de deux ans après pour s’aligner principalement sur le circuit secondaire. Cette partie de sa carrière, close sur un triste bilan de 4 victoires et 24 défaites, sera vite oubliée.

Résister à l’inexorable déclin

Dans les années 1990, Jimmy Connors, Mats Wilander et Boris Becker ont également connu la lente érosion de leur jeu, la multiplication des défaites et les titres de plus en plus parsemés à l’approche de la trentaine. Becker a résisté trois saisons sans remporter le moindre titre, avant de disputer son dernier match sur le circuit principal en 1999, à 31 ans, en tant que 77e joueur mondial (défaite en huitième de finale à Wimbledon face au numéro 2 mondial Patrick Rafter).

Six ans se sont écoulés entre le dernier titre de Mats Wilander glané à Itaparica et sa dernière apparition en 1996 au premier tour de Pékin. A 33 ans, le Suédois qui a atteint l’apogée de sa carrière en 1988 avec trois titres du Grand Chelem et une place de numéro 1 mondial, part par la petite porte sur quatre défaites de rang et une place de 194e joueur mondial.

Jimmy Connors s’est distingué -entre autres- par sa longévité en continuant à jouer sur le circuit jusqu’à 43 ans. Son dernier match ? Une défaite au premier tour d’Atlanta en 1996, alors qu’il pointait à la 413e place mondiale. C’était treize ans après son huitième et dernier titre du Grand Chelem remporté à l’US Open en 1983. Dans ce laps de temps, “Jimbo” a ajouté 9 trophées à une armoire déjà pleine à ras bord de 100 titres.

Roger Federer n’est plus qu’à six unités du record de 109 titres en carrière de l’Américain. Mais, à 40 ans et dans les circonstances actuelles, cette quête est inenvisageable pour le Suisse. Cependant, personne ne pourra douter de sa passion pour le jeu, ni même lui fixer les conditions de son départ. Après 23 ans de carrière, Federer a encore envie de croire à un retour. La moindre des choses serait de le laisser écrire son histoire et de laisser la magie opérer.

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